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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/188

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avec de l’eau, & fait une sorte de noir qui est presque aussi beau & aussi bon que celui d’ivoire, & dont les Peintres se peuvent très-bien servir.

Noir de charbon. Le noir de charbon se fait avec des morceaux de charbon bien nets & bien brûlés, que l’on pile dans un mortier, & que l’on broye ensuite à l’eau sur le porphyre, jusqu’à ce qu’il soit assez fin. Alors on le met sécher par petits morceaux, sur du papier bien lisse. C’est un très bon noir pour les tableaux, & également bon pour peindre à l’eau.

Noir des Corroyeurs. On appelle premier noir, chez les artisans qui donnent le corroyage aux cuirs, quand ils ont été tannés, la premiere teinte de cette couleur qu’ils appliquent sur les vaches, veaux ou moutons. Ce noir est fait de noix de galle, de biere aigre & de ferraille. Le second noir est composé de noix de galle, de couperose, & de gomme arabique. C’est sur ce noir que se donnent les deux lustres.

Noir d’Espagne. (Chimie & Pharm.) C’est ainsi que l’on nomme le liége brûlé & réduit en charbon dans les vaisseaux fermés. On vante beaucoup l’usage de ce charbon pris en poudre pour arrêter les gonorrhées, & on le regarde comme un spécifique dans les incontinences d’urine ; mais il est à propos d’employer ce remede avec prudence. Le noir d’Espagne incorporé avec de l’huile de lin, fait un liniment, que quelques auteurs regardent comme très-propre à appaiser les douleurs que causent les hémorrhoïdes.

Noir de fumée, (Arts.) c’est ainsi qu’on nomme une substance d’un beau noir, produite par des résines brûlées.

Toutes substances résineuses, telle que la résine des pins, des sapins, la térébenthine, la poix, les bitumes, étant brûlées, se réduisent en une matiere charbonneuse, fort déliée, que l’on nomme noir de fumée ; mais comme ces substances résineuses peuvent s’employer à d’autres usages, on ne se sert pour le faire, que de ce qui est resté dans le fond des chaudieres où l’on a fait bouillir la résine, pour en faire de la poix ou du goudron. Pour cet effet, on allume des morceaux de ce résidu qui est très inflammable, & on le laisse brûler dans une marmite placée au milieu d’un bâtiment ou cabinet quarré, bien fermé de toute part, & tendu de toile ou de peaux de moutons. A mesure que la matiere résineuse brûle, il en part une matiere semblable à de la suie, qui s’attache à la toile ou aux peaux de moutons dont le cabinet est tendu. Lorsqu’on croit que le cabinet est suffisamment rempli de cette matiere, on l’enleve pour la mettre dans des barrils, & on la vend sous le nom de noir de fumée, ou de noir à noircir. Voyez nos Pl.

En Allemagne, où il se trouve des vastes forêts de pins & de sapins, on sait le noir de fumée en grand, & l’on construit des fourneaux uniquement destinés à cet usage. Ces fourneaux sont des cabinets quarrés qui ferment très-exactement ; à leur partie supérieure est une ouverture sur laquelle on place une toile tendue de maniere à former un cône ; à ce cabinet il communique une espece de voûte horisontale, ou de tuyau de cheminée, au bout duquel est une espece de four ; à l’ouverture de ce four on place les matieres résineuses ou le bois chargé de résine, que l’on veut brûler pour faire le noir de fumée. Par ce moyen, la substance noire qui s’en dégage, passe par le tuyau de cheminée, & va se rendre dans le cabinet quarré, voyez nos Pl. Comme cette matiere est légere, il y en a une grande quantité qui s’attache à l’intérieur du cône de toile qui est au-dessus de ce même cabinet. Lorsqu’on croit qu’il s’y en est suffisamment amassé, on frappe avec

des baguettes sur le cône de toile pour faire tomber le noir de fumée qui s’y étoit attaché ; par-là il retombe dans le cabinet, d’où on l’enleve pour le mettre dans des barrils ou caisses de bois, & pour le débiter.

Le noir de fumée sert dans la peinture à l’huile, avec laquelle il s’incorpore parfaitement bien ; il ne peut servir dans la peinture en détrempe, vû qu’il ne se mêle point avec de l’eau. Cette substance entre aussi dans la composition de l’encre des Imprimeurs. (—).

Noir de fumée, (Chimie.) charbon volatilisé, ou plutôt élancé par le mouvement rapide de la flamme dans la combustion à l’air libre, & avec flamme des matieres résineuses. Voyez la fin de l’art. Suie, Chimie. Le noir de fumée n’est point proprement volatil : c’est avec raison que nous avons énoncé dans la précédente définition, qu’il étoit enlevé par une puissance étrangere, ce qui est bien différent de la volatilité chimique, voyez Volatil ; & même cette maniere d’être produit n’empêche point qu’il ne soit un corps très-fixe, jouissant à cet égard de la propriété générique de charbon, dont il est une véritable espece. Voyez Charbon, Chimie. (b)

Noir d’os, le noir d’os se fait avec les os de mouton, brûlés & préparés comme le noir d’yvoire. Il fait un noir roux, & l’on s’en sert beaucoup pour les tableaux ; mais il est difficile à sécher, & l’on est obligé en le broyant à l’huile, de le tenir plus ferme que les autres couleurs, afin d’avoir la facilité d’y mettre la quantité nécessaire d’huile grasse ou sécative : on s’en sert rarement à l’eau.

Noir de pêches, le noir de pêches se fait avec les noyaux de pêches brûlés comme le noir d’yvoire, & broyés très-fin sur le porphyre : il sert beaucoup pour les tableaux, & fait une teinte bleuâtre étant mêlé avec le blanc. On peut aussi s’en servir à l’eau.

Noir, en Peinture, ce n’est pas avec le noir qu’on donne la plus grande force dans un tableau : les habiles peintres n’en emploient presque jamais de pur. On dit qu’il seroit à souhaiter que le blanc & le noir fussent aussi chers pour les commençans que l’outremer, parce qu’alors le prix les leur feroit épargner, & tenter d’autres moyens, soit qu’ils voulussent faire clair ou brun ; au lieu qu’à force de les prodiguer, ils ne font ni l’un ni l’autre.

On se sert en Peinture du noir d’yvoire, du noir d’os, du noir de charbon, noir de noyaux de pêches, noir de fumée ; & pour la fresque, du noir de terre.

Noir, terme de Plumassier, on appelle grandes noires ou noirs fins à pointe, les plumes d’autruches noires de la meilleure qualité, & qui sont propres à faire des panaches. Les petites noires à pointe plate, sont au contraire de la moindre qualité, & ne servent qu’à faire des ouvrages de mercerie, comme bonnets d’enfans, écrans & autres semblables.

Noir de rouille, c’est la même chose que le premier noir des corroyeurs.

Noir de terre, est une espece de charbon qui se trouve dans la terre, dont les Peintres se servent après qu’il a été bien broyé pour travailler à fresque.

On fait du noir avec de la noix de galle, de la couperose ou du vitriol, comme l’encre commune ou à écrire.

Il se fait encore du noir avec de l’argent & du plomb, dont on se sert à remplir les creux ou cavités des choses gravées.

Noir de metteur en œuvre, est une poudre noire qui provient de l’yvoire brûlé & réduit en poudre, voyez Noir d’yvoire. La façon de l’employer dépend de l’artiste. Il y a des pierres que l’on met en plein noir, alors on peint en noir tout le dedans du chaton, & on l’emplit même quelquefois de poudre seche, afin que la pierre en soit totalement envelop-