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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/686

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qu’un, & on lui donnoit le nom canis ou vulturius ; c’est le même que les Grecs appelloient κυὼν ou χῖος, d’où étoit venu le proverbe χῖος πρὸς κῷον, un à six. Des deux côtés plus étroits, l’un étoit convexe, appellé suppum ou supinum, qui valoit trois ; l’autre concave, appellé pronum, valoit quatre. Il n’y avoit ni deux, ni cinq dans les osselets.

On jouoit ordinairement avec quatre osselets, qui ne pouvoient produire que 35 coups ; savoir 4 dans lesquels les quatre faces étoient semblables, 18 dans lesquels il y en avoit deux de pareil nombre, 12 dans lesquels il y en avoit trois égaux & un coup unique lorsque les osselets étoient différens, j’entends de différens nombres, c’est-à-dire qu’il falloit faire un as, un 3, un 4, & un 6, c’étoit le coup le plus favorable, appellé vénus, en grec Ἀφροδίτη. Les Grecs avoient donné les noms des dieux, des héros, des hommes illustres, & même des courtisanes fameuses à ces coups différens.

Le coup de vénus étoit aussi nommé basilicus, parce qu’il falloit l’amener pour être le roi de la table. Le coup opposé étoit les quatre as, appellés damnosi canes. Entre les autres coups, il y en avoit d’heureux, de malheureux & d’indifférens. C’étoit un usage reçu parmi les joueurs d’invoquer les dieux ou leurs maîtresses avant que de jetter les osselets.

Pour empêcher les tours de main, on se servoit de cornets, par lesquels on les faisoit passer. Ils étoient ronds en forme de petites tours, plus larges en-bas que par le haut, dont le col étoit étroit. On les appelloit turris, turricula, orca, pyrgus, phimus. Ils n’avoient point de fond, mais plusieurs degrés au-dedans, qui faisoient faire aux osselets plusieurs cascades, avant que de tomber sur la table,

Alternis vicibus quos præcipitante rotatu
Fundunt excisi per cava buxa gradus.


cela se faisoit avec grand bruit ; & ce bruit faisoit encore donner au cornet le nom de fritellus.

Les osselets n’étoient au commencement qu’un jeu d’enfans chez les Grecs ; c’est pourquoi Phraates, roi de Parthes, envoya des osselets d’or à Démétrius, roi de Syrie, pour lui reprocher sa légereté : cet amusement devenoit cependant une affaire sérieuse dans les divinations qui se faisoient au sort des dez ou des osselets : c’est ainsi qu’on consultoit Hercule dans un temple qu’il avoit en Achaïe, & c’est ainsi que se rendoient les oracles de Geryon à la fontaine d’Apone, proche de Padoue.

Il ne faut pas confondre le jeu des osselets, ludum talorum, avec le jeu de dez, ludum tesserarum ; car on jouoit le premier avec quatre osselets, & l’autre avec trois dez : les osselets, comme on l’a dit, n’avoient que quatre côtés qui étoient marqués de quatre nombres toujours opposés l’un à l’autre ; savoir du 3 qui avoit 4 pour côté opposé, & d’un as dont le côté opposé étoit six. Les dez avoient six faces, dont quatre étoient marquées de la même maniere que les quatre des osselets ; & des deux autres, l’une avoit 1, 2, & l’autre un 5, mais toujours opposés, de sorte que dans l’un & l’autre jeu le nombre du côté inférieur & celui du côté supérieur faisoient toujours 7, comme cela s’observe encore aujourd’hui. Les coups des osselets ne pouvoient être variés que de trente-cinq manieres ; les dez ayant six faces, produisoient cinquante-six manieres, savoir 6 rafles, 30 où il y a deux dez semblables, & 20 où les trois dez sont différens : mais tout ce qui regarde les jeux de dez & des osselets chez les anciens a été épuisé par Meursius dans son livre de ludis græcorum, & par Daniel Souterius dans son Palamede. (D. J.)

OSSEMENS, s. m. pl. os décharnés des animaux qui sont morts. Les cimetieres sont pleins d’ossemens.

Ossemens fossiles, (Hist. nat. Minéralogie.) on rencontre en plusieurs pays des ossemens, tant de quadrupedes que de poissons enfouis dans le sein de la terre, & qui n’y ont souvent éprouvé aucune altération, de cette espece sont les dents d’éléphant que l’on a rencontrées en Sibérie, en Pologne, en France & en Angleterre, &c. Les os de mammoth que l’on trouve en Sibérie, la licorne fossile qui a été trouvée près de Quedlimbourg, suivant le rapport de M. de Leibnitz, &c. Voyez Ivoire fossile & Licorne fossile.

Ces endroits ne sont point les seuls où ces sortes d’ossemens se rencontrent, on trouve en France aux environs de Dax au pié des pyrénées un amas très-considérable d’ossemens de poissons, de vertebres d’une grosseur prodigieuse, & depuis quelque tems M. de Borda qui cultive l’histoire naturelle dans ce pays, a envoyé à l’académie des Sciences la mâchoire d’un crocodile, trouvée dans ce même canton, & que M. Bernard de Jussieu regarde comme de la même espece que le crocodile, appellé garial, qui se trouve dans le Gange. On voit au même endroit des palais de poissons, des glossopetres d’une grosseur prodigieuse, & une infinité de dépouilles de poissons. Le même M. Bernard de Jussien a vû près de Montpellier en Languedoc des ossemens de poissons cétacés d’une grandeur demesurée, qui étoient mêlées avec des coquilles. On a trouvé près de Mary, village des environs de Meaux, un os de la tête de l’hyppopotame. Toutes ces choses semblent prouver d’une maniere incontestable des révolutions, par lesquelles la mer qui couvroit le continent que nous habitons, s’en est retirée pour aller occuper d’autres lieux. Voyez l’article Fossiles.

Parmi le grand nombre d’ossemens d’animaux que l’on rencontre dans le sein de la terre, il n’y en a guere de plus singuliers, & dont l’origine soit plus difficile à expliquer que ceux que l’on trouve à Canstadt, à une lieue de Stutgard, dans le duché de Wirtemberg. Il y a en cet endroit une colline composée d’une pierre à chaux, sur laquelle on trouve les restes d’un bâtiment antique de forme exagone, que quelques-uns croient avoir été un temple, & d’autres un fort des Romains. Le duc de Wirtemberg ayant fait fouiller dans cette colline en 1700, on y trouva un amas prodigieux d’ossemens de différentes grandeurs ; on y trouva d’abord dans une espece de limon plus de soixante cornes ou dents courbées, depuis un pié jusqu’à dix piés de longueur ; ces dents se trouvoient confondues 1° avec des mâchoires, des dents molaires encore dans leurs alvéoles & d’autres détachées, des omoplattes, des os femur, des crânes, des vertebres d’animaux de la taille des éléphans ; 2° des dents, des mâchoires, des vertebres & d’autres os d’animaux d’une moindre grandeur, tels que sont des bêtes sauvages, des chiens, &c. 3° enfin des os de petits animaux, tels que des souris, de mulots, &c. Tous ces ossemens étoient comme calcinés ou comme ayant un commencement de pétrification, la plûpart étoient en fragmens, cependant quelques-uns étoient restés dans leur état naturel. On a aussi trouvé dans la roche des environs que l’on fit sauter avec de la poudre des ossemens qui y étoient renfermés, ainsi que des petites coquilles. Voyez une dissertation latine qui a pour titre : Œdipus Osteolithologicus, seu dissertatio de cornibus & ossibus fossilibus Canstadiensibus, par David Spleiss.

Quelques auteurs ont eu la simplicité de croire que ces ossemens avoient appartenu à des géans : d’autres ont conjecturé que les Romains avoient amené autrefois des éléphans en Germanie, & que ces ossemens en étoient les débris : d’autres enfin ont imaginé que ces os étoient les restes des animaux