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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/748

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cier, garni d’or & de pierreries, que l’on prisoit quinze mille écus d’or : mais communément ces chamfrains n’étoient que de cuivre doré pour la plûpart, ou de cuir bouilli, ainsi qu’on le voit par un compte de l’an 1316, à la chambre des Comptes de Paris, où il est dit entre autres choses : item, deux chamfrains dorés & un de cuir. On trouve dans le traité de la cavalerie Françoise de M. de Mongommeri, qu’on donnoit encore de son tems des chamfrains aux chevaux, c’est-à-dire, du tems de Henri IV. La principale raison de cette armure des chevaux n’étoit pas seulement de les conserver, & d’épargner la dépense d’en acheter d’autres, mais c’est qu’il y alloit souvent de la vie & de la liberté du gendarme même. Car comme les gendarmes étoient très-pesamment armés, s’ils tomboient sous leur cheval tué ou blessé, ils étoient eux-mêmes tués ou pris, parce qu’il leur étoit presque impossible de se tirer de dessous le cheval. Ces armes défensives, comme on l’a vû plus haut, étoient nécessaires pour les hommes, comme pour les chevaux, pour les garantir des coups de lance. Ainsi depuis qu’on ne s’est plus servi de cette arme offensive ; & peu de tems après, on a abandonné non-seulement les chamfrains, mais encore tous ces harnois dont on a parlé, à cause de leur pesanteur, de l’embarras, & de la dépense qu’ils causoient.

Pour les armes défensives de l’infanterie, on en trouve la description dans une ordonnance de Jean V. duc de Bretagne, publiée en l’an 1525.

« Jean par la grace de Dieu...... voulons...... & ordonnons que des gens de commun de notre pays & duché, en outre les nobles, se mettent en appareil promptement, & sans délai : savoir, est de chaque paroisse trois ou quatre, cinq ou six, ou plus, selon le grand, ou qualité de la paroisse, lesquels ainsi choisis & élûs, soient garnis d’armes, & habillemens qui ensuivent...... savoir, est ceux qui sauront tirer de l’arc, qu’ils ayent arc, trousse, capeline, coustille, hache, ou mail de plomb, & soient armés de forts jacques garnis de laisches, chaînes, ou mailles pour couvrir le bras ; qu’ils soient armés de jacques, capelines, haches, ou bouges, avec ce, ayant paniers de tremble, ou autre bois plus convenable, qu’ils pourront trouver, & soient les paniers assez longs pour couvrir haut & bas. » Les armes défensives qu’on donne ici aux piétons, sont la capeline, le jacques, & le panier. La capeline étoit une espece de casque de fer ; le jacque étoit une espece de juste-au-corps ; les piétons portoient cet habillement garni de laisches, c’est-à-dire de minces lames ou plaques de fer, entre la doublure & l’étoffe, ou bien de mailles. Ces paniers de tremble dont il est parlé dans l’ordonnance, étoient les boucliers des piétons ; on les appelle paniers, parce qu’en-dedans ils étoient creux & faits d’osier. L’osier étoit couvert de bois de tremble, ou de peuplier noir, qui est un bois blanc & fort léger. Ils étoient assez longs pour couvrir tout le corps du piéton ; c’étoit des especes de targes.

Du tems de François I. les piétons avoient les uns des corcelets de lames de fer. qu’on appelloit hallecrets ; les autres une veste de maille, comme nous l’apprenons du livre attribué à Guillaume du Belay, seigneur de Langey. « La façon du tems présent, dit-il, est d’armer l’homme de pié, d’un hallecret complet, ou d’une chemise, ou gollette de mailles & cabasset ; ce qui me semble, ajoûte-t-il, suffisant pour la défense de la personne, & le trouve meilleur que la cuirasse des anciens n’étoit ». L’armure des francs-archers doit avoir été à peu près la même que celle du reste de l’infanterie Françoise. Nous avons vû de notre tems, donner encore aux piquiers des cuirasses de fer contre les coups de pistolet des cavaliers qui les attaquoient en caracolant, pour faire breche au

bataillon, & ensuite l’enfoncer. M. de Puysegur dans ses mémoires dit, qu’en 1387, les piquiers des régimens des Gardes, & de tous les vieux corps, avoient des corcelets, & qu’ils en porterent jusqu’à la bataille de Sedan, qui fut donnée en 1641. Les piquiers du régiment des Gardes-Suisses en ont porté jusqu’au retranchement des piques, sous le précédent regne. Histoire de la milice Françoise, par le P. Daniel.

Les armes défensives de la cavalerie sont aujourd’hui des plastrons à l’épreuve au moins du pistolet : les officiers doivent avoir des cuirasses de même. A l’égard des armes offensives, elles consistent dans un mousqueton, deux pistolets & un sabre. Les dragons ont un mousqueton & un sabre comme les cavaliers ; mais ils n’ont qu’un pistolet à l’arçon de la selle : à la place du second pistolet, ils portent une bêche, serpe, hache, ou autre instrument propre à ouvrir des passages. Ils ne sont point plastronnés, attendu qu’ils combattent quelquefois à pié comme l’infanterie. Voyez Dragon. Ils ont de plus une bayonnette. Les armes de l’infanterie, sont le fusil, la bayonnette & l’épée. Cette derniere arme est entierement inutile aujourd’hui, attendu que l’infanterie ne combat que la bayonnette au bout du fusil. Ce qui fait que plusieurs habiles officiers pensent qu’on devroit la supprimer, de même que le sabre. Car, dit M. le maréchal de Puysegur, comme on les porte en travers, dès que les soldats touchent a ceux qui sont à leur droite & à leur gauche, en se remuant & en se tournant, ils s’accrochent toujours. Un homme seul même ne peut aller un peu vite, qu’il ne porte la main à la poignée de son épée, de peur qu’elle ne passe dans ses jambes, & ne le fasse tomber ; à plus forte raison dans les combats, surtout dans des bois, hayes, ou retranchemens, les soldats pour tirer étant obligés de tenir leurs fusils des deux mains.

Cet illustre Maréchal prétend que les coûteaux de chasse devroient être substitués aux épées ; & qu’ils seroient beaucoup plus utiles dans les combats. « J’ai observé, dit-il, que quand on se joint dans l’action, le soldat allonge avec le fusil son coup de bayonnette ; & qu’en le poussant, il releve ses armes : en sorte que souvent la bayonnette se rompt ou tombe. De plus, quand on est joint, il arrive ordinairement que la longueur des armes fait que l’on ne peut plus s’en servir ; aussi le soldat en pareil cas ôte-t-il sa bayonnette du fusil, quand elle y est encore, & s’en sert de la main, ce qu’il ne peut plus faire quand elle est rompue ou tombée. S’il avoit un coûteau de chasse, cela remédieroit à tout, & il ne seroit pas obligé d’ôter sa bayonnette du bout de son fusil ; de sorte qu’il auroit en même tems une arme longue & une courte, ressource qu’il n’a pas avec l’épée, vû sa longueur. » Art de la Guerre, par M. le Maréchal de Puysegur.

A l’égard des armes des officiers de l’infanterie, il est enjoint par une ordonnance du premier Décembre 1710, aux colonels, lieutenans-colonels & capitaines de ce corps, d’avoir des espontons de sept à huit piés de longueur, & aux officiers subalternes d’avoir des fusils garnis de bayonnettes. Pour les sergens, ils sont armés de hallebardes de six piés & demi environ de longueur, y compris le fer.

Selon M. de Puysegur, les sergens & les officiers devroient être armés de la même maniere que les soldats. Il prétend qu’il n’y a aucune bonne raison pour les armer différemment, dès qu’il est prouvé que l’armement du fusil avec la bayonnette à douille est l’arme la meilleure & la plus utile pour toutes sortes d’actions. Aussi voit-on plusieurs officiers, qui dans les combats se servent de fusils au lieu d’espontons ; & parmi ceux qui sont détachés pour aller en parti à la guerre, aucun ne se charge de cette longue arme, mais d’un bon fusil avec sa bayonnette.

Par les anciennes lois d’Angleterre, chaque per-