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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/812

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fer, ainsi que des carrieres d’albâtre, de chaux, de plâtre & de calamine.

C’est le pays qu’habitoient anciennement les Celtibériens, les Contestains & les Lusons. Il fut érigé en royaume l’an 788 par Abdalla qui en étoit le gouverneur. Dans le x. siecle, sous le regne de Ferdinand, fils de Sanche roi de Navarre & d’Aragon, le cid don Rodrigue, à la tête de sa chevalerie, subjugua le royaume de Valence. Sans être roi, & sans en prendre le titre, soit qu’il lui préférât celui de cid, soit que l’esprit de chevalerie le rendît fidele au roi Alphonse son maître, il gouverna néanmoins le royaume de Valence avec l’autorité d’un souverain, recevant des ambassadeurs, & se faisant respecter de toutes les nations. Corneille a trouvé l’art de nous intéresser pour lui, & il est vrai qu’il épousa depuis Chimene dont il avoit tué le pere.

Après sa mort arrivée l’an 1096, les Maures reprirent le royaume de Valence, & l’Espagne se trouva toujours partagée entre plusieurs dominations ; mais Jacques, le premier des rois d’Aragon à qui les états ayent prêté le serment de fidélité, reprit sur les Maures en 1238, le beau royaume de Valence. Ils se soumirent à lui, & continuerent de le rendre florissant. C’étoit encore dans ce pays favorisé de la nature qu’habitoit la plus grande partie des Maures qui furent chassés de l’Espagne pour toujours en 1610. Leurs descendans qu’on appelle Mauriques, sont bons laboureurs, robustes, sobres & laborieux.

Le royaume de Valence avoit ci-devant de grands privileges, dont Philippe V. le dépouilla en 1705, pour avoir embrassé le parti de l’archiduc, & en même tems il réunit ce royaume à celui de Castille, pour en être desormais une province. (D. J.)

Valence, (Géog. mod.) ville d’Espagne, capitale de la province de même nom, à 65 lieues au sud-ouest de Barcelone, à 45 de Murcie, & à 67 de Madrid.

Cette ville est située à 3 milles de la mer, au bord du Guadalaviar, dans une campagne admirable, où la nature semble avoir répandu tous ses dons à pleines mains, pour servir aux besoins & aux délices de la vie. Indépendamment de la beauté du lieu, des agrémens de sa situation, de la douceur de l’air, de la fertilité du terroir, la mer y forme dans le voisinage un lac de trois lieues d’étendue & d’une lieue de largeur ; c’est ce lac que les Romains nommoient amænum stagnum, & qui produit divers poissons des plus délicats.

La ville est grande, & contient environ douze mille feux dans son enceinte ; les habitans y sont égayés par la température de l’air, & les femmes y passent pour être les plus belles du royaume. Entre les édifices publics se distingue par sa beauté l’église cathédrale, dont le trésor est très-riche ; le grand-autel de cette église est tout couvert d’argent, & éclairé de quatorze candélabres de même métal, suspendus au-devant. On vante aussi en fait de bâtimens profanes les palais du vice-roi, de la ciuta & de la députation, l’arsenal, la bourse & l’hôtel-de-ville.

On compte à Valence douze portes, dix mille puits ou fontaines d’eau vive, & cinq ponts sur le Guadalaviar ; ils ont quinze pas de largeur, & environ trois cens de longueur. L’incommodité de cette ville est de n’être point pavée, ce qui la rend fort sale en hiver, & remplie de poussiere en été.

Elle est le siege d’une université & d’un archevêché, qui y fut fondé en 1492 par le pape Innocent VIII. L’archevêque jouit de trente à quarante mille ducats de rente, & revêt l’habit de cardinal dans les cérémonies de l’église. Les canonicats de la cathédrale valent chacun trois mille écus de revenu.

Cette ville est habitée par une grande partie de la noblesse du royaume, ainsi que par un grand nom-

bre de négocians, qui profitent de la quantité de mûriers

du territoire pour y fabriquer toutes sortes de soiries, & en faire fleurir le commerce. Il y a dans Valence un gouverneur qui se nomme corregidor. La noblesse fait un corps à part, & a une chambre particuliere qu’on nomme la casa de la députation. Long. suivant Cassini, 16. 46. 15. lat. 39. 30.

Je ne dois pas oublier de dire, à la gloire de Valence, qu’on y trouve divers monumens d’antiquité, parce que c’est en effet une ancienne ville. Elle fut donnée l’an de Rome 616, près de deux cens quarante ans avant Jesus-Christ, à de vieux soldats qui avoient servi sous le fameux Viriatus, de-là vient que les habitans prenoient le nom de veteres, ou de veterani, comme il paroît par l’inscription suivante qu’on a trouvée : C. Valenti hostiliano. Meslio. Quinctio. nobilissimo. Cœs. principi juventutis Valentini. vetera. &. veteres. Pompée détruisit cette ville dans le tems de la guerre de Sertorius ; mais elle fut rétablie dans la suite. Les Maures qui s’en étoient saisis, la perdirent dans le xj. siecle, par la valeur de Rodrigue dias de Bivar, surnommé le cid. Ils la reprirent après sa mort, arrivée l’an 1096, & s’y maintinrent jusqu’en 1238, que Jacques I. roi d’Aragon, la leur enleva pour toujours.

C’est dans cette ville que naquit le pape Alexandre VI. mort à Rome en 1503, à l’âge de 72 ans, laissant en Europe, dit M. de Voltaire, une mémoire plus odieuse que celle des Nérons & des Caligula, parce que la sainteté de son ministere le rendoit plus coupable. Cependant c’est à lui que Rome dut sa grandeur temporelle, & ce fut lui qui mit ses successeurs en état de tenir quelquefois la balance de l’Italie.

Furius, (Fridéric) surnommé Seriolanus, à cause qu’il étoit né à Valence, dont les habitans étoient appellés vulgairement Sériols, mourut à Valladolid l’an 1592. Son traité du conseiller, del conceio y consciero, a été fort estimé, il y en a une traduction latine imprimée à Bâle, in-8°. en 1563, & ensuite à Strasbourg, in-12. On lui fit des affaires pour avoir mis au jour en latin un fort bon traité intitulé Bononia, dans lequel il soutenoit qu’il falloit traduire l’Ecriture-sainte en langue vulgaire. Il ne fallut pas moins que la protection de Charles-quint pour préserver l’auteur de l’orage qu’on éleva contre lui, mais la lecture de son livre a été défendue par l’index du concile de Trente.

Miniana, (Joseph-Emmanuel) naquit à Valence en 1572, entra dans l’ordre des religieux de la rédemption des captifs, & mourut en 1630. Il est auteur de la continuation de l’histoire d’Espagne de Mariana, & il y travailla douze ans. Quoiqu’il promette dans sa préface la plus grande impartialité, personne n’a espéré de la trouver dans une histoire écrite par un religieux espagnol, qui doit raconter tant de choses concernant des troubles de religion arrivés sous Charles-quint & sous Philippe II. aussi n’a-t-il puisé tout ce qu’il dit sur cette matiere, que dans des auteurs remplis des mêmes préjugés que lui ; & pour ce qui regarde les troubles des Pays-bas, il n’a fait qu’abreger le jésuite Strada. En parlant de la mort tragique du prince d’Orange Guillaume I. il loue extrèmement, liv. VIII. ch. xiij. p. 341. col. 1. la constance avec laquelle l’assassin Balthazar Gérard souffrit la mort ; & loin d’insinuer que ce parricide la méritoit, il remarque que la tête de Gérard exposée au bout d’une pique, parut beaucoup plus belle qu’elle n’étoit quand il vivoit. Il traite en même tems de monstres & d’hommes détestables, des gens illustres qui n’ont eu d’autres défauts que de ne pas penser comme l’Eglise romaine. Le pere Miniana auroit dû se souvenir de la disposition où il dit lui-même que doit être un bon historien : « de se regarder comme ci-