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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/861

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VAUD, pays de, (Géog. mod.) en latin du moyen âge, comitatus Waldensis ; & en Almand, Wath ; contrée de la Suisse, dépendante du canton de Berne. Ce pays où le peuple parle le françois ou le roman, & non pas l’Allemand, s’étend depuis le lac de Genève, jusqu’à ceux d’Yverdun & de Morat. Il touche à l’orient au pays de Cex, & le mont Jura le sépare de la Franche-Comté vers l’occident. Il est assez probable, que ce pays a à-peu-près les mêmes bornes que le pagus Urbigenus de César, dont la ville d’Orbe, en latin Urba, retient le nom.

Quoi qu’il en soit, le pays de Vaud fit partie de la province nommée maxima sequanorum ; & sous les Bourguignons & les Francs, après la ruine de l’empire Romain, il fut de la Bourgogne tranjurane. Les empereurs allemands ayant succédé aux rois de Bourgogne, donnerent le pays de Vaud aux princes de Zéringen. Dans la suite des tems, il fut partagé entre trois seigneurs ; savoir, l’évêque de Lausanne, le duc de Savoye, & les deux cantons de Berne & de Fribourg comptés pour un seigneur.

Le premier étoit seigneur de la ville de Lausanne, des quatre paroisses de la Vaux, d’Avenche & de Vevay. Les cantons de Berne & de Fribourg possédoient en commun les trois bailliages d’Orbe, de Granson & de Morat. Le duc de Savoye possédoit tout le reste, qu’il gouvernoit par un grand-bailli joint aux états du pays qui s’assembloient à Moudon. Ces états contenoient quatorze villes ou bourgs, dont les principaux étoient Moudon, Yverdun, Morges, Nyon, Romont, Payerne, Estavayer & Cossonay. Mais tout le pays de Vaud passa sous la puissance de Berne dans le tems de la réformation.

Le duc de Savoye s’avisa pour son malheur, de commencer par chagriner les Genevois, au sujet de leur changement de religion. La ville de Berne lui envoya des députés pour le prier de laisser à Genève, le libre exercice de la religion qu’elle avoit choisie. Les députés n’ayant rien pû obtenir, les Bernois leverent des troupes, entrerent en armes sur les terres du duc, & dans moins de cinq semaines, ils s’emparerent, non-seulement de ce qu’il possédoit dans le pays de Vaud, mais pénétrerent encore dans l’intérieur de la Savoye. Cette conquête se fit en 1536 sur Charles, duc de Savoye, qui avoit été dépouillé de ses états par François I. Enfin par la médiation des autres cantons Suisses, les Bernois remirent au duc tout ce qu’ils lui avoient pris au-delà du lac de Genève, à condition qu’ils demeureroient à perpétuité possesseurs du reste, dont ils sont encore aujourd’hui souverains. Comme ils s’étoient aussi emparés de la ville & de l’évêché de Lausanne, ils en garderent la possession, & abolirent généralement le culte de l’Eglise romaine dans toutes leurs conquêtes.

Rien de plus agréable que les deux quartiers du pays de Vaud, qui sont à droite & à gauche du lac de Zurich, ainsi que la partie qui est située proche du lac de Genève. « On admire ses riches & charmantes rives où la quantité de villes, le peuple nombreux qui les habite, les côteaux verdoyans & parés de toutes parts forment un tableau ravissant, terminé par une plaine liquide d’une eau pure comme le crystal ; pays où la terre par-tout cultivée, & par-tout féconde, offre aux laboureurs, aux pâtres, aux vignerons, le fruit assuré de leurs peines, que ne dévore point l’avide publicain. On voit le Chablais sur la côte opposée, pays non-moins favorisé de la nature, & qui cependant n’offre aux regards qu’un spectacle de misere. On distingue sensiblement les différens effets de deux gouvernemens pour la richesse, le nombre & le bonheur des hommes. C’est ainsi que la terre ouvre son sein fertile, & prodigue ses trésors aux heureux peuples qui la cultivent pour eux-mêmes.

Elle semble sourire & s’animer au doux spectacle de la liberté ; elle aime à nourrir des hommes. Au contraire, les tristes masures, la bruyere, les ronces & les chardons qui couvrent une terre à demi-serte, annoncent de loin qu’un maître absent y domine, & qu’elle donne à regret à des esclaves, quelques maîgres productions, dont ils ne profitent pas ».

On connoît à cette peinture, brillante & vraie, l’Auteur d’Emile, d’Héloise, & de l’Egalité des conditions. (D. J.)

VAUDEMONT, (Géog. mod.) en latin Vadani mons, bourg du duché de Lorraine, au département du Barrois. Il a été long-tems le chef-lieu du comté de Vaudemont, mais il a dépuis cédé cet honneur à la petite ville de Vezelize. (D. J.)

VAUDEVILLE, s. m. (Poésie.) le vaudeville est une sorte de chanson, faite sur des airs connus, auxquels on passe les négligences, pourvû que les vers en soient chantans, & qu’il y ait du naturel & de la saillie.

Despréaux dans son art Poëtique, a consacré plusieurs beaux vers à rechercher l’origine, & à exprimer le caractere libre, enjoué & badin, de ce petit poëme, enfant de la joie & de la gayeté.

Si on l’en croit, le vaudeville a été en quelque sorte démembré de la satyre ; c’est un trait mordant & malin, plaisamment enveloppé dans un certain nombre de petits vers coupés, & irréguliers, plein d’agrément & de vivacité : Voici comme il en parle, après avoir peint l’esprit du poëme satyrique.

D’un trait de ce poëme, en bons mots si fertile
Le François né malin, forma le vaudeville
Agréable, indiscret, qui conduit par le chant
Passe de bouche en bouche, & s’accroît en marchant.
La liberté françoise en ces vers se déploie ;
Cet enfant de plaisir veut naître dans la joie.

Cependant le vaudeville ne s’abandonne pas toujours à une joie boufonne, il a quelquefois autant de délicatesse qu’une chanson tendre, témoin le vaudeville suivant qui fut tant chanté à la cour de Louis XIV, & dont Anacréon pourroit s’avouer l’auteur.

Si j’avois la vivacité
Qui fit briller Coulange ;
Si j’avois la beauté
Qui fit régner Fontange ;
Ou si j’étois comme Conti
Des graces le modele ;
Tout cela seroit pour Crequi,
Dût-il m’être infidele !

On dit qu’un Foulon de Vire, petite ville de Normandie, inventa les vaudevilles, qui furent d’abord nommés vaudevires, parce qu’on commença à les chanter au Vau de Vire.

André du Chesne, après avoir parlé de ce pays, dans ses antiquités des villes de France, dit que « d’icelui ont pris leur origine ces anciennes chansons qu’on appelle communément vaudevilles pour vaudevires, desquels, ajoute-t-il, fut auteur un Olivier Basselin, ainsi que l’a remarqué Belleforest ».

M. Ménage, qui a cité ces paroles, cite aussi celles de Belleforest, qui se trouvent au II. Vol. de sa cosmographie ; & il conclut de ce passage, & de quelques autres qu’il rapporte, que ceux-là se sont trompés, qui ont cru que ces chansons sont appellées vaudevilles, parce que ce sont des voix de ville, ou qu’elles vont de ville en ville. De ce premier sentiment ont été Jean Chardavoine, de Beaufort, en Anjou, dans un livre intitulé : Recueil des plus belles & des plus excellentes Chansons, en forme de voix de ville ; & Pierre de Saint-Julien, dans ses mélanges historiques. M. de Callieret est pour le second senti-