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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/258

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chose. Ce spectre se réalise ensuite ; c’est là ce qu’on appelle l’art cabalistique.

L’imagination peut produire par l’art cabalistique, tout ce que nous voyons dans le monde.

Les trois moyens principaux de l’art cabalistique, sont la priere qui unit l’esprit créé à l’esprit incréé ; la foi naturelle & l’exaltation de l’imagination.

Les hommes à imagination triste & pusillanimes sont tentés & conduits par l’esprit immonde.

L’ame purifiée par la priere tombe sur les corps comme la foudre ; elle chasse les ténebres qui les enveloppe, & les pénetre intimement.

La médecine réelle & spécifique des maladies matérielles, consiste dans une vertu secrette, que le verbe a imprimée à chaque chose en la créant. Elle n’est ni des astres, ni du concours des atomes, ni de la forme des corps, ni de leur mixtion.

Il faut distribuer toute la nature inférieure en trois classes principales, les végétaux, les animaux & les minéraux.

Chacun de ces regnes fournit une multitude inépuisable de ressources à la médecine.

On découvre dans ces axiomes le premier germe de la théorie chimique ; la distinction des élémens ; la formation des mixtes ; la difficulté de leur décomposition ; l’origine des qualités physiques ; leurs affinités ; la nature des élémens qui ne sont rien en unité, tout ce qu’il plaît à la combinaison en masse, & plusieurs autres vérités dont les successeurs de Paracelse ont tiré bon parti. Mais cet homme étoit dominé par son imagination ; il est perpétuellement enveloppé de comparaisons, de symboles, de métaphores, d’allégories ; créateur de la science, & plein d’idées nouvelles pour lesquelles il manquoit de mots, il en invente qu’il ne définit point. Entraîné par le succès de ses premieres découvertes, il n’est rien qu’il ne se promette de son travail. Il se livre aux accessoires d’une comparaison comme à des vérités démontrées. A force de multiplier les similitudes, il n’y a sortes d’extravagances qu’il ne débite. Il en vient à prendre les spectres de l’imagination, pour des productions réelles. Il est fou, & il prescrit sérieusement la maniere de le devenir ; & il appelle cela s’unir à Dieu, aux anges, & imiter la nature.

Gilles Gushmann & Jule Sperber enchérirent sur Paracelse. Voyez l’ouvrage que le premier a publié sous le titre de : Revelatio divinæ majestatis, quâ explicatur quo pacto in principio omnibus sese Deus creaturis suis, & verbo, & facto manifestaverit, & quâ ratione opera sua omnia, eorumque virtutem, attributa, & operationes fcripto brevi eleganter comprehenderit, atque primo homini ad suam imaginem ab ipso condito tradiderit. Et l’écrit du second qui a paru sous celui de : Isagoge in veram triunius Dei & naturæ cognitionem. C’est un système de platonico-pithagorico-péripatico-paracelsico-christianisme.

Valentin Weigel, qui parut dans le quinzieme siecle, laissa des ouvrages de théosophie, qui firent grand bruit dans le seizieme & dix-septieme. Il prétendoit que les connoissances ne naissoient point dans l’homme du dehors ; que l’homme en apportoit en naissant les germes innés ; que le corps étoit d’eau & de terre ; l’ame, d’air & de feu ; & l’esprit, d’une substance astrale. Il soumettoit sa destinée aux influences des cieux ; il disoit que par la lumiere de la révélation, deux contradictions se pouvoient combiner. Leibnitz, qui lui accordoit du génie, lui reproche un peu de spinosisme.

Robert fut dans le xvij. siecle, ce que Paracelse avoit été au xvj. Jamais on n’extravagua avec tant de talent, de génie, de profondeur, & de connoissances. Celui-ci donna dans la Magie, la Cabale, l’Astrologie ; ses ouvrages sont un cahos de physique, de chimie, de méchanique, de médecine, de latin,

de grec, & d’érudition ; mais si bien brouillé, que le lecteur le plus opiniâtre s’y perd.

Boehmius fut successivement pâtre, cordonnier, & théosophe : voici les principes qu’il s’étoit fait ; il disoit :

Dieu est l’essence des essences ; tout émane de lui ; avant la création du monde, son essence étoit la seule chose qui fût ; il en a tout fait ; on ne conçoit dans l’esprit d’autres facultés que celles de s’élever, de couler, de s’insinuer, de pénétrer, de se mouvoir, & de s’engendrer. Il y a trois formes de génération, l’amer, l’acerbe, & le chaud ; la colere & l’amour, ont un même principe ; Dieu n’est ni amer, ni acerbe, ni chaud, ni eau, ni air, ni terre ; toutes choses sont de ces principes, & ces principes sont de lui ; il n’est ni la mort ni l’enfer ; ils ne sont point en lui ; ils sont de lui. Les choses sont produites par le soufre, le mercure & le sel ; on y distingue l’esprit, la vie, & l’action ; le sel est l’ame, le soufre la matiere premiere.

Le reste des idées de cet auteur sont de la même force, & nous en ferons grace au lecteur : c’est bien ici le lieu de dire, qu’il n’est point de fou qui ne trouve un plus fou qui l’admire. Boehmius eut des sectateurs, parmi lesquels on nomme Quirinus Kuhlmann, Jean Podage, & Jacques Zimmermann.

Ils prétendoient tous que Dieu n’étoit autre chose que le monde développé : ils considéroient Dieu sous deux formes, & en deux périodes de tems ; avant la création & après la création ; avant la création, tout étoit en Dieu ; après la création, il étoit en tout ; c’étoit un écrit roulé ou déplié ; ces idées singulieres n’étoient pas nouvelles.

Jean-Baptiste Van-helmont naquit à Bruxelles en 1474 ; il étudia les Lettres, les Mathématiques, l’Astronomie ; son goût, après s’être porté légerement sur la plûpart des sciences & des arts, se fixa à la Médecine & à la Chimie ; il avoit reçu de la nature de la pénétration ; personne ne connut mieux le prix du tems ; il ne perdit pas un moment ; il passa dans son laboratoire tous les instans qu’il ne donna pas à la pratique de la Médecine ; il fit des progrès surprenans en Chimie ; il exerça l’art de guérir les maladies avec un succès incroyable ; son nom a été mis à côté de ceux de Bacon, de Boyle, de Galilée, & de Descartes. Voici les principes de sa Philosophie.

Toute cause physique efficiente n’est point extérieure, mais intérieure, essentielle en nature.

Ce qui constitue, ce qui agit, la cause intérieure, je l’appelle archée.

Il ne faut à un corps naturel, quel qu’il soit, que des rudimens corporels ; ces rudimens sont sujets à des vicissitudes momentanées.

Il n’y a point de privation dans la nature.

Il n’y faut point imaginer une matiere indéterminée, nue, premiere ; cette matiere est impossible.

Il n’y a que deux causes, l’efficiente & la matérielle.

Les choses particulieres supposent un suc générique, & un principe séminal, efficient, générateur ; la définition ne doit renfermer que ces deux élémens.

L’eau est la matiere dont tout est fait.

Le ferment séminal & générateur est le rudiment par lequel tout commence & se fait.

Le rudiment ou le germe, c’est une même chose.

Le ferment séminal est la cause efficiente du germe.

La vie commence avec la production du germe.

Le ferment est un être créé ; il n’est ni substance, ni accident ; sa nature est neutre ; il occupe dès le commencement du monde les lieux de son empire ; il prépare les semences ; il les excite ; il les précede.

Les fermens ont été produits par le Créateur ; ils dureront jusqu’à la consommation des siecles ; ils se