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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/823

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du panais ; ordinairement partagée en deux, ou en un plus grand nombre de branches, un peu au-dessous de son collet qui sort de terre, & est garni de fibrilles droites semblables à des crins, roides, & d’un roux brun, d’une écorce charnue, pleine de suc, lisse & humide en-dedans, & se séparant facilement de la racine quand on la tire de terre ; solide, blanche, & pleine d’un suc puant comme le poireau ; poussant des feuilles de son sommet sur la fin de l’automne, au nombre de six, sept, plus ou moins, qui se sechent vers le milieu du printems ; sont branchues, plates, longues d’une coudée ; de la même substance & couleur, & aussi lisses que celles de la livêche ; de la même odeur que le suc, mais plus foible ; ameres au goût ; acres, aromatiques, & puantes ; composées d’une queue & d’une côte, d’une queue longue d’un empan & plus, menue comme le doigt, cannelée, garnie de nervures, verte, creusée en gouttiere près de la base, du reste cylindrique ; d’une côte portant cinq lobes inégalement opposés, rarement sept, longs d’un palme & davantage, obliques, les inférieurs plus longs que les supérieurs ; divisés chacun de chaque côté en lobules dont le nombre n’est pas constant ; inégaux, oblongs, ovalaires, plus longs & plus étroits dans quelques plantes ; séparés jusqu’à la côte, fort écartés, & par cette raison paroissant en petit nombre ; solitaires, & comme autant de feuilles : dans d’autres plantes, larges, plus courts, moins divisés, & plus rassemblés ; à sinuosités ou découpures ovalaires ; s’élevant obliquement ; partant en-dessous des bords de la côte par un principe court ; verds de mer, lisses, sans suc, roides, cassans, un peu concaves en-dessous, garnis d’une seule nervure qui naît de la côte, s’étend dans toute leur longueur, & a rarement des nervures latérales ; de grandeur variable : ils ont trois pouces de long, sur un pouce plus ou moins de largeur.

Avant que la racine meure, ce qui arrive souvent quand elle est vieille, il en sort un faisceau de feuilles d’une tige, simple, droite, cylindrique, cannelée, lisse, verte, de la longueur d’une brasse & demie & plus, de la grosseur de sept à huit pouces par le bas, diminuant insensiblement, & se terminant en un petit nombre de rameaux qui sortent des fleurs en parasol, comme les plantes férulacées. Cette tige est revêtue des bases des feuilles, placées alternativement à des intervalles d’un palme. Ces bases sont larges, membraneuses & renflées, & elles embrassent la tige inégalement & comme en sautoir : lorsqu’elles sont tombées, elles laissent des vestiges que l’on prendroit pour des nœuds. Cette tige est remplie de moelle qui n’est pas entre-coupée par des nœuds ; elle est très abondante, blanche, fongueuse entre-mêlée d’un petit nombre de fibres courtes, vagues & étendues dans toute leur longueur.

Les parasols sont portés sur des pédicules grêles, longs d’un pié, d’un empan, & même plus courts, se partageant en 10, 15, 20 brins écartés circulairement, dont chacun soûtient à son extrémité un petit parasol formé par cinq ou six filets de deux pouces de longueur, chargés de semences nues & droites ; ces semences sont applaties, feuillues, d’un roux brun, ovalaires, semblables à celles du panais de jardin ; mais plus grandes, plus nourries, comme garnies de poils ou rudes, marquées de trois cannelures, dont l’une est entre les deux autres, & suit toute la longueur de la semence, les deux autres s’étendent en se courbant vers les bords ; elles ont une odeur légere de poireau ; la saveur amere & desagréable ; la substance intérieure, qui est vraiment la semence, est noire, applatie, pointue, ovalaire. Kempfer n’a pas vû les fleurs : mais on lui a dit qu’elles sont petites, pâles & blanchâtres, & il leur soupçonne cinq pétales.

On ne trouve cette plante que dans les environs de Heraat, & les provinces de Corasan & de Caar, sur le sommet des montagnes, depuis le fleuve de Caar, jusqu’à la ville de Congo, le long du golfe Persique, loin du rivage de deux ou trois parasanges. D’ailleurs, elle ne donne pas du suc partout ; elle aime les terres arides, sabloneuses & pierreuses. Toute l’assa fœtida vient des incisions que l’on fait à sa racine. Si la racine a moins de quatre ans, elle en donne peu ; plus elle est vieille, plus elle abonde en lait ; elle est composée de deux parties, l’une ferme & fibreuse, l’autre spongieuse & molle. Celle-ci se dissipe à mesure que la plante seche, l’autre se change en une moelle qui est comme de l’étoupe. L’écorce ridée perd un peu de sa grandeur : le suc qui coule de ses vésicules est blanc, liquide, gras, comme de la crême de lait, non gluant, quand il est récent ; exposé à l’air, il devient brun & visqueux.

Voici comment on fait la récolte de l’assa, selon Kempfer. 1°. On se rend en troupe sur les montagnes à la mi-Avril, tems auquel les feuilles des plantes deviennent pâles, perdent de leur vigueur, & sont prêtes à sécher ; on s’écarte les uns des autres, & l’on s’empare d’un terrain. Une société de quatre ou cinq hommes peut se charger d’environ deux mille piés de cette plante : cela fait, on creuse la terre qui environne la racine, la découvrant un peu avec un hoyau. 2°. On arrache de la racine les queues des feuilles, & on nettoye le collet des fibres qui ressemblent à une coeffure hérissée ; après cette opération, la racine paroît comme un crane ridé. 3°. On la recouvre de terre, avec la main ou le hoyau ; on fait des feuilles & d’autres herbes arrachées de petits fagots qu’on fixe sur la racine, en les chargeant d’une pierre. Cette précaution garantit la racine de l’ardeur du soleil, parce qu’elle pourrit en un jour, quand elle en est frappée. Voilà le premier travail, il s’acheve ordinairement en trois jours.

Trente ou quarante jours après, on revient chacun dans son canton, avec une serpe ou un bon coûteau, une spatule de fer & un petit vase, ou une coupe à la ceinture, & deux corbeilles. On partage son canton en deux quartiers, & l’on travaille aux racines d’un quartier de deux jours l’un, alternativement ; parce qu’après avoir tiré le suc d’une racine, il lui faut un jour, soit pour en fournir de nouveau, soit au suc fourni pour s’épaissir. On commence par découvrir les racines ; on en coupe transversalement le sommet ; la liqueur suinte & couvre le disque de cette section, sans se répandre ; on la recueille deux jours après, puis on remet la racine à couvert des ardeurs du soleil, observant que le fagot ne pose pas sur le disque, c’est pourquoi ils en font un dôme en en écartant les parties. Tandis que le suc se dispose à la récolte sur le disque, on coupe dans un autre quartier, & l’on acheve l’opération comme ci-dessus. Le troisieme jour, on revient aux premieres racines coupées & couvertes en dôme par les fagots : on enleve avec la spatule le suc formé ; on le met dans la coupe attachée à la ceinture, & de cette coupe dans une des corbeilles ou sur des feuilles exposées au soleil ; puis on écarte la terre des environs de la racine, un peu plus profondément que la premiere fois, & on enleve une nouvelle tranche horisontale à la racine ; cette tranche se coupe la plus mince qu’on peut ; elle est à peine de l’épaisseur d’une paille d’avoine, car il ne s’agit que de déboucher les pores & faciliter l’issue au suc.

Le suc en durcissant sur les feuilles prend de la couleur. On recouvre la racine ; & le quatrieme jour, on revient au quartier qu’on avoit quitté, & de celui-là au premier, coupant les racines trois fois, & recueillant deux fois du suc. Après la seconde récolte, on laisse les racines couvertes huit ou dix jours