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qu’à présent auprès de la personne du roi dans le conseil, & dans les parlemens.

Pairie mâle, est celle qui ne peut être possédée que par des mâles, à la différence de la pairie femelle, qui est érigée en faveur de quelque femme ou fille, ou qui est créée avec faculté de pouvoir être possédée par les femelles au défaut des mâles.

Pair femelle. Anciennement les femelles étoient exclues des fiefs par les mâles, mais elles y succédoient à leur défaut, ou lorsqu’elles étoient rappellées à la succession par leurs pere & mere ; elles succédoient même ainsi aux plus grands fiefs, & en exerçoient toutes les fonctions.

En effet, dans une charte de l’an 1199, qui est au trésor des chartes, donnée par Alienor reine d’Angleterre, pour la confirmation des immunités de l’abbaye de Xaintes, cette princesse prend aussi la qualité de duchesse de Normandie & d’Aquitaine, & de comtesse d’Anjou.

Blanche, comtesse de Troyes, prenoit aussi la qualité de comtesse palatine.

Mahault ou Mathilde, comtesse d’Artois, nouvellement créée pair de France, signa en cette qualité l’ordonnance du 3 Octobre 1303 ; elle assista en personne au parlement en 1314, & y eut séance & voix délibérative comme les autres pairs de France, dans le procès criminel fait à Robert, comte de Flandres ; elle fit aussi en 1316, les fonctions de pair au sacre de Philippe le Long, où elle soutint avec les autres pairs la couronne du roi son gendre.

Une autre comtesse d’Artois fit fonction de pair en 1364, au sacre de Charles V.

Jeanne, fille de Raimond comte de Toulouse, prêta le serment, & fit la foi & hommage au roi de cette pairie.

Jeanne, fille de Baudouin, fit le serment de fidélité pour la pairie de Flandres ; Marguerite sa sœur en hérita, & assista, comme pair, au célebre jugement des pairs de France donné pour le comte de Clermont en Beauvoisis.

Au parlement tenu le 9 Décembre 1378, pour le duc de Bretagne, la duchesse d’Orléans s’excusa par lettres, de ce qu’elle ne s’y trouvoit pas. Traité de la pairie, pag. 131.

Mais depuis long-tems les pairs femelles n’ont plus entrée au parlement. On a distingué avec raison la possession d’une pairie, d’avec l’exercice de fonctions de pairs : une femme peut posséder une pairie, mais elle ne peut exercer l’office de pair, qui est un office civil, dont la principale fonction consiste en l’administration de la justice.

Ainsi mademoiselle de Montpensier, Anne-Marie-Louise, duchesse de Montpensier, comtesse d’Eu, &c. prenoit le titre de premier pair de France, mais elle ne siégeoit point au parlement. Voyez le Gendre, des mœurs des François ; lettres historiques sur le parlement.

En Angleterre il y a des pairies femelles, mais les femmes qui les possedent n’ont pas non plus entrée au parlement. Voyez le traité de la pairie d’Angleterre, pag. 343.

Premier pair de France. Avant que les princes du sang eussent été déclarés pairs nés, c’étoit le premier pair ecclésiastique qui se disoit premier pair de France. On voit qu’en 1360, l’archevêque de Reims se qualifiant premier pair de France, présenta requête au parlement de Paris ; le duc de Bourgogne se qualifioit doyen des pairs de France au mois d’Octobre 1380, il eut en cette qualité la préséance au sacre de Charles VI. sur son frere aîné duc d’Anjou. On conserve au trésor des chartes un hommage par lui fait au roi le 23 Mai 1404, où il est dit qu’il a fait foi & hommage lige de la pairie & doyenné des pairs de France, à cause dudit duché. Il prit la même qualité

de doyen des pairs dans un autre hommage de 1419. Chassanée, en son ouvrage intitulé, catalogus glorioe mundi, lui donne le titre de primus par regni Franciæ ; & en effet, dans des lettres de Louis XI. du 14 Octobre 1468, il est dit que le duché de Bourgogne est la premiere pairie, & qu’au moyen d’icelle, le duc de Bourgogne est le premier pair & doyen des pairs ; dans d’autres du même jour, il est dit que, comme premier pair & doyen des pairs de France, il a une chancellerie dans son duché, & un scel authentique en sa chancellerie pour ses contrats, & le roi veut que ce scel emporte garnison de mairs ; mais depuis par une déclaration donnée à Blois par Henri III. au mois de Décembre 1576, registrée le 8 Janvier 1577, il a été réglé que les princes précédéront tous les pairs, soit que ces princes ne soient pas pairs, soit que leurs pairies soient postérieures à celles des autres pairs ; au moyen de quoi le premier prince du sang, autre que ceux de la famille royale, a présentement seul droit de se qualifier premier pair de France : une princesse du sang peut prendre cette qualité, lorsqu’elle a le premier rang entre les princes. C’est ainsi que mademoiselle de Montpensier se qualifioit premier pair de France. Cependant l’archevêque de Reims, qui est le premier pair ecclésiastique, se qualifie encore premier duc & pair de France. Anselme, tom. II. p. l. & 47.

Doyen des pairs. C’étoit autrefois le duc de Bourgogne qui étoit le doyen des pairs. Il joignoit cette qualité de doyen avec celle de premier pair, parce que son duché étoit le plus ancien, ayant été institué dès le tems de Charles le Chauve, au festin qui suivit le sacre de Charles VI. encore mineur. Le duc de Bourgogne, doyen des pairs, se mit de fait & de force en possession de la premiere place au-dessous du roi, avant le duc d’Anjou son frere aîné, qui étoit régent du royaume. Hist. de la pairie par Boulainv. tome I. pag. 103.

Hommage. Les pairs faisoient autrefois deux hommages au roi, un pour le fief auquel étoit attaché la pairie, à cause du royaume, l’autre pour la pairie, & qui avoit rapport à la royauté. Il y a de ces anciens hommages à la chambre des comptes ; mais depuis long-tems le fief & la pairie sont unis, & les pairs ne font plus qu’un seul hommage pour l’un & l’autre. Boulainv. Les rois & autres princes étrangers ne sont pas dispensés de l’hommage pour les pairies qu’ils possedent en France.

Jean Sans-Terre, roi d’Angleterre & duc de Normandie & de Guienne, & à cause de ces deux duchés pair de France, refusant de prêter la foi & hommage à Philippe Auguste, & étant accusé d’avoir fait perdre la vie à Artus, comte de Bretagne son neveu, ayant été ajourné plusieurs fois, sans qu’il eût aucunement comparu, fut en 1202 condamné à mort par jugement des pairs de France, qui déclarent la Guyenne & la Normandie confisquées sur lui.

Le duché de Guyenne étant retourné depuis au pouvoir du roi d’Angleterre, celui-ci en fit hommage lige & serment de fidélité au roi saint Louis en 1259. Edouard fit pareillement hommage en 1286 pour ce duché, lequel fut confisqué sur lui en 1282. Edouard étant rentré dans ce duché en 1303, fut poursuivi pour la foi & hommage ; on lui donna pour cet effet un sauf-conduit en 1319. Il fit la foi à Amiens la même année, & le 30 Mars 1331 il reconnut que la foi & hommage qu’il devoit à cause de son duché-pairie de Guyenne, étoit un hommage lige ; enfin la Guyenne ayant encore été confisquée en 1378, & donnée à Louis de France, dauphin de Viennois, il en fit hommage au roi le dernier Février 1401.

On voit dans la chronique de Flandre, la forme de