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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/349

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NOTICE PRÉLIMINAIRE




Vers 1753, Diderot était enfin célèbre. L’homme « sans qualité qui faisait le bel esprit et trophée d’impiété », dénoncé par l’abbé Pierre Hardy, curé de Saint-Médard, « le garçon plein d’esprit mais extrêmement dangereux » qu’un exempt signalait au lieutenant de police Berryer[1], tenait, sans conteste, à Paris, le premier rang dans la secte philosophique. La publication de l’Encyclopédie se poursuivait à travers mille obstacles. La famille de Diderot semblait seule lui garder rancune de l’éclat qu’il jetait sur un nom si longtemps obscur, lorsque le vieux coutelier de Langres, « dont l’âge et la faible santé ne promettaient pas une longue vie », désira tout à coup revoir sa bru et embrasser Marie-Angélique, l’unique enfant qui restait à son fils. « J’avais quatre ou cinq ans, dit Mme de Vandeul ; pendant les trois mois que nous restâmes en Champagne, mon père se lia avec Mme Volland, veuve d’un financier ; il prit pour sa fille une passion qui a duré jusqu’à la mort de l’un et de l’autre. » Diderot avait quarante-deux ans et cette passion si profonde n’était pas la première.

Tout jeune, il avait rôdé autour du comptoir de Mlle Babuty, cette jolie enfant qui devait faire à Greuze une si lamentable vieillesse, mais qui n’était alors pour le philosophe qu’une gentille voisine dont il se plaisait à faire rougir les joues fraîches. Regardez plutôt ce délicieux croquis dont pas un peintre ne s’est encore inspiré : « Elle occupait une petite boutique de libraire sur le quai des Augustins[2], poupine, blanche et droite comme le lis, vermeille comme la rose. J’entrais avec cet air vif, ardent et fou que j’avais, et je lui disais : « Mademoiselle, les Contes

  1. J. Delort. Histoire de la détention des philosophes et des gens de lettres à la Bastille et à Vincennes, tome II, p. 211 et 213.
  2. Salon de 1765. Voir t. X, p. 349.