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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/582

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protestant, n’ayant pas été véritablement consacrés évêques, tous ceux qu’ils ont ordonnés en cette qualité & les successeurs de ceux-ci n’ont point eu le caractere épiscopal, & par une derniere conséquence qu’il n’y a plus d’épiscopat en Angleterre.

Cette question en embrasse nécessairement deux : l’une de fait, & l’autre de droit.

La question de fait consiste à savoir si Parker, qu’on regarde comme la tige de tout l’épiscopat anglican, a été réellement consacré évêque ; & si Barlow son consécrateur, qui a été évêque de Saint-David, & depuis évêque de Chichester, a lui-même été ordonné évêque : car s’il ne l’a pas été, il est certain qu’il n’a pû sacrer Parker.

La question de droit se réduit à prouver si la forme dont on s’est servie pour consacrer Barlow & Parker, a été défectueuse ou non, si elle a péché ou non dans quelque chose d’essentiel.

Nous allons donner une idée des principaux moyens qu’on a allégués pour & contre sur ces deux questions.

Sur la premiere, les Catholiques ont avancé que Barlow n’avoit jamais été véritablement évêque, parce qu’étant protestant dans le cœur, il avoit omis de se faire consacrer après sa nomination à l’évêché de Saint-David sous Henri VIII. ayant été dans ce tems occupé pour la cour à une négociation en Ecosse, qui consuma tout l’intervalle pendant lequel les Anglicans veulent qu’il ait été consacré ; 2°. qu’on ne trouve point l’acte de sa consécration ; 3°. que Parker fut consacré à Londres dans une auberge qui avoit pour enseigne la tête de cheval, & que cette cérémonie s’y passa d’une maniere indécente & pleine de dérision ; 4°. que Parker ne fut point consacré à Lambeth, palais proche de Londres, qui appartient aux archevêques de Cantorbery, & que les registres qu’on apporte en preuve de ce fait ont été falsifiés.

Sur la seconde, les uns, comme le sieur Fenell, ont dit que l’ordinal d’Edouard VI. étant l’ouvrage de la puissance laïque, des évêques consacrés suivant ce rit, n’ont pû recevoir la consécration épiscopale. D’autres, comme le pere le Quien, dans son livre intitulé Nullité des ordinations angloises, se sont attachés à répandre des doutes légitimes sur ces ordinations, & capables, selon eux, de la faire réitérer. Pour cela ils ont entrepris de montrer que dans le nouvel ordinal les Anglicans avoient altéré essentiellement la forme de l’ordination, parce que, disent-ils, cette forme doit faire une mention ou expresse ou du-moins implicite du sacerdoce & du sacrifice, selon la foi de l’église catholique ; or la forme de l’ordinal anglican n’en fait nulle mention. D’ailleurs on sait que les Anglicans ont aboli chez eux le sacerdoce & le sacrifice, qu’ils rejettent la présence réelle & la transsubstantiation, qui entrent nécessairement dans l’idée du sacrifice de l’église catholique & qui en sont comme la base. Enfin, ils ont regardé comme une loi sur cette matiere l’usage de l’église de Rome, qui réordonne tous les prêtres anglicans qui rentrent dans sa communion.

Les défenseurs de la validité des ordinations angloises, & principalement le pere le Courayer, chanoine régulier, ancien bibliothécaire de sainte Geneviéve de Paris, soutiennent 1°. que Barlow a été réellement consacré, puisqu’il a assisté en qualité d’évêque aux parlemens tenus sous Henri VIII. depuis 1536 ; & qu’une des lois du royaume d’Angleterre interdit aux évêques non-consacrés la séance au Parlement. 2°. Que son voyage en Ecosse quoique réel est arrangé d’une maniere romanesque par les auteurs dont nous venons de parler ; que Barlow a pû être de retour à Londres plutôt qu’ils ne prétendent & s’y faire consacrer ; que la perte de son acte de consécration n’est qu’une preuve négative qui

n’infirme nullement la réalité du fait. 3°. Que la cérémonie de l’auberge est une fable ridicule qui n’a été produite pour la premiere fois que plus de quatre-vingt ans après l’événement en question ; qu’elle se dément par les circonstances mêmes dont on l’accompagne, & aux autorités dont on l’étaie & qu’il détruit, il en oppose d’infiniment supérieures. 4°. Il démontre que la consécration de Parker s’est faite à Lambeth le 17 Décembre 1559 par Barlow, assisté de Jean Scory, élu évêque d’Hereford, de Miles Coverdale, ancien évêque d’Excester, & de Jean Hoogskius, suffragant de Bedford. L’acte de cette consécration se trouve dans les œuvres de Bramhall & dans l’histoire de Burnet. On le trouve aussi en original dans les registres de Cantorbery & dans la bibliotheque du college de Christ à Cambridge. Cet auteur a donné copie de tous ces actes & d’une infinité d’autres qui démontrent pleinement la question de fait.

Quant à celle de droit, il s’est proposé de montrer que l’imposition des mains & la priere étant la matiere & la forme essentielle de l’ordination, l’une & l’autre étant prescrites dans le rituel d’Edouard VI. & ayant été observées dans la consécration de Parker & des autres, cela suffit pour la validité des ordinations. 2°. Que s’il faut dans la forme une mention virtuelle du sacerdoce & du sacrifice, on trouve dans la forme anglicane une analogie suffisante pour cela. 3°. Que les erreurs particulieres des Anglois sur le sacerdoce & le sacrifice ne détruisent point la validité de leurs ordinations, parce que les erreurs des hommes ne font rien à la validité ou l’invalidité des sacremens, pourvû qu’en les administrant on emploie la matiere & la forme prescrites. 4°. Que l’ordinal d’Edouard a été dressé par des évêques & des théologiens, sans que ni le roi ni le parlement y aient eu d’autre part que de l’autoriser, comme on fait en Angleterre toutes les pieces qui doivent avoir force de loi ; que Calvin ni les Calvinistes n’ont point concouru à la composition de cet ouvrage. 5°. Aux doutes de l’église romaine qu’il croit mal fondés & insuffisans pour en venir à une réordination, il oppose l’autorité de Cadsemius, de Walsh, de M. Bossuet & de M. Snellaerts, d’où il conclut que la validité des ordinations angloises ne pourroit être qu’avantageuse à l’église romaine en facilitant la réunion des Anglicans avec elle.

Tels sont les divers points que cet auteur a traités avec beaucoup de force & d’étendue : 1°. dans sa dissertation sur la validité des ordinations angloises, imprimée en 1723 ; & 2°. dans la défense de la même dissertation qui parut en 1726, où en répondant aux diverses critiques qu’on avoit faites de son premier ouvrage, il en établit de nouveau les preuves par des actes ou par de nouveaux raisonnemens. La question de fait y est entierement éclaircie. On ne peut pas dire exactement la même chose de celle de droit. Il eut été à souhaiter qu’en la traitant l’auteur eût évité certaines discussions théologiques sur la nature du sacrifice, qui l’ont conduit à des propositions erronées ou téméraires qui furent condamnées par l’assemblée du clergé de France en 1728 ; & qu’il n’eût pas eu la témérité de traiter d’insuffisans & de mal fondés les motifs qui ont porté l’Eglise à ordonner de nouveau ceux qui ont été ordonnés selon le rit anglican. Nous renvoyons les lecteurs aux écrits du pere le Courayer & de ses adversaires sur cette matiere intéressante, que les bornes de cet ouvrage ne nous ont permis que d’indiquer.

Il est de principe parmi les Théologiens que quelque corrompu que soit un évêque, les ordinations qu’il fait sont valides quoiqu’illicites. Aussi voit-on par l’Histoire que l’Eglise a toûjours admis comme valides les ordinations faites par les simoniaques, les