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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/704

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définir dans les articles suivans les principaux.

Trophée de Marine. Trophée composé de poupes & proues de vaisseaux, de becs & éperons de galeres, d’ancres, de rames, de flammes, pavillons, &c.

Trophée de musique. Trophée composé de livres & d’instrumens de musique.

Trophée des Sciences. C’est un trophée formé de livres de science, de spheres, de globes, & d’instrumens à observer les astres.

Trophée rustique. Trophée composé d’instrumens servant au labourage & au ménage rustique.

Le mot trophée vient du latin trophœum, qui vient, selon Vossius, du grec trope, fuite de l’ennemi. Daviler. (D. J.)

Trophée, s. m. (Antiq. greq. & rom.) tropœum, en grec τρόπαιον de τροπὴ, fuite. Un trophée n’étoit dans son origine qu’un tronc de chêne dressé, & revêtu des dépouilles ou armes des ennemis vaincus, comme d’une cuirasse, de boucliers, de javelots & d’un casque. De-là vient le nom de trunci, que Virgile donne à ces trophées, dans la description qu’il en fait, indutosque jubet truncos hosiilibus armis ; & selon que la forme s’en voit assez souvent dans les médailles.

C’est d’où l’on recueille que ce n’étoit pas seulement une coutume romaine, comme quelques savans le prétendent, mais c’étoit aussi un usage grec de faire les trophées d’un tronc de chêne revêtu des armes des ennemis. On peut le voir entr’autres au revers de la médaille d’Agathocles, roi de Sicile ; & dans deux autres médailles, l’une d’Alexandre, l’autre de son pere Philippe, qui ont chacune au revers la figure d’un homme nud devant un trophée, de la façon de ceux dont je viens de parler, c’est-à-dire non d’une colonne de pierre ou de marbre, mais d’un chêne paré des dépouilles des vaincus ; que si Philippe & Alexandre ne se sont point fait dresser eux-mêmes des trophées, parce que ce n’étoit pas la coutume des Macédoniens, comme Pausanias le prétend dans ses béotiques, néanmoins les villes de Grece ou d’autres n’ont pas laissé d’en élever à leur honneur, & de les faire graver dans leurs médailles. Ce n’est pas cependant que les Grecs n’ayent fait aussi des trophées d’autre sorte, & quelquefois d’airain pour plus de durée, selon le même Pausanias. Quant aux ornemens ajoutés quelquefois à ces trophées, & qu’on remarque aussi sur les médailles, nous en dirons un mot dans la suite.

Les trophées portoient d’ordinaire les noms des ennemis ou peuples vaincus, inimicaque nomina figi, comme dit Virgile, & les exemples en sont fréquens dans les historiens, les poëtes & les anciennes médailles.

Ces trophées mêmes se multiploient selon le nombre des peuples vaincus par le général, suivant l’exemple de Pompée, que Dion rapporte en parlant d’un magnifique trophée de ce conquérant qui portoit la fastueuse inscription, non d’un peuple vaincu, mais de orbe terrarum, ou du monde subjugué.

Pausanias, l. IV. parle d’un trophée qu’Epaminondas, par ordre de l’oracle, fit dresser avant la journée de Leuctres, c’est-à-dire avant les Lacédémoniens vaincus & à leur vue.

Le nom grec τροπαιοῦχος, ou qui porte des trophées donnés en premier lieu aux dieux, comme on peut voir dans Pollux, fut dans la suite des tems consacré entre les autres titres des empereurs, ce qui paroît en particulier par la médaille de Pessennius Niger avec l’inscription, invicto imp. tropæa ; cette coutume de dresser des trophées passa des Grecs aux Romains, & même y fut d’abord introduite par Romulus, comme les historiens de sa vie le remarquent.

Les vainqueurs dressoient à leur gloire un trophée

des vaincus. Les Grecs montrerent l’exemple, & ils avoient coutume de le faire après la victoire au lieu même de la bataille & de la défaite des ennemis. L’histoire de Thucydide en fournit plusieurs exemples.

Pour les Romains, ils ne se contenterent pas de cet honneur, ils firent porter ces trophées en triomphe, comme Dion entr’autres le remarque de Pompée, au retour de la guerre contre Mithridate. C’est ce qui se voit encore à l’œil des deux médaillons ; l’un du cabinet du roi, qui représente le triomphe de Marc-Aurele & de L. Verus, après les exploits de ce dernier dans l’Arménie & contre les Parthes, où on voit un trophée porté devant le char des triomphans. L’autre médaillon est de Caracalla, où non seulement il y a un trophée avec deux captifs attachés, porté dans une espece de char avant celui du triomphant, mais de plus on voit un soldat qui marche au-devant, portant un autre trophée sur l’épaule, à l’exemple de Mars ou de Romulus.

On peut y ajouter l’usage de dresser ces trophées en des places publiques & sur le capitole, de les consacrer à leurs dieux, & entr’autres à Jupiter Férétrius, ou à Mars, témoin Virgile, tibi rex gradive tropæum ; pour ne pas parler de la coutume d’orner les vestibules ou portiques de leurs maisons, des armes ou autres dépouilles des ennemis vaincus, c’est ce qui donna lieu à cette harangue de Caton l’ancien, citée par Festus, qui avoit pour titre, de spoliis, ne figerentur, nisi quæ de hostibus capta essent ; la chose est connue ; en cela même les Romains ne firent que suivre l’exemple d’autres peuples, & en particulier de leurs premiers fondateurs, témoin Virgile, parlant du palais du roi Priam, barbarici postes auto spoliisque superbi.

Nous avons une médaille de Romulus à pié, portant son trophée sur l’épaule, ce qui arriva aussi à Cornelius Cossus & à Claudius Marcellus, qui porterent eux-mêmes leurs trophées, d’où vient que Virgile dit :

Inductosque jubet truncos hostilibus armis
Ipsos ferre duces.

Mars & la Victoire sont encore représentés avec un trophée sur l’épaule, & les autres dieux sont chargés pareillement sur l’épaule des marques de leurs dignités ou de leur distinction, comme Diane d’un carquois, Apollon d’une lyre ou d’un arc, Hercule de sa massue, Jupiter de la foudre, Bacchus d’un thyrse, & Vulcain d’un marteau qu’il tient levé au-dessus de l’épaule, & qui est prêt à battre l’enclume. On en voit plusieurs échantillons dans les médailles. Il y en a aussi de Trajan, qui le représentent tenant sur les épaules les trophées des victoires qu’il avoit remportées sur les Getes & les Parthes.

J’ai dit ci-dessus qu’un trophée n’étoit ordinairement qu’un tronc de chêne ; de-là viennent les mots de quercus ou truncus, dont les poëtes latins se servent d’ordinaire pour désigner des trophées. Ainsi les trophées n’étoient quelquefois qu’un tronc de chêne avec un bouclier au dessus, ou un tronc revêtu d’une cuirasse, au-haut d’un casque & aux deux côtés d’un bouclier, comme sont d’ordinaire les trophées que Mars-Gradivus porte sur l’épaule, ou qui se voient dans les médailles de Trajan, ou même avec une cuirasse sans bouclier.

Les trophées sont aussi souvent accompagnés de javelots, outre les boucliers, le casque & la cuirasse.

Enfin l’on voit dans les anciens monumens des trophées ornés & embellis d’un amas de toutes sortes d’armes ou de dépouilles des ennemis vaincus, comme de cuirasses, de boucliers de différentes façons, d’épées, de javelots, de dragons ou enseignes mili-