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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/438

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trois à faire ; mais longs et difficiles : c’est l’examen du platonisme et du pythagorisme, avec l’histoire de la philosophie chez les Étrusques et les Romains[1]. Je sors des Arabes et des Sarrasins, où j’ai trouvé plus de choses intéressantes que je n’en espérais. Ces peuples ont un caractère particulier. Vous avez entendu parler de ces dévots orientaux, dont la pratique religieuse se réduit à pirouetter sur un pied jusqu’à ce qu’ils tombent par terre sans connaissance, sans sentiment, étourdis et presque morts. Croyez-vous que cette extravagance est le résultat d’un système théosophique très-suivi, très-lié, et parsemé de vérités les plus sublimes ? Ils prétendent que le vertige suspendant toutes les distractions de la particule divine, elle s’en rejoint plus intimement à l’être éternel dont elle est émanée. Dans cet état de stupidité tranquille, simple, pure et une comme lui, elle entend sa voix, et jouit d’un bonheur inconnu aux profanes qui ne l’ont point éprouvé. La vénération que les musulmans ont pour les idiots est la conséquence de ce privilège. Ils les regardent comme des êtres privilégiés en qui la nature a opéré la bienheureuse imbécilité que les autres n’acquièrent que par le saint vertige. Je vous détaillerais tout cela si j’en avais le temps ; vous verriez que l’islamite qui est assis immobile au fond d’une caverne obscure, les coudes appuyés sur ses genoux, la tête penchée sur ses mains, les yeux attachés au bout de son nez, passant des journées entières dans l’attente de la vision béatifique, est un aussi grand philosophe que l’Européen dédaigneux qui le regarde en pitié, et qui se promène tout fier d’avoir découvert que nous ne voyons rien qu’en Dieu.

Le saint prophète pressentit que la passion des femmes était trop naturelle, trop violente et trop générale pour tenter avec succès de la refréner. Il aima mieux y conformer sa législation que d’en multiplier les infractions en l’opposant à la pente la plus utile et la plus douce de la nature. Quand il encourageait les hommes à la vertu par l’espérance future des voluptés corporelles, il leur parlait d’une félicité qui ne leur était pas étrangère. Il prescrivait des ablutions et quelques pratiques frivoles, dont le peuple a besoin, qui sont arbitraires, telles qu’il y en a dans toutes les religions du monde, et qui ne signifient rien

  1. Pour l’Encyclopédie.