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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/73

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honorer deux, l’un comme un dieu immortel, l’autre comme un héros.

Les habitans de Gadès (Cadis) firent ériger à Hercule un temple magnifique à quelque distance de leur ville ; la situation de ce temple dans un lieu si éloigné, son ancienneté, le bois incorruptible dont il étoit construit, ses colonnes chargées d’anciennes inscriptions & d’hiéroglyphes, les travaux d’Hercule qui y étoient représentés, les arbres de Géryon, qui, selon Philostrate, jettoient du sang, les cérémonies singulieres qui s’y pratiquoient ; tout cela le rendoit fort célebre, & la ville de Gadès se croyoit en sûreté sous la protection du héros. Aussi Théron, roi d’Espagne, ayant voulu piller ce temple, une terreur panique dispersa ses vaisseaux qu’un feu inconnu dissipa tout-d’un-coup.

Hercule eut aussi plusieurs temples à Rome, entr’autres deux assez célebres ; le temple du cirque de Flaminius, qu’on appelloit le temple du grand Hercule, gardien du cirque ; & le temple qui étoit au marché aux bœufs, dans lequel, dit Pline, il n’entroit jamais ni chiens, ni mouches. (D. J.)

Temples de Janus, (Antiq. rom.) il y avoit trois temples dans Rome en l’honneur de Janus ; le premier de ces temples fut bâti par Romulus après la paix des Sabins : il fit mettre dans ce temple la statue de Janus à deux visages, pour dire que la nation romaine & la sabine s’étoient unies ensemble, & que les deux rois, Romulus & Tatius, ne faisoient qu’un chef pour gouverner. Ce temple n’avoit que deux portes, qui étoient ouvertes en tems de guerre & fermées en tems de paix.

C’étoit dans ce temple que les consuls, après la guerre déclarée, se rendoient accompagnés du sénat & des soldats, & qu’ils en ouvroient les portes ; c’étoit-là aussi où ils prenoient possession de leur charge, & conséquemment on disoit qu’ils ouvroient l’année.

Le second temple de Janus fut construit par Cn. Duillius dans le marché aux poirées, après la premiere guerre de Carthage : mais étant à demi-ruiné par la longueur du tems, il fut rebâti par l’empereur Tibere, comme dit Tacite, l. II. de ses annales.

Le troisieme, sous le nom de Janus, quadrifrons, à quatre visages, fut élevé dans le marché aux bœufs, en une petite vallée, appellée le Vélabre, entre le mont Palatin & le capitole. Voici quel en fut le sujet : les Romains, dit Servius, représenterent d’abord Janus à deux visages ; mais, après la prise de Falérie en Toscane, ayant rencontré une statue de Janus à quatre faces, ils voulurent en avoir une pareille à Rome ; & pour l’honorer davantage, ils lui bârirent un temple à quatre faces, chacune étoit de douze niches, avec une grande porte, ce qui marquoit les quatre saisons de l’année & les douze mois. Varron dit qu’il y avoit douze autels dédiés à Janus, & que chacun d’eux représentoit un mois de l’année.

Outre ces trois temples, il y avoit une chapelle sous le titre, ædes Jani curiatii, dédiée à Janus, par cet Horace qui défit les trois curiaces. On parle encore d’un Janus Septimianus, qu’on croit avoir été un bâtiment ouvert aux allans & venans, & qui avoit été édifié par Septimius Severus. (D. J.)

Temples d’Isis, (Antiq. égypt.) on a découvert dans la basse Thébaïde, au village de Bhabéit, c’est-à-dire en arabe maison de beauté, les restes d’un des plus beaux, des plus vastes & des plus anciens temples d’Egypte, qu’on juge avoir été un de ceux qui ont été autrefois élevés en l’honneur d’Isis.

Les pierres de ces ruines sont d’une longueur, d’une épaisseur énorme, & de marbre granit, ornées la plûpart de sculpures qui représentent en demi-reliefs des hommes, des femmes, & des hiérogly-

phes. Plusieurs de ces pierres portent la figure d’un

homme debout, un bonnet long & pointu en tête, tenant deux gobelets, & les présentant à trois ou quatre filles qui sont debout l’une derriere l’autre. Ces filles ont un javelot dans une main, un bâton plus court dans l’autre, & sur la tête une boule entre deux cornes déliées. D’autres pierres sont gravées d’images hiéroglyphiques d’oiseaux, de poissons & d’animaux terrestres. Un pilier de granit fort haut & fort massif, ayant dans sa partie supérieure quatre entaillures aux quatre faces, paroît avoir été construit pour soutenir les arcades & les voûtes de ce grand édifice. Chaque face du pilier présente aux yeux une tête de femme gravée plus grande que nature.

Hérodote, avec toute l’antiquité, fait mention d’un temple construit au milieu du Delta, dans le village de Busiris, consacré à la déesse Isis, femme d’Osiris ; il paroît assez probable que l’édifice ruiné qui se voit à Bhabeit étoit ce temple même de la déesse Isis, & que la ville dont parle Hérodote est le village de Bhabeit, situé au milieu du Delta, proche Sebennythus ou Sammanoud. Cette opinion est d’autant plus croyable, que dans le reste de l’île on n’a point encore trouvé de vestiges d’aucun monument de marbre ou de pierre qui puisse convenir à d’autres divinités qu’à la déesse Isis.

Les ruines du temple de cette déesse ont environ mille pas de tour. Elles sont à une lieue du Nil, & à deux ou trois lieues de Sammanoud & de la grande Méhalée, vers le nord, à vingt-cinq ou trente lieues du Caire. Dans le monceau de ces ruines, on ne voit que grosses masses de marbre. Recueil d’observat. curieuses, tome III. (D. J.)

Temples de Junon, (Antiq. greq. & rom.) Junon avoit des temples dans toute la Grece, celui d’Argos étoit célebre, Pausanias, in Corinth. en parle ainsi. En entrant dans le temple, dit-il, on voit sur un trône la statue de cette déesse d’une grandeur extraordinaire, toute d’or & d’ivoire. Elle a sur la tête une couronne, surmontée des graces & des heures. Elle tient d’une main une grenade, & de l’autre un sceptre, au bout duquel est un coucou. Près de cette statue, sculptée par Polyclete, il y en avoit une autre fort ancienne faite en colonne de bois de poirier sauvage. Un certain Buneus, fils de Mercure, fit élever à la déesse un magnifique temple à Corinthe. Celui de Samos étoit renommé par le culte que les habitans lui rendoient, comme on peut le voir dans Virgile. En un mot, de toutes les divinités du paganisme il n’y en eut point dont le culte fût plus solemnel que celui de Junon. On trouvoit par-tout dans la Grece des temples, des chapelles ou des autels qui lui étoient dédiés.

L’Italie ne marqua pas moins de respect à une déesse, qui étoit tout ensemble la sœur & la femme de Jupiter. Elle avoit trois fameux temples, entr’autres, sous le nom de Junon sospita, l’un de ces temples étoit à Lanuvium, les deux autres se voyoient à Rome ; Cicéron dit, dans la harangue pour Murena, que les consuls, avant que d’entrer en charge, devoient y offrir un sacrifice à la déesse. La statue que Junon reine avoit à Veïes, fut transportée sous la dictature de Camille sur le mont Aventin, où elle fut consacrée par les dames de la ville dans le temple que le même Camille lui dédia : on respectoit tellement cette statue, qu’il n’y avoit que son prêtre qui pût la toucher. Junon, sous le nom de Lucine, avoit un temple près de Rome dans un bois sacré ; c’est Ovide qui le dit.

Gratia Lucinæ dedit hæc tibi nomina lunus,
Vel quia principium, tu dea, lucis habes.

Elle avoit, sous le nom d’Ilithie, un temple, dans