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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/542

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vrant, se fermer durement, qu’on peut faire un faux pas en s’en retournant, et cela sans conséquence. Ah ! si j’étais à Isle, et que vous voulussiez ! ils diraient tous le lendemain : La nuit affreuse qu’il a fait ! et nous nous tairions, et nous nous regarderions en souriant.

Eh ! non, je ne crois pas que vous m’oubliiez, même quand je vous le dis !

J’ai reçu toutes vos lettres ; n’en soyez point inquiète. Elles arrivent tard à cause des tours qu’elles font avant d’arriver. Le mauvais temps et les voyages des domestiques à Charenton m’auraient ruiné sans Damilaville ; je ne me mêle de rien, et tout se fait par ses ordres.

Je vous apparais donc quelquefois en rêve ? Le sommeil ne me sert pas si bien que vous, mais je sais m’en dédommager quand je veille ; ne donnez pas à cela trop de force, je n’ai encore rien à regretter ; non, mais il est temps que vous vous rapprochiez de moi.

Amusez-vous toujours de mes petits volumes, et croyez qu’ils ne prennent rien sur mon repos ; nous nous retirons de bonne heure depuis que le Baron est indisposé. J’ai refusé qu’on fît du feu chez moi. L’aspect de mon appartement les transit, et je n’ai personne ni le matin ni le soir.

J’ai déjà par-devers moi un jour de sobriété. Mme d’Aine a juré que cela ne durerait pas.

Il faut que je vous apprenne un secret pour gagner au jeu, c’est de se mettre à cul nu. C’est le Baron qui l’a enseigné à Mme d’Aine, et elle s’en est bien trouvée.

Le père Hoop est jeune ; je ne sais pas s’il a les quarante-cinq ans que vous lui donnez, mais à cent ans il aura le même visage. Le Baron l’appelle vieille momie : j’en ai encore une autre. Le joli temps que Mme Le Gendre passerait entre ces deux momies-là ! Ma seconde momie, c’est le docteur Sanchez, ci-devant premier médecin de la czarine, juif de religion et Portugais d’origine.

Quand je me la représente jeune, fraîche et vermeille entre ces deux sempiternités, il me semble que je vois un tableau de Fleur d’Épine, ou des Quatre Facardins[1].

  1. Contes d’Hamilton.