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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/333

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quoiqu’en versant de l’acide de nitre sur du nitre fixé, on forme de nouveau un nitre qui ne contient point cette partie grasse, on n’en peut pas conclurre que pour fixer le nitre, c’est-à-dire, pour en faire un alkali fixe, le principe huileux n’y soit nécessaire. Si on demande ce que devient cette partie grasse du nitre fixe, dans la reproduction du nitre ; il est facile de répondre à cette question, en faisant voir, que cette partie grasse qui faisoit partie du nitre fixe, reste dans l’eau-mere de la dissolution qu’on fait pour crystalliser ce nitre régénéré : on y trouveroit, si on s’en donnoit la peine, un résidu gras qui après avoir été desséché pourroit s’enflammer au feu.

Il est vrai qu’en général les huiles se dissipent par le feu : mais il y a des cas où elles se fixent aussi par le feu. Il y a lieu de soupçonner que les alkalis sont gras au toucher, par l’huile qui y est fixée. La salure & l’acreté des alkalis ne sont pas une preuve qu’ils ne contiennent point de l’huile : les huiles qui ont passé par le feu sont salées & acres comme est l’huile de corne de cerf.

Les alkalis different entre eux par la terre qui en fait la base, par l’acide qui les constitue sel, & par la matiere grasse qui entre dans leur composition.

On n’alkalise pas tous les sels avec les matieres grasses, comme on fait le nitre, parce qu’il n’y a que l’acide du nitre qui dissolve bien les huiles.

Personne sans doute n’a pensé qu’il ne se faisoit pas de dissipation dans l’opération par laquelle on fixe du nitre ; & il est bon de savoir que le charbon ne donne presque point de sel alkali.

Les alkalis fixes sont en général plus forts que les alkalis volatils : on tire l’esprit volatil de sel ammoniac, par le moyen de l’alkali du tartre & de la potasse ; cependant il y a des occasions où les alkalis volatils sont plus forts que les alkalis fixes. Par exemple, si dans une dissolution de cuivre précipitée par l’alkali du tartre, on verse une suffisante quantité d’esprit volatil, cet alkali volatil fera quitter prise à l’alkali fixe ; il se saisira du cuivre, & le redissoudra. Ce qui prouve encore que l’alkali volatil est quelquefois plus fort que l’alkali fixe, c’est que si on met du cuivre dans un alkali volatil, il le dissoudra plus parfaitement que ne le dissoudroit un alkali fixe.

Les sels alkalis fixes des plantes sont composés d’une petite partie de la terre de la plante, dans laquelle est concentré un peu de son acide par le feu même qui dissipe le reste, pendant qu’on brûle la plante, ce qui fait un corps salin poreux ; & c’est par cet acide que contient cette terre, que le sel qui résulte de cette combinaison est dissoluble. Voyez Acide.

Un sel alkali peut être plus ou moins alkali, selon qu’il a plus ou moins d’acide concentré dans sa terre. Les alkalis qui ont plus d’acide approchent plus de la nature des sels moyens, & ainsi ils sont moins alkalis, que ceux qui n’ont d’acide que pour rendre dissoluble la terre absorbante qui leur sert de base, & pour faire l’analogie des sels alkalis avec les acides, les choses de même nature étant naturellement portées à s’unir ; ainsi les choses grasses s’unissent aisément ensemble.

Si au contraire les alkalis avoient moins d’acide, ils seroient moins alkalis ; ils tiendroient plus de la nature des terres absorbantes, ils s’uniroient avec moins de vivacité avec les acides, & ils seroient moins dissolubles dans l’eau.

Il ne faut pas lessiver les cendres des plantes avec de l’eau chaude, pour en tirer les sels, si on veut ne pas dissoudre une trop grande quantité d’huile, qui les rendroit noirâtres ou roussâtres : ils sont plus blancs lorsqu’on a employé l’eau froide. A la vérité, on tire plus de ces sels par l’eau chaude, que par

l’eau froide : mais le feu qu’il faut employer pour blanchir les sels tirés par l’eau chaude, dissipe cet excédent ; de sorte qu’après la calcination qui est moindre pour les sels tirés par l’eau froide, que pour ceux qui sont tirés par l’eau chaude, on tire autant, & même plus de sel d’une même quantité de cendre, lorsqu’on a employé l’eau froide, que lorsqu’on a employé l’eau chaude.

Les sels alkalis volatils different entre eux, comme les sels alkalis fixes different entre eux. C’est faire tort à la Pharmacie, à la Medecine, & surtout aux malades, que de dire que les sels volatils tirés du genre des animaux, ont tous les mêmes vertus : on peut dire au contraire qu’ils sont différens en propriétés, selon les différentes matieres desquelles on les tire. Les sels volatils de crane humain sont spécifiques pour l’épilepsie ; ceux de vipere sont à préférer dans les fievres, surtout pour celles qui portent à la peau ; ceux de corne de cerf sont recommandables dans les maladies qui sont avec affection des nerfs.

A la vérité, les esprits volatils urineux, tirés des animaux, ont des propriétés qui sont communes à tous : mais il faut reconnoître aussi qu’ils en ont de particulieres, qui sont plus différentes dans les uns que dans les autres ; comme en reconnoissant que les vins ont des qualités communes à tous les vins en général, il faut reconnoître en même tems qu’ils en ont qui sont particulieres à chaque vin.

Dans la grande quantité d’analyses de plantes, qui ont été faites à l’Académie des Sciences, M. Homberg a observé qu’on trouvoit rarement deux sels alkalis de deux différentes plantes, qui fussent d’égale force d’alkali.

Les alkalis different par leurs différentes terres, par leurs différens acides, & par les différentes proportions & combinaisons de ces deux choses ; ils different aussi par le plus ou moins d’huile qu’ils contiennent, & par le plus ou le moins de sels moyens qui y sont joints, & enfin par la différente espece de ces sels moyens.

Les alkalis fixes sont des dissolvans des matieres grasses, avec lesquelles ils forment des corps savonneux, qui ont de grandes propriétés. Ces sels sont apéritifs des conduits urinaires : c’est pourquoi ils sont mis au nombre des plus forts diurétiques que fournisse la Medecine. On sait combien cette vertu diurétique des sels lixiviels est utile dans le sel de genêt, pour la guérison des hydropisies.

Souvent on employe aux mêmes usages des cendres des plantes, au lieu de leur sel, & ils n’en font que mieux, parce que pour les tirer de leurs cendres, la lessive, & ensuite l’exsiccation & la calcination de ces sels, ne les rendent pas meilleurs pour cela.

Il y en a qui employent l’eau même distillée de la plante, pour tirer le sel de ses cendres.

En général, les alkalis sont de puissans fondans, c’est-à-dire, les alkalis dissolvent fortement les humeurs épaisses & visqueuses : c’est pourquoi ils sont apéritifs, & propres à remédier aux maladies qui viennent d’obstruction, lorsqu’un Medecin sage & habile les met en œuvre.

Les savons ne sont composés que d’alkalis & d’huiles joints ensemble ; les Medecins peuvent faire préparer différens savons pour différentes maladies, en faisant employer différens alkalis & différentes huiles, selon les différens cas où ils jugent les savons convenables.

On peut dans bien des occasions employer les sels fixes des plantes dans les medecines, pour tirer la teinture des purgatifs résineux, & employer ceux de ces sels qui conviennent dans la maladie. Voyez la Chimie Médicinale de M. Malouin. (M)