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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/588

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ils sont appellés les établissemens le roi de France.

Quelques-uns ont révoqué en doute que ces établissemens aient eu force de loi ; ils ont prétendu que ce n’étoit qu’une compilation ou traité du droit françois, d’autant qu’ils sont remplis de citations de canons, de decrets, de chapitres, des décretales, & de lois du digeste & du code, ce qui ne se voit point dans toutes les ordonnances précédentes de la troisieme race.

Il est néanmoins vrai que ces établissemens furent autorisés par saint Louis ; c’est une espece de code qu’il fit faire peu de tems avant sa seconde croisade ; l’on y inséra des citations pour donner plus d’autorité ; ce qui ne doit pas paroître extraordinaire, puisque nous avons vu de nos jours cette méthode renouvellée dans le code Fréderic : les établissemens de saint Louis sont distribués en deux parties, & chaque partie divisée par chapitres : ils contiennent en tout 213 chapitres.

Charles VI. s’est pourtant encore servi du terme d’établissement dans des lettres de 1394 touchant les Juifs. Il ordonne par maniere d’établissement ou constitution irrévocable, c’est ainsi qu’il explique lui-même le terme d’établissement.

Dans la plûpart des ordonnances qui furent faites par nos rois depuis le tems de saint Louis, ils s’expriment par ces mots, ordinatum fuit ; il se trouve un assez grand nombre de ces ordonnances faites au parlement, même depuis qu’il eut été rendu sédentaire à Paris : cela étoit encore assez commun vers le milieu du xjv. siecle ; il s’en trouve même encore de postérieures, notamment des lettres de 1388, comme on l’a dit au mot Enregistrement.

Mais la premiere loi de cette espece qui ait été qualifiée en françois ordonnance, est celle de Philippe-le-Bel, faite au parlement de la pentecôte en 1287, touchant les bourgeois, qui commence par ces mots : « c’est l’ordonnance faite par la cour de notre seigneur le roi, & de son commandement ».

Depuis ce tems, le terme d’ordennance ou ordonnance devint commun, & a été enfin consacré pour exprimer en général toute loi faite par le prince.

Il y en a pourtant de postérieures à celle de 1287, qui sont encore intitulées autrement, telle que celle du 3 Mai 1302 pour les églises de Languedoc, qui est intitulée statutum regium, d’autres sont encore qualifiées ordinationes.

On comprend sous le terme général d’ordonnance du roi, tant les ordonnances proprement dites que les édits, déclarations, & lettres patentes de nos rois.

Les ordonnances proprement dites, sont des réglemens généraux sur une ou plusieurs matieres, & principalement sur ce qui est du droit public, & ce qui concerne les formes de rendre la justice.

Les édits sont des lettres de chancellerie, que le roi donne de son propre mouvement, pour servir de loi à ses sujets sur une certaine matiere.

Les déclarations sont aussi des lettres de chancellerie, par lesquelles le roi déclare sa volonté sur l’exécution d’un édit ou d’une ordonnance précédente, pour l’interpréter, changer, augmenter ou diminuer.

On trouve un exemple d’une déclaration du roi dès le 26 Décembre 1335, donnée sur une ordonnance du 11 Mai 1333. Les gens des comptes avoient supplié le roi d’expliquer sa volonté sur un objet qui n’étoit pas spécifié dans son ordonnance ; & le roi dit qu’il vouloit en avoir sa déclaration & savoir son entente, & en conséquence il explique son intention & sa volonté : on trouve pourtant peu d’ordonnances qui aient été qualifiées de déclarations jusqu’au commencement du xvj. siecle : les édits sont encore en plus petit nombre que les déclarations.

Le pouvoir de faire de nouvelles ordonnances, édits ou déclarations, de les changer, modifier, n’appartient en France qu’au roi, dans lequel seul réside tout le pouvoir législatif.

Mais comme on ne sauroit apporter trop d’attention à la rédaction des ordonnances, nos rois ont coutume de prendre l’avis de personnes sages & éclairées de leur conseil.

Les anciennes ordonnances se faisoient de deux manieres ; les unes étoient arrêtées dans le conseil intime & secret du roi ; celles qui paroissoient plus importantes, étoient délibérées dans des assemblées plus nombreuses.

Les premieres chartres ou lettres qui nous restent des rois de la troisieme race, sont signées des grands officiers de la couronne, & de quelques autres notables personnages.

Quelques auteurs ont avancé que toutes celles qui n’étoient pas signées des grands officiers de la couronne, étoient délibérées en parlement, comme en effet cela se pratiquoit assez ordinairement, mais on n’en trouve pas des preuves pour toutes les ordonnances.

Les lettres d’Henri I. de l’an 1051, que l’on met en tête des ordonnances de la troisieme race, sont d’abord scellées du scel du roi, comme c’étoit la coutume : il est dit sigillo & annulo : dans d’autres il est dit sigillo nostræ majestatis.

Quelquefois, outre son scel, le roi mettoit sa signature ; dans d’autres ordonnances il n’en est point parlé, quoiqu’elles fussent souscrites de plus grands du royaume.

Une autre singularité qui se trouve dans les lettres données à Orléans l’an 1051, dont on a déja parlé, c’est que la signature de l’évêque d’Orléans y est avant celle du roi ; ensuite celle de l’archevêque de Reims, de Hugues Bardoul, celle de Hugues Bouteiller (c’étoit le grand bouteiller de France) : il y a encore quelques autres signatures de divers particuliers qui paroissent être des officiers du chapitre : enfin est celle de Baudouin chancelier, lequel signa le dernier, ce qu’on exprime par ce mot subscripsit.

Les lettres de Philippe I. en 1105, qui ne sont proprement qu’un rescript, sont signées de lui seul ; il n’y est même pas fait mention qu’il eût pris l’avis de personne ; il dispose de sa seule autorité, nostræ majestatis autoritate res prætaxatas à pravâ consuetudine liberamus.

Quelquefois les lettres de nos rois étoient données de l’avis des évêques & grands du royaume, & néanmoins elles n’étoient signées que des grands officiers de la couronne : c’est ainsi que les lettres de Louis le Gros en 1118 sont données, communi episcoporum & procerum consilio & assensu & regiæ autoritatis decreto. Les grands, comme on voit, ne donnoient qu’un avis & consentement ; le roi parloit seul avec autorité. Ces lettres ne sont point signées de ces évêques & grands, il est seulement dit qu’elles furent données à Paris publiquement, publicè. Il y en a beaucoup d’autres où la même chose se trouve exprimée ; ce qui fait voir que l’on a toujours reconnu la nécessité de donner aux nouvelles lois un caractere de publicité par quelque forme solemnelle. Enfin, il est dit que ces lettres furent données adstantibus in palatio nostro quorum nomina substituta sunt & signa ; & ensuite sont les noms & seings du grand maître dapiferi, du connétable, du bouteiller, du chambre, & il est fait mention que ces lettres ont été données par la main du chancelier, data per manum Stephani cancellarii, ce qui se trouve exprimé de même à la fin de plusieurs lettres.

Louis le Gros, dans des lettres de 1128, après