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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/712

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rale, & entr’autres par celui de l’amour du genre humain.

Ce n’est pas tout ; je soutiens qu’on est inexcusable de manquer à un devoir de la nature de celui-ci, & dont il est si facile de s’acquitter. Lorsqu’un homme pense que le soin de mettre chaque année, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, quelques rejettons en terre, peut servir à l’avantage d’un autre qui ne viendra dans le monde qu’au bout de cinquante ans ; lorsqu’il songe qu’il travaille peut-être au soutien ou à l’aisance d’un de ses arriere-neveux ; s’il trouve alors quelque répugnance à se donner cette peine, il doit en conclure qu’il n’a nuls principes, nul sentiment de générosité.

Quelqu’un a dit d’un citoyen industrieux & bienfaisant, qu’on peut le suivre à la trace. Ces deux mots peignent à merveille les soins d’un honnête homme, qui en cultivant des terres, y a laissé des marques de son industrie & de son amour pour ceux qui lui succéderont.

Ces réflexions ne viennent que trop à-propos dans un siecle où les arts les plus utiles à la conservation de la société sont entierement négligés, & les soins de la postérité pleinement abandonnés, si même ils ne sont pas tournés en ridicule. Nos forêts ne nous fourniroient plus de bois pour bâtir, si nos ancêtres avoient pensé d’une façon si basse & si méprisable.

Les Tartares du Daghestan, tout barbares qu’ils sont, habitans d’un pays stérile, ont une coutume excellente qu’ils observent soigneusement, & qui leur tient lieu de loi. Personne chez eux ne se peut marier, avant que d’avoir planté, en un certain endroit marqué, cent arbres fruitiers ; ensorte qu’on trouve actuellement partout dans les montagnes de cette contrée d’Asie, de grandes forêts d’arbres fruitiers de toute espece. On ne trouve au contraire dans ce royaume que des pays dénués de bois dont ils étoient autrefois couverts. Le dégât & la consommation en augmentent tellement, que si l’on n’y remedie par quelque loi semblable à celle de l’ancienne patrie des Thalestris, nous manquerons bien-tôt de bois de charpente pour nos usages domestiques. On ne voit que des jeunes héritiers prodigues, abattre les plus glorieux monumens des travaux de leurs peres, & ruiner dans un jour la production de plusieurs siecles.

En un mot, nous ne travaillons que pour nous & nos plaisirs, sans être aucunement touchés de l’intérêt de la postérité. Ce n’est pas cette façon de penser que la Fontaine prête à son octogénaire qui plantoit. On sait avec quelle sagesse il parle aux trois jouvenceaux surpris de ce qu’il se charge du soin d’un avenir qui n’étoit pas fait pour lui. Le vieillard, après les avoir bien écoutés, leur répond

Mes arrieres-neveux me devront cet ombrage.
He bien défendez-vous au sage
De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
Cela-même est un fruit que je goûte aujourd’hui,
J’en puis jouir demain, & quelques jours encore.


Le Chevalier de Jaucourt.

Plantation, (Jardinage.) se dit d’un jardin entier à planter : j’ai une grande plantation à faire.

PLANTE, s. f. corps organisé, composé essentiellement d’une racine, & vraissemblablement d’une graine, & qui produit ordinairement des feuilles, un tronc ou une tige, des branches, & des fleurs destinées par la nature à quelque usage.

On peut définir une plante d’après Boerhaave, un corps organisé, composé de vaisseaux & de liqueurs ; qui a une racine, ou une partie par laquelle il s’attache à un autre corps ; & particulierement à la terre,

d’où il tire pour l’ordinaire sa subsistance & son accroissement. Voyez Végétal.

Les plantes sont distinguées des fossiles, en ce qu’elles sont des corps organisés, composés de vaisseaux & de liqueurs (voyez Fossile) ; & des animaux, en ce qu’elles sont toujours attachées à quelque corps d’où elles tirent leur nourriture. Voyez Animal.

Plante est un nom général sous lequel sont compris tous les végétaux, comme les arbres, les arbrisseaux & les herbes. Voyez Arbre, Arbrisseau, Herbe.

Par les observations de Malpighi, du docteur Grew, de MM. Reneaume, Bradley, & d’autres auteurs, il paroît que le méchanisme des plantes est fort semblable à celui des animaux : les parties des plantes semblent avoir une analogie constante avec les parties des corps animés ; & l’économie végétale paroît formée sur le modele de l’économie animale. Pour donner une idée de cette ressemblance, il est nécessaire d’expliquer & de décrire les parties dont une plante est composée.

Les parties des plantes sont : 1. la racine, corps spongieux, dont les pores sont disposés de la maniere la plus convenable pour recevoir certains sucs préparés dans le sein de la terre. La qualité de la racine dépend en effet beaucoup de la grandeur des pores & des vaisseaux qu’elle contient, comme le prouve l’expérience. Boerhaave considere la racine comme composée d’un nombre de vaisseaux absorbans, analogues aux veines lactées des animaux ; & M. Reneaume prétend qu’elle fait la même fonction que toutes les parties de l’abdomen, destinées à la nutrition, comme l’estomac, les intestins, &c. Voyez Racine.

2. Le bois, consistant en tuyaux capillaires paralleles entr’eux, qui partent de la racine & s’étendent le long de la tige. Les ouvertures de ces tuyaux sont ordinairement trop petites pour être apperçues, excepté dans un morceau de charbon de bois, de canne, ou d’autres plantes semblables. M. Bradley appelle ces tuyau, des vaisseaux artériels, parce qu’ils servent à porter la seve depuis la racine jusqu’au haut. Voyez Bois.

3. Outre cela, il y a des vaisseaux plus larges, disposés au-dehors de ceux-ci, entre le bois & l’écorce intérieure, & qui descendent depuis le haut de la plante jusqu’à la racine. Le même auteur appelle ces tuyaux vaisseaux veineux, & croit qu’ils contiennent le suc liquide qu’on trouve dans les plantes au printems. Voyez Veine, Seve, &c.

4. L’écorce qui est un corps d’un tissu spongieux, & qui passant entre les arteres par plusieurs petits filets, communique avec la moëlle. Voyez Écorce.

5. La moëlle ou pecten, qui consiste en petits globules transparens, joints ensemble à-peu-près comme les bouteilles dont l’écume d’une liqueur est composée. Voyez Moëlle.

On peut ajouter que le tronc & les branches d’un arbre ont quelque ressemblance avec les parties & les membres extérieurs d’un animal, sans lesquels l’animal peut absolument subsister, quoique la perte de ces membres, ou les accidens qui leur arrivent, occasionnent souvent la destruction entiere de l’animal ; dans les arbres qui ont été endommagés, ou blessés, ou ébranchés, on observe des effets semblables à ceux qui arrivent aux membres des corps animés, comme l’extravasation, le calus, &c.

Economie ou usage des parties des plantes. La racine s’étant imbibée des sucs salins & aqueux que la terre renferme, & s’étant remplie de la matiere qui doit servir à la nourriture de l’arbre, ces sucs, ou cette matiere, sont mis en mouvement par la chaleur, c’est-à-dire sont changés en une vapeur, qui partant de la racine, entre par les ouvertures des