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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/911

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Il en est du code de la police comme de l’amas des maisons qui composent la ville. Lorsque la ville commença à se former, chacun s’établit dans le terrein qui lui convenoit, sans avoir aucun égard à la régularité ; & il se forma de là un assemblage monstrueux d’édifices que des siecles entiers de soins & d’attention pourront à peine débrouiller. Pareillement lorsque les sociétés se formerent, on fit d’abord quelques lois, selon le besoin qu’on en eut ; le besoin s’accrut avec le nombre des citoyens, & le code se grossit d’une multitude énorme d’ordonnances sans suite, sans liaison, & dont le desordre ne peut être comparé qu’à celui des maisons. Nous n’avons de villes régulieres que celles qui ont été incendiées ; & il sembleroit que pour avoir un système de police bien lié dans toutes ses parties, il faudroit brûler ce que nous avons de recueilli. Mais ce remede, le seul bon, est peut-être encore impraticable. Cependant une expérience que chacun est à portée de faire, & qui démontre combien notre police est imparfaite, c’est la difficulté que tout homme de sens rencontre à remédier d’une maniere solide, au moindre inconvénient qui survient. Il est facile de publier une loi ; mais quand il s’agit d’en assurer l’exécution, sans augmenter les inconvéniens, on trouve qu’il faut presque tout bouleverser de fond en comble.

Police, (Jurisprudence.) les François ont conservé le même ordre que les Romains ; ils ont comme eux établi différens magistrats pour maintenir une bonne police dans le royaume, & en particulier dans chaque ville.

Mais au lieu que les payens se proposoient pour premier objet de la police, la conservation de la vie naturelle, les premiers empereurs chrétiens, & nos rois après eux, ont rapporté le premier objet de la police à la religion.

La police est exercée dans les justices seigneuriales par les juges des seigneurs, & autres officiers établis à cet effet.

L’édit de Cremieu, du 19 Juin 1536, avoit attribué la police en premiere instance aux prevôts royaux dans l’étendue de leurs prevôtés.

Il fut ordonné par l’article 72 de l’ordonnance de Moulins, que dans les villes on éliroit des bourgeois tous les ans ou tous les six mois, pour veiller à la police sous la jurisdiction des juges ordinaires ; & que ces bourgeois pourroient condamner en l’amende jusqu’à 60 sols sans appel.

Des édits postérieurs ordonnerent de tenir des assemblées fréquentes dans les villes, pour déliberer avec les notables sur les reglemens qu’il convenoit faire, mais les inconvéniens qui en résultoient firent abroger ces assemblées.

La police étoit exercée à Paris en premiere instance par les lieutenans civil & criminel du châtelet, qui avoient souvent des contestations pour leur compétence dans ces matieres.

Il arrivoit la même chose entre les officiers des bailliages, ceux des prevôtés royales, les juges des seigneurs, & les juges municipaux.

Par édit du mois de Mars 1667, il fut créé un lieutenant général de police pour Paris ; & par un autre édit du mois d’Octobre 1699, il en fut créé de même pour les autres villes.

Dans celles où il y a un juge royal & quelque justice seigneuriale, la police générale appartient au juge royal seul ; & pour la police particuliere dans la justice seigneuriale, le juge royal a la prévention. Edit du mois de Décembre 1666.

Outre les lieutenans généraux de police, il y a dans quelques villes des procureurs du roi de police, des commissaires de police, des inspecteurs de police, & des huissiers particuliers pour la police.

Un des principaux soins du magistrat de police, est

de faire publier les reglemens de police ; il peut lui-même en faire, pourvu qu’il n’y ait rien de contraire à ceux qui sont émanés d’une autorité supérieure ; il est préposé pour tenir la main à l’exécution des reglemens.

Il est aidé dans ses fonctions par les commissaires de police, & autres officiers. Voyez Commissaires.

Les soins de la police peuvent se rapporter à onze objets principaux ; la religion, la discipline des mœurs, la santé, les vivres, la sûreté, & la tranquillité publique, la voirie, les Sciences & les Arts libéraux, le Commerce, les Manufactures & les Arts méchaniques, les serviteurs domestiques, les manouvriers, & les pauvres.

Les fonctions de la police par rapport à la religion, consistent à ne rien souffrir qui lui soit préjudiciable, comme d’écarter toutes les fausses religions & pratiques superstitieuses ; faire rendre aux lieux saints le respect qui leur est dû ; faire observer exactement les dimanches & les fêtes ; empêcher pendant le carême la vente & distribution des viandes défendues ; faire observer dans les processions & autres cérémonies publiques, l’ordre & la décence convenable ; empêcher les abus qui se peuvent commettre à l’occasion des confrairies & pélerinages ; enfin, veiller à ce qu’il ne se fasse aucuns nouveaux établissemens, sans y avoir observé les formalités nécessaires.

La discipline des mœurs, qui fait le second objet de la police, embrasse tout ce qui est nécessaire pour réprimer le luxe, l’ivrognerie, & la fréquentation des cabarets à des heures indues, l’ordre convenable pour les bains publics, pour les spectacles, pour les jeux, pour les loteries, pour contenir la licence des femmes de mauvaise vie, les jureurs & blasphémateurs, & pour bannir ceux qui abusent le public sous le nom de magiciens, devineurs, & pronostiqueurs.

La santé, autre objet de la police, l’oblige d’étendre ses attentions sur la conduite des nourrices & des recommandaresses, sur la salubrité de l’air, la propreté des fontaines, puits & rivieres, la bonne qualité des vivres, celle du vin, de la biere, & autres boissons, celle des remedes ; enfin, sur les maladies épidémiques & contagieuses.

Indépendamment de la bonne qualité des vivres, la police a encore un autre objet à remplir pour tout ce qui a rapport à la conservation & au débit de cette partie du nécessaire ; ainsi la police veille à la conservation des grains lorsqu’ils sont sur pié ; elle prescrit des regles aux moissonneurs, glaneurs, laboureurs, aux marchands de grain, aux blatiers, aux mesureurs-porteurs de grains, meuniers, boulangers ; il y a même des lois particulieres pour ce qui concerne les grains en tems de cherté.

La police étend pareillement ses attentions sur les viandes, & relativement à cet objet sur les pâturages, sur les bouchers, sur les chaircuitiers, sur ce qui concerne le gibier & la volaille.

La vente du poisson, du lait, du beurre, du fromage, des fruits & légumes, sont aussi soumises aux lois de la police.

Il en est de même de la composition & le débit des boissons, de la garde des vignobles, de la publication du ban de vendanges, & de tout ce qui concerne la profession des Marchands de vin, des Brasseurs & Distillateurs.

La voierie qui est l’objet de la police, embrasse tout ce qui concerne la solidité & la sûreté des bâtimens, les regles à observer à cet égard par les Couvreurs, Mâcons, Charpentiers, Plombiers, Serruriers, Menuisiers.

Les précautions que l’on doit prendre au sujet des périls éminens ; celles que l’on prend contre les incendies ; les secours que l’on donne dans ces cas d’ac-