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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/868

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grand raisin double, & la couronne double, dont les trois derniers sont appellés doubles, à cause de leur épaisseur : ajoutez à ceux-là, le pantalon ou papier aux armes d’Hollande, & le grand cornet, ainsi appellé à cause de sa marque.

Les grandes sortes sont, le grand jésus, petit & grande fleur de lis, le chapelet, le colombier, le grand aigle, le dauphin, le soleil & l’étoile, ainsi nommés à cause des marques qui y sont empreintes ; ils sont propres à imprimer des estampes & des thèses, même à faire des livres de marchands & à dessiner ; le grand monde est le plus large de tous.

Outre ces papiers que l’on appelle les trois sortes, & qui servent tous à l’écriture ou à l’impression, il s’en fabrique encore d’autres de toutes couleurs, soit collés, soit sans colle, pour envelopper différentes marchandises, & pour d’autres usages.

Indépendamment de la consommation du royaume, il s’en fait aussi des envois considérables dans les pays étrangers, comme dans le Nord, au Levant, & même dans les Indes orientales ; mais cette consommation dans l’étranger est prodigieusement diminuée depuis le commencement de ce siecle ; car on comptoit autrefois cinquante-cinq moulins à papier, travaillans dans la seule province d’Angoumois, & aujourd’hui l’on n’en compte pas trente ; on doit dire la même chose des moulins à papier des autres provinces.

Les réglemens de M. Colbert sur cette fabrique, quoique fort sages en général, auroient aujourd’hui besoin de plusieurs corrections ; mais il faudroit porter principalement ses vûes à l’accroissement des papeteries dans le royaume. Celle de Montargis qui s’étoit élevée il y a trente ans, mériteroit d’être soutenue ; il en faudroit établir de nouvelles dans le Lyonnois, & autres provinces voisines. (D. J.)

Papier d’asbeste, (Arts.) ce papier fait d’asbeste, autrement dit de lin incombustible, lapis asbestos, peut supporter le feu sans être endommagé. Le docteur Brukmann, professeur à Brunswick, a imprimé une histoire naturelle de l’asbestos dont on tire ce papier ; & ce qu’il y a de plus remarquable, il a fait tirer quatre exemplaires de son livre sur ce papier, ils sont dans la bibliothéque de Wolfembutel. Voyez Bibl. Germ. t. XIV. p. 190.

La maniere de fabriquer ce papier extraordinaire, est décrite par M. Loyd, d’après ses épreuves. Il broya une certaine quantité d’asbestos dans un mortier de pierre, jusqu’à ce qu’elle fût réduite en une substance cotonneuse ; ensuite il le passa dans un tamis fin, & par ce moyen le purgea le mieux qu’il put de ses parties terrestres ; car la terre & les pierrettes qu’il n’auroit pas pû enlever auparavant, étant réduites en poudre, passerent à-travers le tamis, & il ne resta que le lin ou coton ; ensuite il porta sa matiere dans un moulin à papier, & la mettant dans l’eau dans un vase assez grand précisément pour faire une feuille avec une certaine quantité ; il la remua suffisamment, & ordonna à l’ouvrier de l’employer à part avec la méthode ordinaire dont on use pour la fabrique du papier à écrire ; il lui recommanda seulement de la remuer toujours avant que de la mettre dans le moule ; parce qu’il considéra que la substance en étant beaucoup plus pesante que celle dont on se sert pour le papier ordinaire ; elle se précipiteroit au fond, si on ne la remuoit pas immédiatement avant de la mettre dans le moule. Enfin, on en fit du papier sur lequel on écrivoit comme sur le papier de chiffons, & l’écriture s’en effaçoit en le jettant dans le feu, d’où on le retiroit sans être plus endommagé que la toile d’asbeste ; mais ce papier étoit grossier & se cassoit fort aisément ; cependant si la chose en valoit la peine, il ne seroit pas impossible en triturant fort long-tems la matiere dans les mor-

tiers, d’en former une pâte aussi fine que celle du

papier de linge ; mais comme ce seroit une chose couteuse, on ne doit la regarder que sur le pié d’une invention de pure curiosité. Philos. Trans. n°. 166.

Papier, (Ecriture.) Le papier à écrire pour être bon doit avoir les qualités suivantes : la premiere & la principale, c’est d’être bien collé, ferme & pesant ; celui qui ne sonne pas clair, qui est mou, foible & lâche au maniement n’est pas bien collé, est conséquemment d’un mauvais usage ; il faut qu’il ait le grain délié, qu’il soit net, uni, sans taches ni rides, afin que la plume coule dessus facilement ; il faut regarder aussi à ce qu’il n’y ait ni filets, ni poils ; ces poils entrant dans la fente du bec de la plume, rendent l’écriture boueuse. Il faudroit encore qu’il fût blanc ; mais le papier le plus blanc n’est pas ordinairement le mieux collé. Tout étant égal d’ailleurs, le plus anciennement fabriqué sera préférable.

Maniere de laver & de vernir le papier pour écrire : il faut avoir du papier de la qualité qu’on vient de prescrire ; on l’étend tout ouvert sur un ais bien net, & après avoir mis du vernis battu, autrement dit, sandarac, dans une écuelle ou terrine, en en frottera légerement toutes les feuilles avec une patte de lievre ; puis ayant mis dans un chaudron bien net six pintes d’eau, mesure de Paris, qui suffiront pour laver une rame ; on fera fondre sur le feu huit onces d’alun de roche, & une once de sucre candi blanc ; & après avoir fait bouillir le tout un bouillon, on le retire de dessus le feu ; & lorsque l’eau est tiede, on en lave le papier feuille à feuille avec une éponge fine, du côté qu’il a été vernis ; on pose ces feuilles les unes sur les autres ; & quand toute la rame est lavée, on la met en presse l’espace d’un demi jour, ou du soir au lendemain ; après quoi, on l’étend sur des cordes feuille à feuille pour qu’il seche ; lorsqu’il est à demi-sec, on le remet une seconde fois en presse pendant quelques jours, afin de le bien étendre ; de-la il passe chez le relieur pour être battu, il ne faut se servir de ce papier que trois ou quatre mois après qu’il a été ainsi préparé. Plus il est gardé, meilleur il est ; le papier battu pour écrire des lettres doit être frotté avec le sandarac, si l’on ne veut pas que l’encre s’épatte.

Papier blanc, terme d’Imprimeur ; c’est le premier côté de la feuille qu’on couche sur la forme pour l’impression.

Papier bleu, (Papeterie.) papier qui sert aux Marchands à envelopper différentes marchandises ; le gros papier bleu est employé aux pains de sucre, le fin aux pieces de toile, à couvrir les brochures ou livres en feuilles, &c. il y en a encore de plus fin qui sert à d’autres usages. (D. J.)

Papier brillant, ou à fleurs & figures brillantes ; c’étoit une sorte de papier que le sieur Papillon avoit trouvé le secret de rendre très-agréable, soit qu’il l’eût inventé ou qu’il ne l’eût que perfectionné ; voici d’abord ce qu’il faisoit. A deux onces de colle de poisson qu’il mettoit tiédir & fondre, il ajoutoit le double d’amidon qu’il délayoit bien, en tournant jusqu’à ce qu’il n’y eût point de grumeaux & que tout fût bien mêlé ; il laissoit reposer jusqu’au lendemain, que voulant s’en servir, il faisoit de rechef tiédir ; puis ayant poncé légerement avec du charbon presque impalpable le dessein piqué qu’il vouloit faire avec un pinçeau, & de cette colle ci-dessus & tiéde, il dessinoit toutes les fleurs du dessein piqué : ensuite il semoit dessus du brillant d’une seule couleur qui ne s’attachoit qu’aux endroits où avoit passé le pinceau, & ayant laissé sécher, en époustant la feuille le brillant ne restoit qu’au dessein ; mais pour mettre sur une feuille plusieurs brillans de couleurs différentes, il se servoit de patrons découpés par parties séparées, couchant à-travers sa colle avec