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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/547

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à faire quelques remedes ; on promet une prompte guérison, le retour de la santé, de la beauté & de l’embonpoint ; on peut aussi en s’insinuant adroitement dans l’esprit de ces jeunes & timides malades, en flattant ainsi leurs desirs, s’instruire de la cause qui a déterminé la maladie & des corps qui en sont l’objet ; choses qu’elles s’obstinent d’autant plus à cacher qu’elles sont plus ridicules & qu’il est cependant très-important que le médecin sache. N’est-il pas bien naturel qu’elles refusent d’avouer que leur appétit les porte violemment à manger du cuir pourri, par exemple, des matieres fécales ? & quand la cause de cette maladie se trouve être une envie de se marier, qu’il leur est défendu de faire paroître & encore plus de satisfaire ; quelle peine ne doit-il pas leur en couter pour rompre le silence ? Cependant de quelle utilité ces sortes d’aveux ne sont-ils pas pour le médecin ? Utilité au reste qui reflue sur la malade. Lorsqu’on est instruit de la cause du mal, on y apporte le remede convenable : dans l’exemple proposé, on n’a point de secours plus approprié que le mariage, il remplit, en guérissant, ces trois grandes conditions si difficiles a réunir, citò tutô & jucunde. Voyez Mariage. Lorsque la maladie est l’effet d’une suppression ou d’un dérangement dans l’excretion menstruelle, il faut avoir recours aux emmenagogues variés suivant les cas. Voyez Regles, Suppression, (maladie de la). Cependant on doit engager la malade à user des mets succulents & de facile digestion, l’estomac affoibli se fortifie par les stomachiques amers, aloétiques ; on distrait & on récrée l’esprit triste & rêveur par les promenades, les parties de plaisir, les compagnies agréables, les spectacles, la musique, les concerts, &c. parmi les remedes intérieurs, il faut choisir ceux qui sont les plus appropries à l’espece de dérangement d’estomac qu’a occasionné l’abus des alimens ou des corps qui étoient l’objet des délires mélancoliques ; il faut opposer aux spiritueux aromatiques, à l’alkali caustique, les legers apéritifs délayans, &c. aux terreux, invisquans, les toniques, les martiaux, les forts apéritifs ; & si quelque maladie comme les obstructions de visceres, les pâles-couleurs y sont survenues, alors il faut diriger & varier le traitement en conséquence. Voyez Obstruction, Pales-Couleurs, &c. (b)

PICARA, (Géog. mod.) province de l’Amérique méridionale, au nouveau royaume de Grenade. Elle est bornée par les grandes montagnes des Audets, du côte de l’orient. (D. J.)

PICARDIE, la, (Géog. mod.) province de France, bornée au nord par le Hainault, l’Artois & la mer ; au midi par l’ile de France ; au levant par la Champagne, & au couchant par la Manche & la Normandie. Elle a 48 lieues du levant au couchant, & 38 du midi au nord. Ses principales rivieres sont la Somme, l’Oyse, la Cauche, la Scarpe, la Lys, & l’Aa. Cette province est abondante en blé & autres grains.

On divise la Picardie en haute, moyenne & basse. La haute comprend le Vermandois & la Tiérache ; la moyenne, l’Amiénois & le Santerre ; la basse comprend le pays reconquis, le Boulenois, le Ponthieu & le Vimeu. Les fabriques & les manufactures y occupent beaucoup de monde, on y fait quantité de serges, de camelots, d’étamines, de pannes & de draps ; il y a plusieurs verreries. On voit dans la forêt de la Fere, au château de saint Gobin, la manufacture des glaces, d’où on les transporte à Paris pour être polies.

Outre le gouvernement militaire de Picardie, qui comprend trois lieutenances générales, il y a des gouverneurs particuliers de villes & citadelles. Amiens est la capitale de la province.

On compte quatre évêchés dans le gouvernement de Picardie, tel qu’il est aujourd’hui : Amiens & Boulogne sont suffragans de l’archevêché de Rheims : Arras & saint Omer en Artois, sont sous la métropole de Cambrai.

Le nom de Picardie n’est pas ancien, & ne se trouve en aucun monument avant la fin du XIIIe siecle, où Guillaume de Nangis a appellé ce pays Picardie. Matthieu Paris parlant de la sédition arrivée l’an 1229 à Paris, entre les bourgeois & les clercs ou écoliers de l’université, dit que les auteurs de ce trouble, furent ceux qui étoient voisins de la Flandre & qu’on nommoit communément Picards.

La Picardie ayant été conquise par Clodion, tomba sous la domination des rois Francs ; ce prince établit à Amiens son siege royal. Méroué lui succéda, ainsi que Childeric son fils. Ensuite la Picardie échut en partage à Clotaire fils de Clovis, & resta sous la domination des rois de France, jusqu’à Louis le débonnaire, qui y établit en 823 des comtes qui devinrent presque souverains.

Philippe Auguste s’arrangea de cette province avec Philippe d’Alsace, comte de Flandres. En 1435 Charles VII. engagea toutes les villes situées sur la Somme au duc de Bourgogne, pour quatre cent mille écus. Louis XI les retira en 1463, & depuis ce tems-là, la Picardie n’a plus été aliénée. (D. J.)

PICARDS, (Hist. ecclés.) nom d’une secte qui s’établit en Boheme au commencement du xve siecle, & qui y fut cruellement persécutée. Elle eut pour chef un prêtre qui s’appelloit Jean, & qu’on nomma Picard, parce qu’il étoit de Picardie ; d’autres l’ont nomme Martin, & d’autres Loquis.

L’article que Bayle a donné de la secte des Picards ne lui fait pas honneur, & on ne peut assez s’étonner que ce génie si fin dans la critique des historiens de la Grece & de Rome, se soit plu à adopter les contes ridicules qu’il avoit lûs sur les malheureux Picards. Ajoutez que son article est sec & entierement tiré de Varillas, hardi conteur de fables, qui a ici copié celles d’Enée Sylvius, lequel déclare avoir rapporté ce que d’autres ont dit, & avoir écrit bien des choses qu’on ne croyoit point ; c’est son propre aveu ; aliorum, dit-il, dicta recenseo, & plura seribo quàm credo.

Lasitius rapporte que le prétendu Picard arriva en Bohème en 1418, du tems de Wenceslas, surnommé le fainiant & l’ivrogne ; qu’il y vint accompagné d’environ quarante autres, sans compter les femmes & les enfans ; que ces gens-là disoient qu’on les avoient chassés de leur pays à cause de l’évangile. Le jésuite Balbinus dans son epitome rerum Bohemicarum, liv. II. dit la même chose, & n’impute aux Picards aucuns des crimes, ni aucune des extravagances qu’Enée Sylvius leur attribue.

Jean Schlecta, secrétaire de Ladislas roi de Bohème, rendant compte à Erasme des diverses sectes qui partageoient la patrie, entre dans de plus grands détails sur celle des Picards. Ces gens-là, dit-il, ne parlent du pape, des cardinaux & des évêques, que comme de vrais antechrists, ils ne croyent rien ou fort peu des sacremens de l’Eglise. Ils prétendent qu’il n’y a rien de divin dans le sacrement de l’Eucharistie, affirmant qu’ils n’y trouvent que le pain & le vin consacré, qui représentent la mort de Jésus-Christ, & ils soutiennent que ceux qui adorent le Sacrement sont des idolâtres, ce Sacrement n’ayant été institué que pour faire la commémoration de la mort du Sauveur, & non pour être porté de côté & d’autre, parce que Jésus-Christ qui est celui qu’il faut honorer du culte de latrie, est assis à la droite de Dieu le pere. Ils traitent d’ineptie les suffrages des Saints, & les prieres pour les morts, aussi-bien que la confession auriculaire, & la pénitence im-