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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/170

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Et le second, dans la v. scene du IV. acte.

Je ne t’ai point aimé, cruel, qu’ai-je donc fait ? &c.

Rien encore ne fait mieux voir combien le pathétique acquiert de sublime, que ce que Phedre dit, act. IV. scene vj. après qu’instruite par Thésée qu’Hippolyte aime Aricie, elle est en proie à la jalousie la plus violente.

              Ah douleur non encore éprouvée !
À quel nouveau tourment je me suis réservée, &c.

Enfin, la scene entiere ; car il n’y a rien à en retrancher ; aussi est-ce, à mon avis, le morceau de passion le plus parfait qu’il y ait dans tout Racine.

Mais c’est surtout le choix & l’entassement des circonstances d’un grand objet qui forme le plus beau pathétique ; & je ne doute pas que ce qui se trouve dans l’oraison funebre du grand Condé, par M. Bossuet, au sujet de la campagne de Fribourg, ne soit, par la maniere dont les circonstances y sont choisies & pressées, un exemple de la sublime éloquence. Je suis fâché que la longueur du morceau m’empêche de le rapporter ; & je me contenterai de mettre ici cette peinture si vive & si pathétique de l’effet de la mort de M. de Turenne. C’est M. Fléchier qui parle dans l’oraison funebre de ce grand homme. « Je me trouble, messieurs, Turenne meurt : tout se confond ; la fortune chancelle ; la victoire se lasse ; la paix s’éloigne ; les bonnes intentions des alliés se rallentissent ; le courage des troupes est abattu par la douleur, & ranimé par la vengeance ; tout le camp demeure immobile ; les blessés pensent à la perte qu’ils ont faite, & non pas aux blessures qu’ils ont reçues ; les peres mourans envoient leurs fils pleurer sur leur général mort. L’armée en deuil est occupée à lui rendre les devoirs funebres ; & la renommée qui se plaît à répandre dans l’univers les accidens extraordinaires, va remplir toute l’Europe du récit glorieux de la vie de ce prince, & du triste regret de sa mort ». (D. J.)

Pathétique, adj. en Musique, est une maniere expressive & passionnée, capable d’exciter la pitié, la compassion, la douleur & les autres passions qui resserrent le cœur ; dans ce sens nous disons le style pathétique, un sujet pathétique, un chant pathétique.

Le genre chromatique est très-propre pour le pathétique, il en est de même des dissonnances ménagées avec art, & des mouvemens lents & variés. (S)

Pathétiques ou Trochleateurs, en Anatomie ; c’est la quatrieme des dix paires de nerfs qui sortent de la moëlle alongée. Voyez nos Planches anatomiques, & leur explication. Voyez aussi l’article Nerf.

Les pathétiques sont les plus petits nerfs du cerveau ; ils ont leur origine dans la partie inférieure de la moëlle alongée derriere les nates & les testès. Voyez Natès & Testès.

On les appelle pathétiques, parce qu’il servent à exprimer dans les yeux différentes passions ; quelques-uns les nomment aussi amateurs, amatorii, à cause du grand usage que les amans en font, &c. Voyez Œil, &c.

Ils se distribuent au muscle grand oblique de l’œil, qu’on nomme aussi trochleateur. Voyez Oblique.

PATHISUS, (Géog anc.) fleuve de la Dacie, selon Pline, l. IV. ch. xij. c’est le Tibisene de Ptolomée, l. III. ch. vij. & le Parteiscus d’Ammien Marcellin, l. XVII. p. 108. aujourd’hui on le nomme la Teissa & le Tibise.

PATHOGNOMONIQUE, adj. en Médecine ; c’est un signe essentiel & caracteristique, ou un symptome particulier à quelque maladie, & qui en est inseparable, & même qui en est le siege. Voyez Symptome. Mais la vérité est qu’il n’y a rien dans toute la médecine qui réponde à l’idée d’un pathognomonique :

la maladie & les symptomes sont trop compliqués ; nous ne pouvons juger de la premiere par quelque signe particulier, mais seulement par le concours de plusieurs. Voyez Signe & Diagnostique.

PATHOLOGIE, s. f. (Méd. Pathol.) ce mot signifie littéralement discours sur la maladie ; il est dérivé du grec, composé de παθος, maladie, affection, & λογος, discours. On a donné ce nom à cette partie de la medecine théorique, dont l’objet particulier est l’état malade. Dans cet état les pathologistes distinguent trois choses, la maladie proprement dite, la cause, & le symptome ; c’est sur cette distinction que porte la division générale de la pathologie en nosologie, aitiologie & symptomatologie ; l’étymologie de ces mots indique assez leur usage & leur signification. Voyez ces articles.

Si moins attachés aux discussions frivoles des mots, on examine avec plus d’attention les choses, on s’appercevra que la nosologie & la symptomatologie ne doivent pas être distinguées, parce que la maladie la plus simple n’est qu’un symptome, & celle qui est composée n’est qu’un concours de symptomes. Voyez Maladie, Symptome. C’est une absurdité que de prétendre considérer & définir la maladie dépouillée de ses symptomes : cette abstraction métaphysique, absolument déplacée dans les sciences de faits, ne serviroit qu’à obscurcir la connoissance des maladies en éloignant les phénomenes qui les caractérisent, & la rendroit incertaine en la pliant aux loix variables de théorie : donnons un exemple pour rendre plus sensible le ridicule d’une pareille méthode. On propose de définir une pleurésie, & d’en déterminer le caractere ; que mettant à part tous les symptomes, on essaie de donner une définition pathologique, c’est-à-dire, empruntée des causes ; pourra-t-on se conformer ici aux premieres regles de logique qui exigent que la définition tirée des qualités sensibles, connues bien averées, répande de la clarté sur le sujet qu’on définit. La cause de la pleurésie ayant lieu dans l’intérieur de la machine, dérobée aux témoignages des sens, est une matiere de discorde parmi les pathologistes. Ils ne sont pas encore venus à-bout de décider en quoi consistoit le vice qui détermine les symptomes de la pleurésie, s’il affecte les vaisseaux ou le sang ; chacun a là-dessus un sentiment plus ou moins éloigné du vrai, tot capita, tot sensus, ils ne sont pas même d’accord sur le siege de cette maladie : ainsi semblables aux constructeurs de la tour de Babel, qui parloient différentes langues, ces médecins définiront chacun cette maladie suivant l’idée qu’ils se sont faite de la cause & de son siege ; l’un dira la pleurésie est une maladie qui consiste dans l’obstruction des vaisseaux du poumon, produite par un sang tendant à la putréfaction : l’autre, que son caractere doit se tirer de la disproportion qui se trouve entre le diametre de ces vaisseaux & la masse des humeurs ; an troisieme prétendra que la pleurésie n’est que l’augmentation de la fermentation du sang dans les vaisseaux de la plevre ou du poumon ; un quatrieme soutiendra, que le vice caractéristique est l’hérence du sang dans les vaisseaux de la plevre, qui entoure & revêt intérieurement les côtes ; un cinquieme placera cette hérence dans les muscles intercostaux ; un autre dans la membrane externe du poumon, &. ainsi tous donneront leurs idées pour caractere de cette maladie ; après avoir long-tems disputé sans s’entendre pour soutenir leurs sentimens, ils réussiront à détruire les systèmes de leurs adversaires sans venir à-bout d’affermir sur leurs ruines les fondemens de leur doctrine ; tous enfin auront raison, parce que tous auront eu tort. Qu’on juge sur cet exemple que nous pourrions généraliser, quelles lumieres, quelle solidité, quels avantages tireroit la pathologie de ces principes s’ils étoient adoptés ; &