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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/525

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dire pour découvrir s’il est allié ou non. Pour cet effet ils frottent l’or sur la pierre de touche, sur laquelle est ordinairement un trait fait avec de l’or très-pur pour servir d’échantillon & de comparaison ; ensuite on met de l’eau-forte sur la trace qui a été faite avec l’or que l’on veut éprouver : cette eau-forte dissout tous les métaux auxquels l’or peut être allié, sans toucher à ce dernier. Mais cette épreuve peut être trompeuse, & ne fait point connoître les métaux étrangers qui peuvent avoir été fortement dorés on enveloppés dans de l’or. Pour s’en assurer, il faut briser le lingot & l’essayer à la coupelle ou par l’antimoine.

Depuis quelques années le luxe qui rend les artistes inventifs, leur a fait imaginer des moyens pour donner à l’or différentes nuances par les alliages ; on applique des fleurs & des ornemens faits avec ces ors diversement colorés, ce qui produit une variété agréable à l’œil, mais aux dépens de la valeur intrinséque du métal qui est sacrifié à la beauté de l’ouvrage. Il y a de l’or verd qui se fait en alliant beaucoup d’argent avec l’or. L’or rouge se fait en l’alliant avec beaucoup de cuivre ; l’or blanc se fait en l’alliant avec beaucoup de fer : ce dernier est aigre & cassant, & difficile à travailler ; il seroit plus court d’employer simplement de l’argent. En changeant les proportions de l’alliage, on peut de cette façon avoir de l’or de différentes nuances. (—)

Or, (Mat. méd.) autrefois les Grecs ne connoissoient pas l’usage de l’or dans la Médécine. Les Arabes sont les premiers qui en ont recommandé la vertu. Ils l’ont mêlé dans leurs compositions réduit en feuilles. Ils croient que l’or fortifie le cœur, ranime les esprits & réjouit l’ame ; c’est pourquoi ils assurent qu’il est utile pour la mélancholie, les tremblemens & la palpitation du cœur. Les Chimistes ajoutent de plus que l’or contient un soufre fixe le plus puissant ; lequel étant incorruptible, si on le prend intérieurement, & s’il est mêlé avec le sang, il le préserve de toute corruption, & il rétablit & ranime la nature humaine de la même maniere que le soleil, qui est la source intarissable de ce soufre, fait revivre toute la nature. Geoffroy, Mat. méd.

Les Alchimistes ont retourné cet éloge de mille & mille façons, & ils l’ont principalement accordé à leur or philosophique, & plus encore à la quintessence, à la semence, à l’ame de l’or, à la teinture solaire radicale qu’ils ont regardée comme la vraie Médecine universelle.

A toutes ces vaines promesses, à toutes ces spéculations frivoles, les Théoriciens modernes ont substitué des idées plus sages, du moins plus scientifiques sur les qualités médicamenteuses de l’or. Ils ont prétendu que le plus inaltérable & le plus pesant de tous les corps étant porté avec les humeurs animales dans les voies de la circulation, étoit éminemment capable de résoudre les concrétions les plus rébelles, & de déboucher les couloirs les plus engorgés. Ils sont partisans encore d’une autre notion très-positive, savoir de la facilité avec laquelle l’or s’unit au mercure, pour avancer que ce métal étoit un bon remede pour ceux qui avoient trop pris de mercure ; car ces deux métaux, dit Nicolas Lemeri, s’unissent ensemble facilement, & par cette liaison ou amalgame, le mercure est fixé, & son mouvement interrompu. Mais autant les connoissances chimiques sur lesquelles s’appuient ces théories, sont réelles & incontestables, autant les conséquences qu’on en déduit en faveur des qualités médicinales de l’or, sont précaires & chimériques : aussi les Médecins raisonnables ne croient-ils plus aujourd’hui aux admirables vertus de l’or, quand même ils pensent qu’on peut le porter dans les voies de la circulation, réduit en un état de très-grande division.

Ainsi les feuilles d’or ne leur paroissent servir qu’à l’élégance dans la confection alkermès, la confection hyacinthe, la poudre de perles, la poudre réjouissante, la poudre pannonique, &c. L’extinction de l’or rougi au feu dans des liqueurs aqueuses que Fr. Burrhus employoit, au rapport de Borrichius & de Juncker, contre les palpitations du cœur, & quelques autres maladies, leur paroît une pure charlatanerie.

Le vitriol de sel, c’est-à-dire le sel retiré de la dissolution de l’or par l’eau régale, auquel plusieurs auteurs ont attribué une qualité purgative, vermifuge, roborante, analogue à celle du vitriol de mars, est un remede peu éprouvé, à peine connu.

L’or fulminant a été recommandé aussi dans l’usage intérieur, comme un excellent diaphorétique, spécialement propre pour la petite-vérole ; mais Konig, professeur de Médecine à Basle, Daniel Ludovic & Boerhaave assurent que l’or fulminant est plutôt un purgatif dangereux. Au reste, le vitriol solaire & l’or fulminant n’agissent point par les qualités propres à l’or : leur vertu dépend essentiellement des matieres salines auxquelles il est joint dans ce sel neutre qui contient de l’acide par surabondance, & dans ce précipité qui participe de toutes les substances acides & alkalines qui ont été employées à sa préparation. Voyez Sels neutres métalliques, sous le mot Sel & Précipité.

Le seul remede tiré de l’or qui soit aujourd’hui en usage, est une liqueur huileuse chargée d’or par une espece de précipitation, & qui est connue sous le nom d’or potable ou teinture d’or, dont on trouve la préparation dans toutes les pharmacopées & les chimies médicinales modernes. La voici d’après une addition au cours de Chimie de Lemeri, par M. Baron.

Teinture d’or ou or potable de Mademoiselle Grimaldi. Prenez un demi-gros d’or le plus pur, faites-en la dissolution dans deux onces d’eau régale ; versez sur cette dissolution, dont la couleur sera d’un beau jaune, une once d’huile essentielle de romarin ; mêlez bien ensemble les deux liqueurs ; laissez le tout en repos, bientôt après vous verrez l’huile, teinte d’une belle couleur jaune, surnager l’eau régale qui aura perdu toute sa couleur ; séparez l’une d’avec l’autre vos deux liqueurs, au moyen d’un entonnoir, par l’extrémité duquel vous laisserez écouler toute l’eau régale, & que vous boucherez avec le doigt, aussitôt que l’huile sera prête à passer ; recevez cette huile dans un matras, & la mêlez avec cinq fois son poids d’esprit-de-vin rectifié ; bouchez votre matras avec de la vessie mouillée ; mettez le mélange en digestion sur le bain de sable pendant un mois : au bout de ce tems il aura pris une couleur pourpre & une saveur gracieuse, mais un peu amere & astringente. Elle peut être employée en Médecine dans tous les cas où il s’agit d’augmenter l’action du cœur & des vaisseaux, comme dans les apoplexies sereuses, les paralysies, &c. en un mot, dans tous les cas où il s’agit d’animer & de fortifier. La dose en est depuis trois jusqu’à dix ou douze gouttes dans une liqueur appropriée, comme du vin, ou une potion cordiale. Baron.

Il seroit encore mieux de la réduire pour l’usage sous forme d’éleo-saccharum, voyez Eleo-saccharum.

On peut assurer que les vertus réelles de la teinture d’or appartiennent entierement à l’huile essentielle de romarin, & que c’est très-vraissemblablement à pure perte qu’on renchérit cette huile en la chargeant d’or. Voyez Huile essentielle sous le mot Huile & Romarin.

On voit bien qu’on peut employer à la préparation de l’or potable toute autre huile essentielle analogue à celle du romarin, telles que toutes celles des