Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’un sol nous met en état d’acheter 9 piés & presque 13 pouces de terre en quarré, savoir une piece de terre de 3 piés de long & de 3 piés de large, & quelque chose de plus.

D’où il s’ensuit que pour 2 schelings on peut acheter une piece de terre de 216 piés, ou de 18 piés de long & de 12 piés de large, ce qui suffit pour bâtir dessus une maison passable, & pour avoir un petit jardin.

Œconomie, (Critiq. sacrée.) οἰϰονομια ; les Théologiens distinguent deux œconomies, l’ancienne & la nouvelle, ou, pour m’exprimer en d’autres termes, l’œconomie légale & l’œconomie évangélique ; l’œconomie légale est celle du ministere de Moise, qui comprend les lois politiques & cérémonielles du peuple juif ; l’œconomie évangélique, c’est le ministere de Jesus-Christ, sa vie & ses préceptes. (D. J.)

Œconomie animale, (Médec.) le mot œconomie signifie littéralement lois de la maison ; il est formé des deux mots grecs οἰϰος, maison, & νομος, loi ; quelques auteurs ont employé improprement le nom d’œconomie animale, pour désigner l’animal lui-même ; c’est de cette idée que sont venues ces façons de parler abusives, mouvemens, fonctions de l’œconomie animale ; mais cette dénomination prise dans le sens le plus exact & le plus usité ne regarde que l’ordre, le méchanisme, l’ensemble des fonctions & des mouvemens qui entretiennent la vie des animaux, dont l’exercice parfait, universel, fait avec constance, alacrité & facilité, constitue l’état le plus florissant de santé, dont le moindre dérangement est par lui-même maladie, & dont l’entiere cessation est l’extrème diamétralement opposé à la vie, c’est-à-dire la mort. L’usage, maître souverain de la diction, ayant consacré cette signification, a par-là même autorisé ces expressions usitées, lois de l’œconomie animale, phénomenes de l’œconomie animale, qui sans cela & suivant l’étymologie présenteroient un sens absurde, & seroient un pléonasme ridicule. Les lois selon lesquelles ces fonctions s’operent, & les phénomenes qui en résultent ne sont pas exactement les mêmes dans tous les animaux ; ce défaut d’uniformité est une suite naturelle de l’extrème variété qui se trouve dans la structure, l’arrangement, le nombre, &c. des parties principales qui les composent ; ces différences sont principalement remarquables dans les insectes, les poissons, les reptiles, les bipedes ou oiseaux, les quadrupedes, l’homme, & dans quelques especes ou individus de ces classes générales. Nous ne pouvons pas descendre ici dans un détail circonstancié de toutes les particularités sur lesquelles portent ces différences ; nous nous bornerons à poser les lois, les regles les plus générales, les principes fondamentaux, dont on puisse faire l’application dans les cas particuliers avec les restrictions & les changemens nécessaires. Nous choisirons parmi les animaux l’espece qui est censée la plus parfaite, & nous nous attacherons uniquement à l’homme qui dans cette espece est sans contredit l’animal le plus parfait, le seul d’ailleurs qui soit du ressort immédiat de la Médecine. On trouvera indiqué aux articles Insectes, Poisson, Reptile, Oiseau, Quadrupede, ce qu’il peut y avoir de particulier dans ces différentes especes d’animaux ; on observe aussi dans l’homme beaucoup de variété, il n’est pas toujours semblable à lui-même ; l’ordre & le méchanisme de ses fonctions varie dans plusieurs circonstances & dans les différens âges ; plusieurs causes de maladie font naître des variétés très-considérables, qui n’ont point encore été suffisamment observées, & encore moins bien expliquées ; mais la principale différence qu’on remarque, c’est celle qui se rencontre entre un enfant encore contenu dans le ventre de la mere, &

ce même enfant peu de tems après qu’il en est sorti, & sur-tout lorsqu’il est parvenu à l’âge d’adulte, on peut assûrer que ces enfans vivent d’une maniere extrèmement différente ; la vie du fœtus paroît n’être qu’une simple végétation : celle d’un enfant jusqu’à l’âge de 3 ou 4 ans, & dans plusieurs sujets jusqu’à un âge plus avancé, paroît peu différer de celle des animaux : enfin l’adulte a sa façon particuliere de vivre, qui est proprement la vie de l’homme, & sans contredit la meilleure ; il revient insensiblement à mesure qu’il vieillit & qu’il meurt à la vie des enfans & du fœtus. Il n’est pas douteux que cet âge le plus parfait & le plus invariable ne soit aussi le plus propre à y examiner, & y fonder les lois de l’œconomie animale ; les variétés qui naissent de la différence des âges & des circonstances sont exposées aux articles Fœtus, Enfant, Vieillard, voyez ces mots. Celles qui sont occasionnées par quelque maladie sont marquées dans le cours du dictionnaire aux différens articles de Médecine ; elles ont principalement lieu dans les cas d’amputation de quelque partie considérable, de défaut, de dérangement dans la situation, le nombre & la grosseur de quelques visceres. Quant aux causes générales de maladie, leur façon d’agir entre dans le plan que nous nous sommes formé, il en sera fait mention à la fin de cet article.

L’œconomie animale considérée dans l’homme ouvre un vaste champ aux recherches les plus intéressantes ; elle est de tous les mysteres de la nature celui dont la connoissance touche l’homme de plus près, l’affecte plus intimement, le plus propre à attirer & à satisfaire sa curiosité ; c’est l’homme qui s’approfondit lui-même, qui pénetre dans son intérieur ; il ôte le bandeau qui le cachoit à lui-même, & porte des yeux éclairés du flambeau de la Philosophie sur les sources de sa vie, sur le méchanisme de son existence ; il accomplit exactement ce beau précepte qui servoit d’inscription au plus célebre temple de l’antiquité, γνῶθι σεαυτόν, connois toi toi-même. Car il ne se borne point à une oisive contemplation de l’assemblage du nombre & de la structure des différens ressorts dont son admirable machine est composée ; il pousse plus loin une juste curiosité, il cherche à en connoître l’usage, à déterminer leur jeu ; il tâche de découvrir la maniere dont ils exécutent leurs mouvemens, les causes premieres qui l’ont déterminé, & sur-tout celles qui en entretiennent la continuité. Dans cet examen philosophique de toutes ces fonctions, il voit plus que par-tout ailleurs la plus grande simplicité des moyens jointe avec la plus grande variété des effets, la plus petite dépense de force suivie des mouvemens les plus considérables ; l’admiration qui s’excite en lui, réfléchie sur l’intelligence suprème qui a formé la machine humaine & qui lui a donné la vie, me paroît un argument si sensible & si convainquant contre l’athéisme, que je ne puis assez m’étonner qu’on donne si souvent au médecin-philosophe cette odieuse qualification, & qu’il la mérite quelquefois. La connoissance exacte de l’œconomie animale répand aussi un très-grand jour sur le physique des actions morales : les idées lumineuses que fournit l’ingénieux systeme que nous exposerons plus bas, pour expliquer la maniere d’agir, & les effets des passions sur le corps humain, donnent de fortes raisons de présumer que c’est au défaut de ces connoissances qu’on doit attribuer l’inexactitude & l’inutilité de tous les ouvrages qu’il y a sur cette partie, & l’extreme difficulté d’appliquer fructueusement les principes qu’on y établit : peut-être est-il vrai que pour être bon moraliste, il faut être excellent médecin.

On ne sauroit révoquer en doute que la Médecine pratique ne tirât beaucoup de lumieres & de la