Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nué selon que l’expédition des affaires a paru le demander.

Le nom de chambre des enquêtes vient de ce que anciennement au parlement de Paris, lorsqu’on avoit ordonné la preuve de quelque fait, soit par titres ou par témoins, les pieces qui étoient représentées, & les enquêtes qui avoient été faites sur les lieux par les baillifs & sénéchaux, étoient apportées au parlement, qui les renvoyoit devant des commissaires pour les examiner ; on envoyoit aussi quelquefois sur les lieux des commissaires du parlement pour faire les enquêtes lorsque par quelque raison particuliere elles ne pouvoient être faites par les baillifs & sénéchaux.

Les anciens arrêts du parlement, qui sont dits avoir été rendus ès enquêtes du parlement, étoient ceux qui intervenoient sur les matieres de fait, & qui gissoient en preuve. Les registres olim qui commencent en 1252, contiennent plusieurs de ces arrêts rendus ès enquêtes du parlement : le troisieme de ces registres olim commençant en 1299, & finissant en 1318 est un registre particulier pour les enquêtes faites par les baillifs & sénéchaux, & qui avoient été envoyées au parlement.

Il y a apparence que les baillifs & sénéchaux qui avoient fait ces enquêtes les rapportoient au parlement, ou du moins que les ayant envoyées, elles y étoient rapportées devant des commissaires détaches de la grand’chambre, qui s’assembloient hors de cette chambre pour faire l’examen & le jugé des enquêtes, lequel jugé se rapportoit ensuite à la grand’chambre pour prendre force d’arrêts, être prononcé, scelle couché dans le registre. Ce fut là le commencement de l’institution de la chambre des enquêtes.

Mais peu de temps après, au lieu de faire faire les enquêtes & le rapport par les baillifs des lieux ; on commit des conseillers pour faire les enquêtes & pour en faire le rapport, & d’autres pour les juger. Les commissaires furent donc distingués en deux classes ; les uns furent appellés les jugeurs des enquêtes, ou regardeurs des enquêtes, parce qu’on leur donna le pouvoir de juger les questions de fait ; les autres furent nommés enquêteurs ou rapporteurs d’enquêtes, parce qu’ils faisoient les enquêtes sur les lieux, ou les recevoient & faisoient le rapport des preuves en général, & alors on leur assigna une chambre particuliere pour s’assembler, qu’on appella les enquêtes, c’est-à-dire, la chambre des enquêtes : les procès par écrit étoient tous compris alors sous ce terme d’enquêtes. Les anciens registres du parlement qui contiennent les arrêts rendus sur ces sortes d’affaires, sont intitulés les jugés des enquêtes.

L’ordonnance de Philippe le Bel, datée de trois semaines après la Toussaint de l’année 1291, portoit que pour étendre & juger les enquêtes il y auroit huit personnes du conseil du roi qui ne seroient point baillifs, lesquelles se partageroient chaque semaine ; savoir, quatre le lundi & le mardi, & les quatre autres le mercredi & le jeudi ; que s’il y en avoit quelqu’un qui ne pût venir, il suffiroit qu’ils fussent deux ou trois ; que ceux qui seroient commis pour voir les enquêtes, les liroient exactement chez eux, & qu’ils ne viendroient en la chambre des plaids que quand ils y seroient mandés.

Ceux qui étoient commis pour les enquestes devoient les lire exactement chez eux, & ne venir à la chambre des plaids que quand ils y étoient mandés ; c’étoit la chambre des plaids qui leur envoyoit les enquêtes.

Ces enquêtes devoient, suivant l’ordonnance du 23 Mars 1302, être jugées, au plus tard, dans deux ans.

Pasquier dans ses recherches, liv. II. ch. iij. fait mention d’une ordonnance de 1304 ou 1305, suivant

laquelle il devoit y avoir cinq personnes aux enquêtes, entre lesquels sont nommés deux évêques & un autre ecclésiastique.

Du Tillet rapporte une ordonnance ou état du parlement, fait au mois de Juillet 1316, dans lequel, après la liste de ceux qui devoient composer la grand’chambre, on trouve celle des jugeurs des enquêtes au nombre de huit ; il rapporte aussi une semblable ordonnance ou état du 3 Décembre 1316.

Les affaires se multipliant de jour en jour Philippe V. dit le Long, ordonna, le 3 Décembre 1319, qu’il y auroit aux enquêtes deux chambres, une pour délivrer toutes les enquêtes du tems passé, l’autre pour délivrer celles qui se seroient à l’avenir ; & que dans ces deux chambres il y auroit en tout huit clercs & huit laïcs jugeurs, & vingt-quatre rapporteurs : ce même prince, par une autre ordonnance du mois de Décembre 1302, regla ainsi l’état de cette chambre, savoir, qu’il y auroit 20 clercs & 20 laïcs dont 16 seroient jugeurs, & les autres rapporteurs, que les jugeurs viendroient & demeureroient à la chambre, comme messieurs du parlement, & que depuis Pâques jusqu’à la S. Michel ils entreroient l’après dîner.

Le même prince ordonna, en 1320, à ses gens des comptes & trésorier de Paris de payer tous les mois à ses amés & féaux les gens des enquêtes leurs gages, & de leur donner des manteaux ou robes deux fois l’an ; ces manteaux font voir que les gens des enquêtes étoient réputés commensaux de la maison du roi.

Il paroît que l’on ne montoit point alors des enquêtes à la grand’chambre ; c’est ce qui résulte des provisions de conseillers pour la grand’chambre, ou de conseillers pour les enquêtes, qui sont rapportées dans le premier registre du dépôt ; & dans le troisieme, en 1335, fol. 88, 163, 165, 167, 169, 172 ; quatrieme registre, fol. 82 ; cinquieme registre, fol. 6 ; septieme registre, fol. 1.

Il n’y avoit plus qu’une chambre des enquêtes, suivant l’ordonnance du 11 Mars 1344 ; mais elle étoit composée de 40 personnes, 24 clercs & 16 laïcs : on supprima par la même ordonnance la distinction des jugeurs d’avec les rapporteurs, & on leur donna à tous la faculté de faire l’une & l’autre fonction : ils avoient à leur tête deux présidens tirés de la grand’chambre, & lorsque les arrêts étoient rendus dans la chambre des enquêtes, ils devoient être scellés du sceau d’un des présidens, & ensuite étoient portés aux registres de la cour pour y être prononcés, ce qui est tombé depuis long-tems en désuetude, tout ce qui est resté de l’ancien usage est que comme les juges des enquêtes n’étoient point arrêtés par eux-mêmes, & ne le devenoient que par la prononciation publique qui s’en faisoit à la fin du parlement ; les chambres des enquêtes n’ont encore ni sceau, ni greffe particulier ; leurs arrêts sont portés au greffe de la grand’chambre, pour y être gardés en minutes, expédiés, scellés & délivrés.

Le nombre des gens des enquêtes étoit encore le même en 1359, si ce n’est qu’il fut ordonné qu’il y auroit en outre tant de prélats qu’il plairoit au roi, attendu que ceux-ci n’avoient point de gages : il y avoit deux huissiers pour la chambre des enquêtes.

Une ordonnance du 17 Avril 1364 fut lue dans les chambres du parlement, des enquêtes & des requêtes.

Quoique les gens des enquêtes fussent devenus jugeurs, on ne laissoit pas de les envoyer en commission pour faire des enquêtes comme autrefois, lorsqu’il y avoit lieu ; mais ce n’étoit qu’à la fin du parlement, & il falloit qu’ils fussent de retour au commencement du parlement suivant.

En 1446, Charles VII. divisa la chambre des enquêtes en deux ; la premiere de ces deux chambres