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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/325

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partie de la salure dans le sang, & que l’émétique l’emporte de l’estomac & purge seul ce viscere de la façon la plus efficace. Cependant c’est au Médecin à examiner les cas, la façon & les précautions que demande l’émétique.

Le second moyen consiste à empêcher la salure ou les crudités de se former de nouveau ; les remedes les meilleurs sont le régime & la diete, qui consistent à éviter les causes dont on a parlé ci-dessus : ainsi on doit changer la quantité, la qualité des alimens, & les régler selon les tems indiqués par le régime. Voyez Régime. (N)

* Si certains alimens très-sains sont, par la raison qu’ils nourrissent trop, des alimens dangereux pour un malade, tout aliment en général peut avoir des qualités ou contraires ou favorables à la santé de celui qui se porte le mieux. Il seroit peut-être très-difficile d’expliquer physiquement comment cela se fait, ce qui constitue ce qu’on appelle le tempérament n’étant pas encore bien connu ; ce qui constitue la nature de tel ou tel aliment ne l’étant pas assez ; ni par conséquent le rapport qu’il peut y avoir entre tels & tels alimens & tels & tels tempéramens. Il y a des gens qui ne boivent jamais de vin, & qui se portent fort bien ; d’autres en boivent, & même avec excès, & ne s’en portent pas plus mal. Ce n’est pas un homme rare qu’un vieil ivrogne : mais comment arrive-t-il que celui-ci seroit enterré à l’âge de vingt-cinq ans, s’il faisoit même un usage modéré du vin, & qu’un autre qui s’enivre tous les jours parvienne à l’âge de quatre-vingts ans ? Je n’en sai rien : je conjecture seulement que l’homme n’étant point fait pour passer ses jours dans l’ivresse, & tout excès étant vraissemblablement nuisible à la santé d’un homme bien constitué, il faut que ceux qui font excès continuel de vin sans en être incommodés, soient des gens mal constitués, qui ont eu le bonheur de rencontrer dans le vin un remede au vice de leur tempérament, & qui auroient beaucoup moins vécu s’ils avoient été plus sobres. Une belle question à proposer par une Académie, c’est comment le corps se fait à des choses qui lui semblent très-nuisibles : par exemple, les corps des forgerons, à la vapeur du charbon, qui ne les incommode pas, & qui est capable de faire périr ceux qui n’y sont pas habitués ; & jusqu’où le corps se fait à ces qualités nuisibles. Autre question, qui n’est ni moins intéressante ni moins difficile, c’est la cause de la répugnance qu’on remarque dans quelques personnes pour les choses les meilleures & d’un goût le plus général ; & celle du goût qu’on remarque dans d’autres pour les choses les plus malsaines & les plus mauvaises.

Il y a selon toute apparence dans la nature un grand nombre de lois qui nous sont encore inconnues, & d’où dépend la solution d’une multitude de phénomenes. Il y a peut-être aussi dans les corps bien d’autres qualités ou spécifiques ou générales, que celles que nous y reconnoissons. Quoi qu’il en soit, on sait par des expériences incontestables qu’entre ceux qui nous servent d’alimens, ceux qu’on soupçonneroit le moins de contenir des œufs d’insectes, en sont imprégnés, & que ces œufs n’attendent qu’un estomac, & pour ainsi dire, un four propre à les faire éclorre. Voyez Mém. de l’Acad. 1730. page 217. & Hist. de l’Acad. 1707. page 9. où M. Homber dit qu’un jeune homme qu’il connossoit, & qui se portoit bien, rendoit tous les jours par les selles depuis quatre ou cinq ans une grande quantité de vers longs de cinq ou six lignes, quoiqu’il ne mangeât ni fruit ni salade, & qu’il eût fait tous les remedes connus. Le même Auteur ajoûte que le même jeune homme a rendu une fois ou deux plus d’une aune & demie d’un ver plat divisé par nœuds : d’où l’on voit, conclut l’Historien de l’Académie, combien

il y a d’œufs d’insectes dans tous les alimens.

M. Lemery a prouvé dans un de ses Mémoires, que de tous les alimens ceux qu’on tire des végétaux étoient les plus convenables aux malades, parce qu’ayant des principes moins développés, ils semblent être plus analogues à la nature. Cependant le bouillon fait avec les viandes est la nourriture que l’usage a établie, & qui passe généralement pour la plus saine & la plus nécessaire dans le cas de maladie, où elle est presque toûjours la seule employée : mais ce n’est que par l’examen de ses principes qu’on se peut garantir du danger de la prescrire trop forte dans les circonstances où la diete est quelquefois le seul remede ; ou trop foible, lorsque le malade extenué par une longue maladie a besoin d’une nourriture augmentée par degrés pour réparer ses forces. Voilà ce qui détermina M. Geoffroy le cadet à entreprendre l’analyse des viandes qui sont le plus d’usage, & ce qui nous détermine à ajoûter ici l’analyse de la sienne.

Son procédé général peut se distribuer en quatre parties : 1°. par la simple distillation au bain-marie, & sans addition, il tire d’une certaine quantité, comme de quatre onces d’une viande crue, tout ce qui peut s’en tirer : 2°. il fait bouillir quatre autres onces de la même viande autant & dans autant d’eau qu’il faut pour en faire un consommé, c’est-à-dire, pour n’en plus rien tirer ; après quoi il fait évaporer toutes les eaux où la viande a bouilli, & il lui reste un extrait aussi solide qu’il puisse être, qui contient tous les principes de la viande, dégagés de phlegme & d’humidité : 3°. il analyse cet extrait, & sépare ces principes autant qu’il est possible : 4°. après cette analyse il lui reste encore de l’extrait une certaine quantité de fibres de la viande très-desséchées, & il les analyse aussi.

La premiere partie de l’opération est en quelque sorte détachée des trois autres, parce qu’elle n’a pas pour sujet la même portion de viande, qui est le sujet des trois dernieres. Elle est nécessaire pour déterminer combien il y avoit de phlegme dans la portion de viande qu’on a prise ; ce que les autres parties de l’opération ne pourroient nullement déterminer.

Ce n’est pas cependant qu’on ait par-là tout le phlegme, ni un phlegme absolument pur ; il y en a quelques parties que le bain-marie n’a pas la force d’enlever, parce qu’elles sont trop intimement engagées dans le mixte, & ce qui s’enleve est accompagné de quelques sels volatils, qui se découvrent par les épreuves chimiques.

La chair de bœuf de tranche, sans graisse, sans os, sans cartilages ni membranes, a donné les principes suivans : de quatre onces mises en distillation au bain-marie, sans aucune addition, il est venu 2. onces 6. gros 36. grains de plegme ou d’humidité qui a passé dans le récipient. La chair restée seche dans la cornue s’est trouvée réduite au poids d’une once 1. gros 36. grains. Le phlegme avoit l’odeur de bouillon. Il a donné des marques de sel volatil en précipitant en blanc la dissolution de mercure sublimé corrosif ; & le dernier phlegme de la distillation en a donné des marques encore plus sensibles en précipitant une plus grande quantité de la même dissolution. La chair desséchée qui pesoit 1. once 1. gros 36. grains, mise dans une cornue au fourneau de reverbere, a d’abord donné un peu de phlegme chargé d’esprit volatil, qui pesoit 1. gros 4. grains ; puis 3. gros 46. grains de sel volatil & d’huile fétide qui n’a pu s’en séparer. La tête morte pesoit 3. gros 30. grains : c’étoit un charbon noir, luisant & léger, qui a été calciné dans un creuset à feu très-violent. Ses cendres exposées à l’air se sont humectées, & ont augmenté de poids : lessivées, l’eau de leur lessive