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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/706

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Mais les plus célebres qu’il y ait eu à Rome du tems de la république, sont les deux trophées de Marius, en mémoire de ses deux victoires ; l’une remportée sur Jugurtha, l’autre sur les Cimbres & les Teutons ; ils étoient de marbre dans la cinquieme région, dite Esquiline, élevés sur deux arcs de brique qui posoient sur un reservoir de l’aqua marcia ; Properce les appelle les armes de Marius.

Jura dare statuas inter & arma Marii.

Sylla les renversa contre l’ancien usage, qui ne permettoit pas de détruire, ni même de déplacer les trophées. César dans son édilité, les releva ; le quartier de Rome où ils étoient, en conserve la mémoire ; on l’appelle encore aujourd’hui il Cimbrico, entre l’église de saint Eusebe & de saint Julien, sur le mont Esquilin ; cette tradition n’a pas été interrompue.

Pétrarque, dans la seconde épître de son sixiéme livre, parlant de ce lieu dit, hoc Marii cimbrium fuit. Nardini pense que ces trophées furent depuis transportés dans le capitole, & il censure Ligorius qui croit mal-à-propos que les trophées du capitole sont de Domitien. Les monumens de ce prince furent, selon Suétone & Xiphilin, abatus par ordre du sénat aussitôt après sa mort. D’autres antiquaires prétendent cependant que les trophées de marbre qui se voyent au capitole, ne sont pas ceux de Marius, mais qu’ils appartiennent à Trajan ; cette question nous importe fort peu.

Après la destruction de la liberté publique, à proportion que la vertu diminua, les récompenses de la vertu & les marques d’honneur, se multiplierent dans la personne des empereurs. Auguste en donna comme le signal par le trophée qu’il fit ériger à sa gloire sur les Alpes, & dont l’inscription se lit dans Pline, l. III. c. xxiv. Ce ne fut plus en Italie & dans les provinces, que trophées de pierre, de marbre, de bronze ; les colonnes trajane & antonine, qui sont des tours rondes avec un escalier pratiqué en-dedans, sont de vrais trophées ; Xiphilin raconte que Néron ayant ôté la vie à Domitia sa tante paternelle, employa une partie des biens de cette dame, à dresser de magnifiques trophées, qui subsistoient encore du tems de Dion, c’est-à-dire, sous Alexandre Sévere. Xiphilin dit qu’après la prise de Jérusalem, on décerna à Vespasien & à Titus des arcs de triomphes chargés de trophées. Comme le tems & les accidens endommageoient sans cesse ces sortes de monumens, quelques-uns furent réparés, & c’est ce qu’on voit par des médailles.

Quant aux trophées élevés par les modernes en l’honneur des rois conquérans, ils me paroissent assez semblables à ceux des empereurs dont je viens de parler ; ce sont autant de monumens de desolations, de desastres, & de vaine gloire. (Le chevalier de Jaucourt.)

Trophées d’Emilien, (Géogr. anc.) en latin trophæum Q. Fabii Maximi Æmiliani ; Strabon, lib. IV. nous apprend que près du lieu où l’Isere se jette dans le Rhône, Q. Fabius Maximus Æmilien, dont l’armée n’étoit pas de trente mille hommes, défit deux cens mille gaulois, & éleva sur le champ de bataille un trophée de pierre blanche. (D. J.)

Trophées de Pollux, (Géog. anc.) ces trophées étoient dans la ville de Sparte ; quand on a passé le temple d’Esculape, dit Pausanias, on voit les trophées que Pollux, à ce qu’on croit, érigea lui-même après la victoire qu’il remporta sur Lyncée. (D. J.)

Trophées des Romains & de Sylla, (Géog. anc.) on voit, dit Pausanias, l. IX. c. xxxix. dans la plaine de Chéronée en Béotie, deux trophées qui ont été érigés par les Romains & par Sylla, pour une victoire remportée sur Taxile, général de l’armée de Mithridate. (D. J.)

Trophée, en Peinture & Sculpture, étoit anciennement l’imitation des trophées que les anciens elevoient des dépouilles de leurs ennemis vaincus ; ce n’étoit qu’un amas d’armes & d’armures, ou autre attirail de guerre. Maintenant l’on fait des trophées généralement de tous les instrumens qui servent aux sciences, aux arts, & au luxe, & chacun de ces trophées porte le nom de la science ou de l’art auquel les instrumens qui le composent sont utiles ; trophée d’Astronomie, de Musique, de Jardinage, &c. On fait des trophées bacchiques qui représentent des treilles, des pots, des verres, des bouteilles, &c. On en fait de bal, où l’on représente des masques, des castagnetes, des tambours de basques, des habits de caractere ou de fantaisie. Il y a des trophées de modes qui réunissent tous les ajustemens d’hommes & de femmes que le caprice peut suggérer. On fait des trophées de folie, composés de marottes, de sonnettes, de grelots, de papillons, de fumée, ou brouillards, &c. Enfin, on fait des trophées de tous les êtres physiques ou moraux qui sont susceptibles de signes qui les caractérisent.

Trophée, argent de, (Jurisp.) est un droit que paient tous les ans les locataires des maisons dans les provinces d’Angleterre, pour fournir à la milice, des harnois, tambours, drapeaux, &c.

TROPHONIENS, jeux, (Littérat.) jeux publics qui se donnoient un jour de l’année, en l’honneur de Trophonius, & dans lesquels la jeunesse de la Grece venoit étaler son adresse. Il est vrai qu’aucun auteur peut-être, ne parle de ces jeux, outre Julius Pollux ; encore ne dit-il point en quelle ville on les célébroit. Mais on l’apprend d’un marbre qui est à Mégare, & qui porte qu’on les faisoit à Lebadée ; cette ville de Grece en Béotie, étoit d’ailleurs très-célebre par l’oracle même de Trophonius. (D. J.)

TROPHONIUS, (Mythol.) fils d’Erginus roi des Orchoméniens, est bien célebre dans l’histoire par son oracle en Béotie, lequel se rendoit avec plus de cérémonies que ceux d’aucun dieu, & qui subsista même assez longtems après que tous ceux de la Grece eurent cessé. Voyez donc Oracle de Trophonius.

Trophonius, bois sacré de, (Géog. anc.) le bois sacré de Trophonius étoit dans la Béotie, à une petite distance de la ville de Lébadée. On disoit, selon Pausanias, l. IX. c. xxxix. qu’un jour Hercine jouant en ce lieu avec la fille de Cérès, laissa échapper une oie qui faisoit tout son amusement ; Proserpine ayant couru après, attrapa cette oie qui s’étoit allé cacher dans un antre sous une grosse pierre, de dessous laquelle on vit aussi-tôt couler une source d’eau, d’où se forma un fleuve qui, à cause de cette avanture, eut aussi nom Hercine. On voyoit encore du tems de Pausanias, sur le bord de ce fleuve, un temple dédié à Hercine, & dans ce temple la statue d’une jeune fille, qui tenoit une oie avec ses deux mains. L’antre où ce fleuve avoit sa source, étoit orné de deux statues qui étoient debout, & qui tenoient une espece de sceptre, avec des serpens entortillés à l’entour, de sorte qu’on les auroit pris pour Esculape & Hygéia. Mais peut-être que c’étoit Trophonius & Hercine, car les serpens ne sont pas moins consacrés à Trophonius qu’à Esculape. On voyoit aussi sur le bord du fleuve le tombeau d’Arcésilas, dont on disoit que les cendres avoient été apportées de Troie par Léitus.

Dans le bois sacré de Trophonius voici ce qu’il y avoit de plus curieux à voir ; premierement le temple de Trophonius, avec sa statue qui étoit de Praxitele. Cette statue, aussi-bien que la premiere dont il a été parlé, ressembloit à celle d’Esculape ; en second lieu, le temple de Cérès surnommée Europe, & une statue de Jupiter le pluvieux, qui étoit exposée aux in-