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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/921

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est paralysée, par son insensibilité & son inaptitude au mouvement ; on en est plus assuré dans les parties internes par le dérangement total des fonctions auquel le mouvement & le sentiment sont nécessaires. Lorsque la paralysie est universelle, lorsqu’elle mérite les noms de paraplegie & d’hémiplegie ; lorsqu’elle attaque les organes extérieurs des mouvemens musculaires, elle s’annonce clairement au premier coup d’œil par l’impossibilité où est le malade d’exécuter aucun mouvement, par la flaccidité des parties paralysées, par la convulsion des muscles antagonistes, &c. Dans l’hémiplégie qui s’étend sur le visage, la paupiere du côté affecté est abaissée, les levres sont tiraillées par les muscles de l’autre côté, elles obéissent à leur effort qui n’est point contre-balancé par celui des antagonistes, privés de leur action, la bouche est tournée, en se portant davantage du côté sain, elle défigure le visage & fait un petit gonflement de ce côté ; il y a beaucoup de paralysies qui n’ont d’autre symptome que cette distorsion de la bouche, & qui n’en sont pas moins bien caractérisées ; j’ai vû cependant un médecin qui jouit de quelque réputation, un de ceux qui trouvent le scorbut partout, prendre cette distorsion pour une fluxion scorbutique, quoiqu’à ce signe se joignît encore l’abaissement involontaire de la paupiere du côté opposé qui décidoit bien la maladie, & donner en conséquence pendant très-long-tems, fort inutilement, comme on croira sans peine, du petit-lait avec du syrop anti-scorbutique ; tant le préjugé peut aveugler les hommes & leur faire prendre le change. La paralysie des nerfs optiques se connoît par la cécité ; des nerfs acoustiques, par la surdité : des nerfs olfactifs & gustatifs, par la perte de l’odorat & du goût ; des nerfs qui servent au tact, par la privation de ce sens. La paralysie des muscles de la langue produit l’aphonie ; celle des muscles du col, sa flaccidité & son abaissement continuel, de côté ou d’autre, ou sa rétraction d’un côté si la paralysie n’occupe que les muscles de l’autre côté ; le sphincter de l’anus & de la vessie paralisés laissent échapper continuellement les excrémens & l’urine, & le défaut d’érection annonce la paralysie de la verge, &c.

La paralysie ne se décide pas pour l’ordinaire tout de suite dans une personne qui se porte bien, les attaques de paralysie primaires ou protopathiques sont très-rares, plus souvent elles sont une suite de l’apopléxie incomplettement guérie, lorsqu’elles n’en ont point été précédées & qu’elles dépendent d’une autre cause ; elles s’annoncent lentement par des engourdissemens, des stupeurs, des tremblemens dans les parties qui doivent être le siége de la paralysie, par des convulsions plus ou moins générales, par des vertiges, des maux de tête opiniâtres, &c. on voit quelquefois des personnes se coucher en bonne santé, & se réveiller paralytiques ; il est alors très probable qu’il y a eu une espece d’apopléxie pendant le sommeil, dont la paralysie a été la suite, l’effet, le dépôt, & peut-être la crise.

La paralysie succédant fréquemment à l’apopléxie, il s’ensuit qu’elle reconnoît pour causes toutes celles qui concourent à la production de cette maladie, dont la classe est extrèmement vaste ; voyez Apopléxie. Outre ces causes, celles qui l’excitent immédiatement sont très-multipliées ; il n’y a peut-être point d’erreur dans l’usage des six choses non naturelles, point de causes ordinaires de maladie, qui dans des sujets disposés ou dans certaines circonstances n’ayent déterminé la paralysie. Les passions d’ame, sur-tout les chagrins vifs & durables, y disposent très-souvent, comme je l’ai observé ; les chûtes sur la tête & le dos, les luxations ou fractures de l’épine en sont des causes très-ordinaires, & dans ce cas la paralysie a son siége principal dans les extrémités sur-

tout inférieures, dans les intestins & la vessie ; on

trouve plusieurs exemples de ces paralysies dans les mémoires des curieux de la nature rapportés par Schubartus, Helwigius, &c. Forestus fait mention d’une paralysie, causée par un coup de pierre sur le cou, lib. X. observ. 95. Wolfangus, Wedelius, dit avoir vû survenir une paralysie des jambes à une bosse ou dislocation lente des vertebres du dos, occasionnée par une chûte, ce qui est extrèmement rare. Le froid violent & continuel, sur-tout joint à l’humidité, produit fréquemment le même effet, telle fut la cause de la paralysie des parties inférieures, observée par Hermann Lummius, dans deux ouvriers qui avoient resté long-tems au fond d’un puits, occupés à le nettoyer ; de celle qui survint au gosier d’un apothicaire, pour avoir bû de la biere trop fraîche ; de celle qu’éprouva un jeune homme qui eut l’imprudence de coucher pendant une nuit d’hiver la fenêtre de sa chambre ouverte ; de celle enfin qu’eut aux parties inférieures & au bas-ventre un capucin, qui après s’être purgé se promena les piés nuds dans un jardin humide, & pendant un tems froid & nébuleux, suivant les observations d’Helwigius ; l’impression subite d’un air trop froid occasionne les mêmes accidens, lorsqu’on s’y expose après s’être échauffé par des débauches, par des excès de liqueurs fermentées, &c. L’hiver est le tems le plus favorable aux paralysies, & les vieillards y sont les plus sujets. L’usage immodéré des liqueurs vineuses, ardentes, spiritueuses, fait aussi un grand nombre de vieillards paralytiques.

La suppression des évacuations sanguines ou séreuses, naturelles, ou excitées par l’art, continuelles ou périodiques ou même fortuites, a produit beaucoup de paralysies ; de ce nombre sont les paralysies qui ont succédé à des regles, des hémorrhoïdes, des vuidanges, des dyssenteries, diarrhées, salivation, sueurs, &c. arrêtées subitement par le froid, la crainte, la frayeur, l’usage déplacé des narcotiques, des astringens, des repercussifs, & à des vieux ulcères, à des fistules qu’on a imprudemment fait cicatriser, à des teignes, des croutes laiteuses, des gales, des dartres, des bouffissures répercutibles ; des maladies locales, même sans évacuation, peut-être aussi sans matiere, ont dégénéré en paralysie, lorsqu’on les a combattues par des topiques répercussifs, ou par d’autres remedes donnés mal-à-propos ou trop précipitamment ; telles sont toutes les maladies arthritiques, rhumatiques, qu’on a vû si souvent donner naissance aux accidens les plus graves entre les mains des charlatans effrontés qui vouloient les guérir. Les évacuations trop abondantes ont quelquefois aussi produit la paralysie : Helwigius raconte, qu’un moine Franciscain fut atteint d’une paralysie universelle à la suite d’une superpurgation qui dura deux jours. On en a vû survenir à différentes maladies, soit par l’effet même de la maladie, soit causée par un traitement peu convenable.

Ragger dit avoir observé une paralysie universelle à la suite de la petite-vérole ; le même auteur rapporte l’exemple d’une hémiplégie qu’avoit excité une ischurie. Schultzius fait mention d’une paralysie semblable produite par une hydropisie ; Resinus Hémilius a observé une paralysie universelle succéder aux fievres intermittentes ; de toutes les maladies non soporeuses, celle qui se termine le plus souvent par la paralysie, c’est la colique, & sur-tout la colique minérale qu’on appelle aussi colique des Peintres ou du Poitou, & plus proprement rachialgie, & qui est principalement produite par l’usage intérieur des préparations du plomb. Voyez Colique. La paralysie dans ce cas affecte les extrémités, & plus ordinairement les extrémités supérieures. Les observations de ces sortes de paralysies sont très-nombreuses ; quelques