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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/869

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plante sur la terre si vague & si flottante qui ne soit toujours adhérente à un corps tel qu’il soit, quoique ce corps soit de différente nature, comme est la terre à l’égard de nos plantes communes, la pierre à l’égard des plantes de roche, comme l’eau à l’égard des plantes de mer, & enfin comme l’air à l’égard de quelques mucilages.

Pour ce qui est d’un petit nombre de plantes qui semblent flotter sur l’eau, leur maniere de croître est un peu anomale ou irréguliere. M. de Tournefort a fait voir que toutes les plantes ne naissent point absolument des semences, mais il y en a qui, au-lieu de jetter de la semence, déposent ou font tomber une petite goutte de seve, laquelle, en s’enfonçant dans l’eau, atteint par sa pesanteur naturelle jusqu’au fond de la mer, ou rencontre en chemin quelque rocher où elle s’attache, prend racine & jette des branches : telle est, par exemple, l’origine du corail.

Ajoutez à cela qu’il est indifférent de quelle maniere une plante jette sa racine, soit en haut, soit en-bas ; par exemple, l’aloës, le corail, la mousse & les champignons ont souvent la racine en-haut & croissent vers la terre.

La structure vasculaire des végétables a été rendue fort sensible par une expérience de M. Willugby : on coupe quelques branches des plus épaisses de bouleau, on applique à leurs extrémités une espece de bassin ou réservoir de cire molle ; on l’emplit d’eau, & on tient les branches droites : dans cet état, l’eau descend en peu de minutes dans les vaisseaux de bois, & s’écoule entierement à-travers la longueur des branches en tombant goutte-à-goutte & très-promptement, ce qu’elle continue de faire tant que l’on verse de l’eau dans le bassin. La même expérience réussit dans le sycomore & le noyer, mais l’écoulement n’est pas si copieux. Voyez les Transactions philosophiques, n°. 70.

Il y a des secrets pour hâter l’accroissement des végétables d’une maniere surprenante. M. Boyle fait mention d’un savant qui, à la fin du repas, régala ses amis d’une salade de laitue qu’il avoit semée en leur présence immédiatement avant de se mettre à table.

Les Chimistes nous fournissent aussi une sorte de végétaux fort extraordinaires, comme l’arbre de Diane, l’arbre de Mars, &c. En effet de l’or, de l’argent, du fer & du cuivre ayant été préparés dans de l’eau-forte, il s’en éleve une espece d’arbre qui végete & croît à vue-d’œil, & étend ses branches & ses feuilles de toute la hauteur de l’eau jusqu’à ce qu’il ait épuisé & dépensé toute la matiere qui est au fond. Voyez Arbre de Diane, &c.

Cette eau est appellée par les Chimistes flent water, & c’est Rhodocanasses, chimiste grec, qui en a communiqué le secret.

Huile végétable, voyez Huile.

VÉGÉTAL, adj. & subst. (Gram.) c’est le terme le plus étendu de la Botanique. Il se dit de toute plante & de tout ce qui croît par la végétation, ou à la maniere des plantes. Voyez Végétaux.

Végétal, (Chimie ou analyse végétale.) une substance végétale, une matiere végétale est pour le chimiste un corps quelconque provenu du regne végétal, soit que ce corps soit organisé, tel que les végétaux entiers, ou leurs différentes parties, tiges, racines, fleurs, &c. ou qu’il soit non-organisé, comme divers sucs concrets ou liquides, tels que les baumes, les résines, la gomme, &c. & enfin les produits quelconques des travaux chimiques sur les substances végétales, tels que l’esprit-de-vin, l’alkali fixe, diverses huiles, &c. sont encore des substances végétales.

Les matieres végétales organisées, ou tissues, texta, (voyez Tissu, Chimie.) ne different chimiquement des matieres végétales non organisées, que par

leur ordre respectif de composition ; elles sont entre elles comme le composé est à ses principes ; car le tissu végétal est chimiquement formé par le concours de plusieurs de ces matieres végétales non organisées, soutenues par une charpente terreuse plus ou moins renforcée, & dans laquelle réside principalement l’organisation, dont les Chimistes ne se mettent point en peine, ou ce qui est la même chose, qui n’est point un objet chimique.

Les substances végétales de la premiere espece, les végétaux proprement dits, sont offerts immédiatement par la nature ; les substances végétales non organisées qui sont, comme nous venons de l’observer, les principes communs des végétaux, se présentent aussi quelquefois d’eux-mêmes, comme la gomme vulgaire, les baumes, les bitumes, que les Chimistes regardent avec beaucoup de probabilité, comme ayant une origine végétale. (Voyez Charbon de terre, &c.) Mais plus souvent ils ne sont manifestés que par l’art qui les a successivement tirés des végétaux pour divers usages. Il est clair par le simple énoncé que les substances végétales de la troisieme espece, savoir les produits des opérations chimiques, sont toujours des présens de l’art.

L’énumeration des différentes substances organisées, sur lesquelles les Chimistes se sont exercés, est assez connue ; elle renferme les tiges soit ligneuses, soit herbacées, les racines ligneuses, charnues, bulbeuses, &c. les écorces, les feuilles, les calices des fleurs, les pétales, les pistils, les étamines, & même leurs poussieres, les semences, & toutes leurs différentes especes d’enveloppe, parmi lesquelles on doit compter les pulpes des fruits & leurs écorces ; toutes leurs especes de plantes moins parfaites ou moins connues, comme champignons, mousses, & vraissemblablement toutes les especes de fleurs ou moisissures, &c.

Les substances végétales de la seconde espece, c’est-à-dire, celles qui proviennent soit naturellement, soit par art, des substances précédentes, sont une eau aromatique ou non aromatique ; le principe aromatique, l’acide spontané, l’alkali volatil spontané, le principe vif, piquant, indéfini, tel que celui de l’oignon, de la capucine, &c. l’huile essentielle, différentes especes d’huiles grasses, le baume, la résine, la gomme ou le mucilage, la gomme résine, l’extrait, la résine extrait, le corps muqueux, le sel essentiel, acidule, la partie colorante verte, & plusieurs autres matieres colorantes.

Nous énoncerons dans la suite de cet article toutes les substances végétales de la troisieme espece, c’est-à-dire véritablement artificielles.

Les Chimistes ont procédé à l’analyse des végétaux entiers ou de leurs parties, c’est-à-dire, des substances végétales de notre premiere espece, par deux moyens différens ; savoir par la distillation analytique, c’est-à-dire exécutée à la violence du feu, & sans intermede ; (voyez Distillation.) & par l’analyse menstruelle, &c. Voyez Menstruelle, analyse.

Toutes ces substances ont fourni assez généralement par le premier moyen, les produits suivans ; 1°. une eau ou flegme limpide, quelquefois aromatique, quelquefois inodore, selon que la matiere traitée est aromatique ou inodore ; mais dans le dernier cas même, annonçant jusqu’à un certain point la substance particuliere qui l’a fourni ; & toujours très-distinctement le regne auquel appartient cette substance, le regne végétal ; 2°. un flegme coloré & légerement empreint de l’odeur empyreumatique ; 3°. un flegme plus coloré, un peu trouble, & chargé d’une petite quantité d’esprit salin, quelquefois acide, mais plus souvent alkali ; une petite quantité d’huile jaunâtre & assez limpide, un peu d’air ;