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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/860

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par partie, & cirée par les deux bouts, reprendra parfaitement. On suppose que le morceau qui est en terre aura poussé des racines, ainsi que le font les branches de saule ou de figuier ; de même un morceau de racine cirée par les deux bouts, poussera des racines qui étant devenues fortes, donneront de belles branches, pourvu qu’on laisse un peu sortir de terre le bout supérieur de cette racine.

Cet auteur appelle cette multiplication, la cent millieme, par rapport à celle qui se fait en semant ; & il va jusqu’à faire planter des feuilles avec leurs queues en les coupant en deux par en haut, & garnissant de cire la partie coupée : il prétend par-là regarnir les bois & les planter à neuf, ainsi qu’un autre auteur (le P. Mirandola, italien, fameux jardinier), qui de cette maniere a fait prendre racine à des feuilles d’oranger.

Quand on égravillonne les orangers, au lieu de jetter les racines qu’on retranche, il veut qu’on les coupe en morceaux de deux piés, qu’on les cire par les deux bouts, qu’on y ente des branches en fente, & qu’on les replante séparément : tout le secret de l’art consiste, selon lui, à couper les branches par les jointures, & y appliquer chaudement de la cire composée, qu’il appelle la noble momie.

MULTIPLICITÉ, s. f. quantité excessive. Il ne se prend guere qu’en mauvaise part ; ainsi on dit, la multiplicité des lois est la source des infractions & de la multiplicité des procès. La multiplicité des objets affoiblit la mémoire & le jugement. La multiplicité des dignités les dégrade toutes. La multiplicité des noms rend l’étude de l’Histoire naturelle très difficile. La multiplicité des especes augmente à l’infini les descriptions. D’où l’on voit qu’il ne se dit guere que des choses. On dira bien la multiplicité des ordres religieux, mais non la multiplicité des moines.

MULTIPLIER, en Arithmétique, c’est réduire en pratique la regle de multiplication. Voyez Multiplication & Multiplicande.

La regle de trois consiste à multiplier le troisieme terme par le second, & à diviser le produit par le premier terme. Voyez Regle de trois. (O)

MULTITUDE, s. f. (Gramm.) ce terme désigne un grand nombre d’objets rassemblés, & se dit des choses & des personnes : une multitude d’animaux, une multitude d’hommes, une multitude de choses rares. Méfiez-vous du jugement de la multitude ; dans les matieres de raisonnement & de philosophie, sa voix alors est celle de la méchanceté, de la sottise, de l’inhumanité, de la déraison & du préjugé. Méfiez-vous-en encore dans les choses qui supposent ou beaucoup de connoissances, ou un goût exquis. La multitude est ignorante & hébétée. Méfiez-vous-en sur-tout dans le premier moment ; elle juge mal, lorsqu’un certain nombre de personnes, d’après lesquelles elle réforme ses jugemens, ne lui ont pas encore donné le ton. Méfiez-vous-en dans la morale ; elle n’est pas capable d’actions fortes & généreuses : elle en est plus étonnée qu’approbatrice ; l’héroïsme est presque une folie à ses yeux. Méfiez-vous-en dans les choses de sentiment ; la délicatesse de sentimens est-elle donc une qualité si commune qu’il faille l’accorder à la multitude ? En quoi donc, & quand est-ce que la multitude a raison ? En tout ; mais au bout d’un très-long-tems, parce qu’alors c’est un écho qui répete le jugement d’un petit nombre d’hommes sensés qui forment d’avance celui de la postérité. Si vous avez pour vous le témoignage de votre conscience, & contre vous celui de la multitude, consolez-vous-en, & soyez sûr que le tems fait justice.

MULTIVALVES, les, (Conchyliol.) coquilles à plusieurs pieces jointes ensemble. Les Naturalistes distribuent les coquilles en trois classes ; savoir, en univalves, c’est-à-dire qui n’ont qu’une écaille ou

une piece ; en bivalves, c’est-à-dire qui ont deux pieces ; & en multivalves, c’est-à-dire qui en ont plusieurs.

Les coquilles qui ont plusieurs pieces jointes ensemble, forment les six familles suivantes :

La premiere est celle des oursins, boutons ou hérissons de mer, qu’on appelle en latin echini, & qui sont ordinairement hérissées de pointes ; lorsqu’on les trouve dénuées de ces pointes, c’est qu’elles sont tombées en les tirant de l’eau.

La deuxieme famille est remplie par l’oscabrion, qui est une espece de lépas à huit côtes, que l’on trouve vivant en Amérique & en France.

La troisieme famille des glands de mer, n’est pas plus difficile à remarquer, les especes en étant peu variées ; les Latins les nomment balani.

Les poussepiés qui n’ont aucune variété, sont très-faciles à connoître ; ils sont contenus dans la quatrieme famille sous le nom de pollicipedes.

Les conques anatiferes, conchæ anatiferæ, qu’il seroit difficile de traduire autrement en françois, fournissent la cinquieme famille ; il n’y a rien à observer que leur figure, qui souffre peu de différence.

La sixieme & derniere famille est celle des φώλαδες, nom grec qu’on a traduit par celui de pholades. Elle est aussi aisée à reconnoître que les précédentes ; sa forme est oblongue, & ordinairement de couleur blanche, souvent renfermée dans des pierres de marne ; les unes ont six piés, les autres deux.

Des six genres de coquillages qui composent les multivalves, les glands de mer, les poussepiés & les conques anatiferes le ressemblent parfaitement, eu égard aux animaux, & nullement pour les coquilles. Les trois autres qui sont les oursins, les oscabrions & les pholades sont très-différens.

La tête & la bouche de l’oursin sont au dessous des cinq dents garnies de leurs osselets qu’on trouve dans le milieu de son orbite, & sa bouche se termine en intestin.

L’oscabrion ou lépas à huit côtes, a une tête formant un trou ovale à une de ses extrémités, & à l’autre est l’anus ou la sortie des excrémens. Cet animal n’a point de cornes, point d’yeux ni de pattes ; il rampe sur le rocher, comme le lépas.

Le gland de mer, le poussepié & les conques anatiferes sont assez semblables ; leur bouche, leur tête sont au bout de leur plumage ou panache.

La pholade à six valves, respire & prend sa nourriture par un de ses deux tuyaux ; il y a lieu d’y croire sa bouche placée ; celle à deux valves ne differe de l’autre que par sa coquille.

Il n’y a point de multivalves parmi les coquillages fluviatils.

MULTONES AURI, (Hist. mod.) étoient autrefois de pieces d’or avec la figure d’un mouton ou agneau (peut-être de l’Agnus Dei), dont la monnoie portoit le nom. Multo signifioit alors un mouton, de même que mutto & muto, d’où vient l’anglois mutton. Cette monnoie étoit plus commune en France ; cependant il paroît par une patente de 33, éd. I. qu’elle a aussi eu cours en Angleterre.

MULUYA, (Géog.) riviere d’Afrique, au royaume de Fez. Elle a sa source au pié du mont Atlas, & se jette dans la Méditerranée près de la ville de Gaçaca. C’est la même riviere que les anciens ont nommée Malva, Molocath & Malvana ; c’est aussi celle que Marmol & Dapper appellent Mulucan. Les Arabes lui donnent le nom de Munzemar. (D. J.)

MUMBO-JUMBO, (Hist. mod. superstition.) espece de fantôme dont les Mandingos, peuple vagabond de l’intérieur de l’Afrique, se servent pour tenir leurs femmes dans la soumission. C’est une idole fort grande. On leur persuade, ou elles affectent de croire qu’elle veille sans cesse sur leurs actions. Le