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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/144

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la poche étoit situé à sa partie latérale gauche : 3°. que trois mois après la sortie du fœtus cette poche étoit encore grosse : 4°. que pendant le traitement il n’étoit survenu aucune altération aux parties naturelles, aucun écoulement, &c. 5°. que la matrice pleine d’un fœtus de six mois ne s’étend point jusqu’aux fausses côtes : 6°. que s’il eût été dans la matrice, il en eût rongé les parois pour en sortir.

D’où M. Littre conclut que c’est donc ou la trompe ou l’ovaire qui avoit servi de matrice au fœtus : mais il ne se décide point pour l’une de ces parties plûtôt que pour l’autre ; il conjecture seulement que la poche formée par l’une ou l’autre s’est ouverte, & que le fœtus est tombé dans la capacité de l’hypogastre où il est mort.

On a vû par le commencement de cet article, ce qu’il produisit là, & quelles furent les suites de cet accident.

Vers la fin de Septembre la malade fut aussi forte & dans le même embonpoint qu’auparavant. Elle joüissoit d’une parfaite santé lorsque M. Littre faisoit l’histoire de sa maladie.

Le fait précedent est remarquable par la maniere dont une femme s’est débarrassée d’un enfant mort : en voici un autre qui ne l’est gueres moins par le nombre des enfans qu’une femme a mis au monde tous vivans. On lit, Hist. de l’Acad. 1709, pag. 22, que dans la même année la femme d’un Boucher d’Aix étoit accouchée de quatre filles, qui paroissoient de différens termes, ensuite d’une masse informe, puis de deux jours en deux jours de nouveaux enfans bien formés, tant garçons que filles, jusqu’au nombre de cinq ; de sorte qu’en tout il y en avoit neuf, sans compter la masse : ils étoient tous vivans, & furent tous baptisés ou ondoyés. On n’avoit point encore ouvert la masse informe, qui apparemment contenoit un autre enfant. Le nombre des enfans, & quelques soupçons de superfétation, sont ici des choses très-dignes d’observation.

Il est vrai que l’histoire de la fameuse Comtesse de Hollande seroit bien plus merveilleuse : mais aussi n’a-t-elle pas l’air d’une histoire.

En 1685, à Leckerkerch, qui est à huit ou dix lieues de la Haye, la femme d’un nommé Chrétien Claes accoucha de cinq enfans. Le premier fut un garçon qui vécut deux mois. Dix-sept heures après la naissance de celui-là, vint un second fils, mais mort. Vingt-quatre heures après cette femme mit au monde un troisieme garçon, qui vécut environ deux heures. Autres vingt-quatre heures après elle eut un quatrieme mort-né. Elle mourut elle-même en mettant au monde un cinquieme garçon, qui périt dans le travail.

Je terminerai cet article par une question physiologique relative à la méchanique des accouchemens. On demande s’il se fait un écartement des os pubis dans cette opération de la nature. Quelques Auteurs pensent que ceux qui tiennent l’affirmative le font avec trop de crédulité, & peu d’exactitude : mais il y a des faits très-circonstanciés qui détruisent ces imputations. M. Verdier, célebre Anatomiste, de l’Académie Royale de Chirurgie, & Démonstrateur royal des Ecoles, a traité amplement cette matiere dans son Traité d’Ostéologie, à l’article des os du bassin. M. Loüis a fait des observations sur un grand nombre de cadavres, à la sollicitation de M. Levret, membre de la même Académie ; & tous deux ont vû par le parallele de la jonction des os du bassin des femmes & des hommes, que dans celles-là il y avoit des dispositions très-naturelles à l’écartement non-seulement des os pubis, mais encore des iléons avec l’os sacrum ; & l’examen des cadavres des femmes mortes en couche à l’Hôtel-Dieu, que M. Levret a fait avec M. Moreau, Chirurgien

Major de cette Maison en survivance de M. Boudou, confirme que toute la charpente osseuse du bassin prête plus ou moins dans les accouchemens les plus naturels.

Les Chirurgiens François ont beaucoup travaillé sur la matiere des accouchemens : tels sont Portail, Peu, Viardel, Amand, Mauriceau, Lamotte, Levret, &c. M. Puzos a donné à l’Académie de Chirurgie plusieurs Mémoires sur cette matiere : il y en a un inséré dans le premier volume sur les pertes de sang des femmes grosses, digne de la réputation de l’Auteur.

ACCOUCHER, v. n. enfanter. Accoucher heureusement. Elle a accouché en tel endroit. Elle est accouchée. Accoucher à terme. Accoucher d’un enfant mort. (L)

Accoucher, v. adj. aider à une femme à accoucher. C’est cette Sage-femme qui a accouché une telle dame. Elle accouche bien. Un Chirurgien accouche mieux qu’une Sage-Femme. (L)

ACCOUCHEUR, s. m. Chirurgien dont le talent principal est d’accoucher les femmes. Ce Chirurgien est un bon Accoucheur. (L)

ACCOUCHEUSE s. f. femme qui fait profession d’accoucher. Habile Accoucheuse. On dit plûtôt Sage-Femme. (L)

* Il y a des maladies, dit Boerhaave, qui viennent de causes toutes particulieres & qu’il faut bien remarquer, parce qu’elles donnent lieu à une mauvaise conformation. Les principales sont l’imagination de la mere, l’imprudence de l’Accoucheuse, &c. Il arrive fort souvent, ajoûte son Commentateur, M. de la Metrie, « que ces femmes rendent les corps mous des enfans tout difformes, & qu’elles gâtent la figure de la tête en la maniant trop rudement. Delà tant de sots dont la tête est mal faite, oblongue ou angulaire, ou de toute autre forme différente de la naturelle. Il vaudroit mieux pour les femmes, ajoûte M. de la Metrie, qu’il n’y eût point d’Accoucheuses. L’art des accouchemens ne convient que lorsqu’il y a quelque obstacle : mais ces femmes n’attendent pas le tems de la nature ; elles déchirent l’oeuf, & elles arrachent l’enfant avant que la femme ait de vraies douleurs. J’ai vû des enfans dont les membres ont été luxés dans cette opération ; d’autres qui en ont eu un bras cassé. Lorsqu’un membre a été luxé, l’accident restant inconnu, l’enfant en a pour le reste de la vie. Lorsqu’il y a fracture, le raccourcissement du membre l’indique. Je vous conseille donc, lorsque vous pratiquerez, de réprimer ces téméraires Accoucheuses ». Voyez Inst. de Boerhaave.

Je me crois obligé par l’intérêt que tout honnête homme doit prendre à la naissance des citoyens, de déclarer que poussé par une curiosité qui est naturelle à celui qui pense un peu, la curiosité de voir naître l’homme après l’avoir vû mourir tant de fois, je me fis conduire chez une de ces Sages-femmes qui font des éleves & qui reçoivent des jeunes gens qui cherchent à s’instruire de la matiere des accouchemens, & que je vis là des exemples d’inhumanité qui seroient presque incroyables chez des barbares. Ces Sages-femmes, dans l’espérance d’attirer chez elles un plus grand nombre de spectateurs, & par conséquent de payans, faisoient annoncer par leurs émissaires qu’elles avoient une femme en travail dont l’enfant viendroit certainement contre nature. On accouroit ; & pour ne pas tromper l’attente, elles retournoient l’enfant dans la matrice, & le faisoient venir par les piés. Je n’oserois pas avancer ce fait si je n’en avois pas été témoin plusieurs fois, & si la Sage-femme elle-même n’avoit eu l’imprudence d’en convenir devant moi, lorsque tous les assistans s’étoient retirés. J’invite donc ceux qui sont chargés de veiller aux désordres qui se passent dans la société, d’avoir les yeux sur celui-là.