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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/62

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A A

à ordre. Chaise à deux. Doute à éclaircir. Entreprise à exécuter. Femme à la hotte ? (au vocatif). Grenier à sel. Habit à la mode. Instrument à vent. Lettre de change à vûe, à dix jours de vûe. Matiere à procès. Nez à lunette. Œufs à la coque. Plaine à perte de vûe. Question à juger. Route à gauche. Vache à lait.

A après un adjectif.

Agréable à la vûe. Bon à prendre & à laisser. Contraire à la santé. Délicieux à manger. Facile à faire.

Observez qu’on dit : Il est facile de faire cela.
Quand on le veut il est facile
De s’assûrer un repos plein d’appas. Quinault.

La raison de cette différence est que dans le dernier exemple de n’a pas rapport à facile, mais à il ; il, hoc, cela, à savoir de faire, &c. est facile, est une chose facile. Ainsi, il, de s’assûrer un repos plein d’appas, est le sujet de la proposition, & est facile en est l’attribut.

Qu’il est doux de trouver dans un amant qu’on aime
Un époux que l’on doit aimer ! (Idem.)

Il, à savoir, de trouver un époux dans un amant, &c. est doux, est une chose douce. (V. Proposition).

Il est gauche à tout ce qu’il fait. Heureux à la guerre. Habile à dessiner, à écrire. Payable à ordre. Pareil à, &c. Propre à, &c. Semblable à, &c. Utile à la santé.

Après un verbe

S’abandonner à ses passions. S’amuser à des bagatelles. Applaudir à quelqu’un. Aimer à boire, à faire du bien. Les hommes n’aiment point à admirer les autres ; ils cherchent eux-mêmes à être goûtés & à être applaudis. La Bruyere. Aller à cheval, à califourchon, c’est-à-dire, jambe deçà, jambe delà. S’appliquer à, &c. S’attacher à, &c. Blesser à, il a été blessé à la jambe. Crier à l’aide, au feu, au secours. Conseiller quelque chose à quelqu’un. Donner à boire à quelqu’un. Demander à boire. Etre à. Il est à écrire, à jouer. Il est à jeun. Il est à Rome. Il est à cent lieues. Il est long-tems à venir. Cela est à faire, à taire, à publier, à payer. C’est à vous à mettre le prix à votre marchandise. J’ai fait cela à votre considération, à votre intention. Il faut des livres à votre fils. Joüer à Colin Maillard, joüer à l’ombre, aux échecs. Garder à vûe. La dépense se monte à cent écus, & la recette à, &c. Monter à cheval. Payer à quelqu’un. Payer à vûe, à jour marqué. Persuader à. Préter à. Puiser à la source. Prendre garde à soi. Prendre à gauche. Ils vont un à un, deux à deux, trois à trois. Voyons à qui l’aura, c’est-à-dire, voyons à ceci, (attendamus ad hoc nempe) à savoir qui l’aura.

A avant une autre Préposition.

A se trouve quelquefois avant la préposition de comme en ces exemples.

Peut-on ne pas céder à de si puissans charmes ?
Et peut-on refuser son cœur
A de beaux yeux qui le demandent ?

Je crois qu’en ces occasions il y a une ellipse synthétique. L’esprit est occupé des charmes particuliers qui l’ont frappé ; & il met ces charmes au rang des charmes puissans, dont on ne sauroit se garantir. Peut-on ne pas céder à ces charmes qui sont du nombre des charmes si puissans, &c. Peut-on ne pas céder à l’attrait, au pouvoir de si puissans charmes ? Peut-on refuser son cœur à ces yeux, qui sont de la classe des beaux yeux. L’usage abrege ensuite l’expression, & introduit des façons de parler particulieres auxquelles on doit se conformer, & qui ne détruisent pas les regles.

Ainsi, je crois que de ou des sont toûjours des prépositions extractives, & que quand on dit des Savans soûtiennent, des hommes m’ont dit, &c. des Savans, des hommes, ne sont pas au nominatif. Et de même quand on dit, j’ai vû des hommes, j’ai vû des femmes, &c. des

hommes, des femmes, ne sont pas à l’accusatif ; car, si l’on veut bien y prendre garde, on reconnoîtra que ex hominibus, ex mulieribus, &c. ne peuvent être ni le sujet de la proposition, ni le terme de l’action du verbe ; & que celui qui parle veut dire, que quelques-uns des Savans soûtiennent, &c. quelques-uns des hommes, quelques-unes des femmes, disent, &c.

A après des adverbes.

On ne se sert de la préposition à après un adverbe, que lorsque l’adverbe marque relation. Alors l’adverbe exprime la sorte de relation, & la préposition indique le corrélatif. Ainsi, on dit conformément à. On a jugé conformément à l’Ordonnance de 1667. On dit aussi relativement à.

D’ailleurs l’adverbe ne marquant qu’une circonstance absolue & déterminée de l’action, n’est pas suivi de la préposition à.

A en des façons de parler adverbiales, & en celles qui sont équivalentes à des prépositions Latines, ou de quelqu’autre Langue.

A jamais, à toûjours. A l’encontre. Tour à tour. Pas à pas. Vis-à-vis. A pleines mains. A fur & à mesure. A la fin, tandem, aliquando, C’est-à-dire, nempe, scilicet. Suivre à la piste. Faire le diable à quatre. Se faire tenir à quatre. A cause, qu’on rend en latin par la proposition propter. A raison de. Jusqu’à, ou jusques à. Au-delà. Au-dessus. Au-dessous. A quoi bon, quorsùm. A la vûe, à la présence, ou en présence, coram.

Telles sont les principales occasions où l’usage a consacré la préposition à. Les exemples que nous venons de rapporter, serviront à décider par analogie les difficultés que l’on pourroit avoir sur cette préposition.

Au reste la préposition au est la même que la préposition à. La seule différence qu’il y a entre l’une & l’autre, c’est que à est un mot simple, & que au est un mot composé.

Ainsi il faut considérer la préposition à en deux états différens.

I. Dans son état simple : 1.o Rendez à César ce qui appartient à César ; 2.o se prêter à l’exemple ; 3.o se rendre à la raison. Dans le premier exemple à est devant un nom sans article. Dans le second exemple à est suivi de l’article masculin, parce que le mot commence par une voyelle : à l’exemple, à l’esprit, à l’amour. Enfin dans le dernier, la préposition à précede l’article féminin, à la raison, à l’autorité.

II. Hors de ces trois cas, la préposition à devient un mot composé par sa jonction avec l’article le ou avec l’article pluriel les. L’article le à cause du son sourd de l’e muet a amené au, de sorte qu’au lieu de dire à le nous disons au, si le nom ne commence pas par une voyelle. S’adonner au bien ; & au pluriel au lieu de dire à les, nous changeons l en u, ce qui arrive souvent dans notre Langue, & nous disons aux, soit que le nom commence par une voyelle ou par une consonne : aux hommes, aux femmes, &c. ainsi au est autant que à le, & aux que à les.

A est aussi une préposition inséparable qui entre dans la composition des mots ; donner, s’adonner, porter, apporter, mener, amener, &c. ce qui sert ou à l’énergie, ou à marquer d’autres points de vûe ajoûtés à la premiere signification du mot.

Il faut encore observer qu’en Grec à marque

1. Privation, & alors on l’appelle alpha privatif, ce que les Latins ont quelquefois imité, comme dans amens qui est composé de mens, entendement, intelligence, & de l’alpha privatif. Nous avons conservé plusieurs mots où se trouve l’alpha privatif, comme amazone, asyle, abysme, &c. l’alpha privatif vient de la préposition ἄτερ, sine, sans.