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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/831

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cependant cassante, & comme coriace à l’extérieur. La pulpe qui est en dedans, est roussâtre, remplie d’une infinité de petits grains, noirs, luisans ; elle est un peu âcre, grasse, aromatique, ayant l’odeur agréable du baume du Pérou : on nous l’apporte du Pérou & du Méxique ; elle vient dans les pays les plus chaux de l’Amérique, & principalement dans la nouvelle Espagne ; on la prend sur des montagnes accessibles aux seuls Indiens, dans les lieux où il se trouve quelque humidité.

Ses especes. On distingue trois sortes principales de vanilles ; la premiere est appellée par les Espagnols, pompona ou bova, c’est à-dire enflée ou bouffie ; celle de leq, la marchande ou de bon aloi ; la simarona ou bâtarde ; les gousses de la pompona sont grosses & courtes ; celles de la vanille de leq, sont plus déliées & plus longues ; celles de la simarona sont les petites en toute façon.

La seule vanille de leq est la bonne ; elle doit être d’un rouge brun foncé, ni trop noire, ni trop rousse, ni trop gluante, ni trop desséchée ; il faut que ses gousses quoique ridées, paroissent pleines, & qu’un paquet de cinquante pese plus de cinq onces ; celles qui en pese huit est la sobrebuena, l’excellente. L’odeur en doit être pénétrante & agréable ; quand on ouvre une de ces gousses bien conditionnée & fraîche, on la trouve remplie d’une liqueur noire, huileuse & balsamique, où nagent une infinité de petits grains noirs, presque absolument imperceptibles, & il en sort une odeur si vive, qu’elle assoupit, & cause une sorte d’ivresse. La pompona a l’odeur plus forte, mais moins agréable ; elle donne des maux de tête, des vapeurs, & des suffocations. La liqueur de la pompona est plus fluide, & ses grains plus gros, ils égalent presque ceux de la moutarde. La simarona a peu d’odeur, de liqueur & de grains.

On ne vend point la pompona, & encore moins la simarona, si ce n’est que les Indiens en glissent adroitement quelques gousses parmi la vanille de leq. On doute si les trois sortes de vanilles en question, sont trois especes, ou si ce n’en est qu’une seule, qui varie selon le terroir, la culture & la saison où elle a été cueillie.

Dans toute la nouvelle Espagne, ou ne met point de vanille au chocolat ; elle le rendroit mal sain, & même insupportable ; ce n’est plus la même chose quand elle a été transportée en Europe. On a envoyé à nos curieux des échantillons d’une vanille de Caraca & de Maracaybo, villes de l’Amérique méridionale ; elle est plus courte que celle de leq, moins grosse que la pompona, & paroît de bonne qualité ; c’est apparemment une espece différente : on parle aussi d’une vanille du Pérou, dont les gousses sechées sont larges de deux doigts, & longues de plus d’un pié ; mais dont l’odeur n’approche pas de celles des autres, & qui ne se conserve point.

Lorsque les vanilles sont mûres, les Méxiquains les cueillent, les lient par les bouts, & les mettent à l’ombre pour les faire sécher ; lorsqu’elles sont séches & en état d’être gardées, ils les oignent extérieurement avec un peu d’huile pour les rendre souples, les mieux conserver, empêcher qu’elles ne se séchent trop, & qu’elles ne se brisent. Ensuite ils les mettent par paquets de cinquante, de cent, ou de cent cinquante, pour nous les envoyer.

Prix & choix de la vanille. Le paquet de vanille composé de cinquante gousses, se vend à Amsterdam depuis dix jusqu’à vingt florins, c’est-à-dire depuis vingt & une jusqu’à quarante-deux livres de notre monnoie, suivant la rareté, la qualité, ou la bonté : on donne un pour cent de déduction pour le prompt payement. On choisit les vanilles bien nourries, grosses, longues, nouvelles, odorantes, pesantes, un peu molles, non trop ridées ni trop huileuses à l’ex-

térieur ; il ne faut pas qu’elles ayent été mises dans un

lieu humide, car alors elles tendroient à se moisir, ou le seroient déjà ; elles doivent non-seulement être exemptes du moisi, mais être d’une agréable odeur, grasses & souples. Il faut encore prendre garde qu’elles soient égales, parce que souvent le milieu des paquets n’est rempli que de petites vanilles seches & de nulle odeur ; la graine du dedans qui est extrêmement petite, doit être noire & luisante : on ne doit pas rejetter la vanille qui se trouve couverte d’une fleur saline, ou de pointes salines très-fines, entierement semblables aux fleurs de benjoin : cette fleur n’est autre chose qu’un sel essentiel dont ce fruit est rempli, qui sort au-dehors quand on l’apporte dans un tems trop chaud.

Quand on laisse la vanille mure trop long-tems sur la plante sans la cueillir, elle creve, & il en distille une petite quantité de liqueur balsamique, noire & odorante, qui se condense en baume : on a soin de la ramasser dans de petits vases de terre, qu’on place sous les gousses : nous ne voyons point en Europe de ce baume, soit parce qu’il ne se conserve pas dans le transport, soit parce que les gens du pays le retiennent pour eux, soit parce que les Espagnols se le réservent.

Falsification de la vanille. Dès qu’il n’en sort plus de liqueur balsamique, il y a des Méxiquains qui connoissant le prix qu’on donne en Europe à la vanille, ont soin, après avoir cueilli ces sortes de gousses, de les remplir de paillettes & d’autres petits corps étrangers, & d’en boucher les ouvertures avec un peu de colle, ou de les coudre adroitement ; ensuite ils les font sécher, & les entremêlent avec la bonne vanille. Les gousses ainsi falsifiées, n’ont ni bonté ni vertu. & nous ne manquons pas d’en rencontrer quelquefois de telles, avec les autres bonnes siliques.

Noms botaniques de la plante à vanille. Cette plante a les noms suivans dans les livres de botanique.

Volubilis, siliquosa, mexicana, foliis plantaginis, Raii, hist. 1330.

Aracus aromaticus… Tlixochitl, seu flos niger, mexicanis dictus, Hermand 38.

Lathyrus mexicanus, siliquis longissimis, moschatis, nigris, Ammon. char. plant. 436.

Lobus oblongus, aromaticus. Cat. jam. 70.

Lobus aromaticus, subfuscus, terebenthi corniculis similis. C. B. P. 404.

Lobus oblongus, aromaticus, odore ferè belzuini, J. B. I. 428.

Descriptions de cette plante. Nous n’avons point encore de description exacte de la plante qui fournit la vanille du Méxique, de ses caracteres, & de ses especes.

Les uns la rangent parmi les lierres ; selon eux, sa tige a trois ou quatre lignes de diametre, & n’est pas tout-à fait ronde. Elle est assez dure, sans être pour cela moins liante & moins souple ; l’écorce qui la couvre est fort mince, fort adhérente, & fort verte ; la tige est partagée par des nœuds éloignés les uns des autres de six à sept pouces ; c’est de ces nœuds que sortent les feuilles toujours couplées ; elles ressemblent beaucoup pour la figure à celles du laurier, mais elles sont bien plus longues, plus larges, plus épaisses, & plus charnues ; leur longueur ordinaire est de cinq à six pouces, sur deux & demi de large ; elles sont fortes & pliantes comme un cuir, d’un beau verd vif, & comme vernissées par-dessus, & un peu plus pâles par-dessous.

Hermandez, dont le témoignage paroît être ici d’un grand poids, prétend que cette herbe est une sorte de liseron, qui grimpe le long des arbres, & qui les embrasse ; ses feuilles ont, suivant lui, onze pouces de longueur ou de largeur, sont de la figure