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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/147

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on les frotte superficiellement d’huile du côté du poil, & ensuite on les lave du même côté avec de l’eau.

Lorsque les peaux ont reçu leur huile & leur eau, on les roule & on les tord bien avec les mains, pour les étendre après cela sur la table, la chair en dessus, ce qui se fait avec une estire semblable à celle des Corroyeurs. Ayant été ainsi retournées de l’autre côté qui est celui de la fleur, on passe fortement par-dessus avec une poignée de jonc, pour en faire sortir autant qu’il est possible, toute l’huile qui peut être encore dedans ; on leur donne alors la premiere couche de noir du côté de la fleur, par le moyen d’un paquet de crin tortillé qu’on trempe dans une sorte de teinture de noir appellé noir de rouille, parce qu’il a été préparé avec de la biere, dans laquelle l’on a jetté de vieilles ferrailles rouillées. Lorsqu’elles sont à-demi-seches, ce qu’on fait en les pendant à l’air par les jambes de derriere, on les étend sur la table, où avec une paumelle de bois on les tire des quatre côtés pour en faire sortir le grain, par-dessus lequel on donne une légere couche d’eau ; puis on les lisse à force de bras avec une lisse de jonc faite exprès.

Étant lissées, on leur donne une seconde couche de noir, & on les met sécher. Elles reviennent encore sur la table, & pour lors on se sert d’une paumelle de liege pour leur relever le grain ; & aprés une légere couche d’eau, on les lisse de nouveau ; & pour leur relever le grain une troisieme fois, on se sert d’une paumelle de bois.

Après que le côté de la fleur a reçu toutes ces façons, on les pare du côté de la chair avec un couteau bien tranchant destiné à cet usage, & on frotte vivement le côté de la fleur ou du poil avec un bonnet de laine, leur ayant auparavant donné une couche de lustre qui est fait de jus d’épine-vinette, de citron ou d’orange. Enfin tous ces divers apprêts se finissent en relevant légérement le grain pour la derniere fois avec la paumelle de liege : ce qui acheve de les perfectionner & de les mettre en état d’être vendues & employées.

Maniere de préparer le maroquin rouge. On met tremper les peaux dans de l’eau de riviere pendant vingt-quatre heures, & lorsqu’elles en ont été retirées, on les étend sur le chevalet sur lequel on les brise avec le couteau ; on les remet ensuite tremper de nouveau pour quarante-huit heures dans l’eau de puits ; on les brise encore sur le chevalet. Après avoir été trempées pour la derniere fois, elles sont jettées dans le plain pendant trois semaines ; tous les matins on les retire du plain, & on les y rejette pour les disposer à être pelées. Les peaux ayant été rétirées pour la derniere fois du plain, on les pele avec le couteau sur le chevalet ; & lorsque le poil en a été entierement abattu, on les jette dans des baquets remplis d’eau fraîche, dans laquelle elles sont bien rinsées pour être ensuite écharnées avec le couteau, tant du côté de la chair que du côté de la fleur. Après quoi on les rejette dans les baquets, passant ainsi alternativement des baquets sur le chevalet & du chevalet dans les baquets jusqu’à ce que l’on s’apperçoive que les peaux rendent l’eau claire. Dans cet état on les met dans l’eau tiede avec le sumac, comme ci-dessus, & quand elles y ont resté l’espace de douze heures, on les rinse bien dans de l’eau claire, & on les ratisse des deux côtés sur le chevalet. On les pilonne dans des baquets jusqu’à trois fois, & à chaque fois on les change d’eau ; on les tord ensuite, & on les étend sur le chevalet, & on les passe les

unes après les autres dans une auge remplie d’eau, dans laquelle on a fait fondre de l’alun.

Étant ainsi alunées, on les laisse égoutter jusqu’au lendemain ; on les tord ; ensuite ou les détire sur le chevalet ; & on les plie uniment de la tête à la queue, la chair en-dedans. C’est alors qu’on leur donne la premiere teinture, en les passant les unes après les autres dans un rouge préparé avec de la laque mêlée de quelques ingrédiens, qui ne sont bien connus que des seuls maroquiniers. On y revient autant de fois qu’il est nécessaire, pour que les peaux puissent être parfaitement colorées. Après quoi on les rinse bien dans l’eau claire ; puis on les étend sur le chevalet où elles restent à égoutter l’espace de douze heures ; ensuite on les jette dans une cuve remplie d’eau, dans laquelle on a mis de la noix de galle blanche, pulvérisée & passée au tamis ; & on les y tourne continuellement pendant un jour entier avec de longs bâtons. On les en retire, & on les suspend, rouge contre rouge & blanc contre blanc, sur une longue barre de bois posée sur le travers de la cuve où elles passent toute la nuit.

Le lendemain, l’eau de galle étant bien brouillée, on y remet les peaux, de façon qu’elles en soient entierement couvertes. Au bout de quatre heures, on les releve sur la barre ; & après les avoir bien rinsées les unes après les autres, on les tord & on les détire ; ensuite on les étend sur une table, où on les frotte du côté de la teinture les unes après les autres, avec une éponge imbibée d’huile de lin.

Après cette opération, on les pend par les jambes de derriere, à des clous à crochet où on les laisse sécher à-forfait.

Ensuite on les roule au pié le rouge en-dedans ; on les pare pour en ôter toute la chair & la galle qui pourroit y être resté attachée. Puis on prend une éponge imbibée d’eau claire dont on mouille légérement les peaux du côté du rouge ; après quoi les étendant sur le chevalet, on les y lisse à deux différentes reprises avec un rouleau de bois bien poli : après cette derniere façon, le maroquin est en état d’être vendu.

Les maroquins jaunes, violets, bleus, verts, &c. se préparent de même que les rouges, à la seule couleur près. Chambers.

MARROQUINER, terme d’art, qui signifie façonner le marroquin, ou les peaux de veau & de mouton à la façon de marroquin, pour qu’elles paroissent être de véritables peaux de marroquin.

MARROQUINERIE, s. f. art de faire le marroquin, on appelle aussi de ce nom le lieu où on fabrique ces sortes de cuir ; Marroquinerie se dit encore des cuirs passés en marroquin.

MARROQUINIER, s. m. (Art méch.) ouvrier qui fabrique le marroquin ou d’autres peaux en façon de marroquin ; ce terme convient également & au maître manufacturier qui conduit les ouvrages de marroquinerie, & à l’artisan qui les fabrique.

MARRUBE, marrubium, s. m. (Bot.) genre de plante à fleur monopétale labiée : la levre supérieure est relevée & fendue en deux parties & l’inférieure en trois ; le pistil sort du calice, & tient à la partie postérieure de la fleur comme un clou ; il est accompagné de quatre embryons qui deviennent autant de semences arrondies & contenues dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

On vient de lire les caracteres du marrube, mais il faut ajouter que de toutes les plantes qui portent ce nom chez les Botanistes, il y en a deux principalement connues en Médecine, le marrube blanc & le marrube noir, & que ces deux plantes ne sont point du même genre.