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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/961

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près de l’air, qu’à la puissance immédiate des racines, puisque si l’on détruit cette souche, ou qu’on enleve son écorce avec le bourrelet, les racines cessent de tirer, & périssent bien-tôt après. Cette observation ne regarde pas les arbres dont les racines courent horisontalement, & qui par leur communication avec l’air extérieur sont disposés à faire beaucoup de rejettons.

Fondés sur les observations que nous venons de rapporter, ne pourroit-on pas hasarder les conjectures suivantes sur les causes de l’élevation de la seve dans les végétaux ?

1°. Que les racines attirent par leurs extrémités capillaires, qui sont d’une très-grande étendue & d’un tissu fort spongieux, l’humidité de la terre que le soleil entretient continuellement autour d’elles.

2°. Qu’elles transmettent cette humidité aux vaisseaux du bois par l’élasticité de leur écorce, sans lui permettre de rétrograder, puisqu’on voit dans les expériences de M. Hales sur les pleurs de la vigne, que ses racines ont soutenu sans être forcées, le poids d’une colomne d’eau de plus de quarante-trois piés.

3°. Que l’action du soleil sur toutes les parties des végétaux, & particulierement sur les feuilles, excitent dans les fibres spirales des jeunes trachées, des vibrations qui s’étendent jusqu’aux racines, en vertu desquelles la lymphe est déterminée uniformément vers le haut.

4°. Que ce mouvement est favorisé par l’air qui s’insinue par les pores de l’écorce, & surtout par toutes les cicatrices du pétale des feuilles qui sont tombées les années précédentes.

5°. Enfin que ce mouvement est encore aidé par la structure particuliere des vaisseaux séveux, par leurs anastomoses fréquentes dans toute sorte de sens, par la communication perpétuelle avec le tissu cellulaire, dont les cavités forment autant de réservoirs & de points de repos.

Les mouvemens de la seve nourriciere sont plus difficiles à déterminer que ceux de la seve lymphatique ; cette seve, bien plus obscure dans son origine, & plus lente dans sa marche, ne présente pas des phénomenes aussi frappans que ceux de la transpiration, & des pleurs, dont on peut peser & mesurer la quantité. Il est croyable que la seve nourriciere est le produit de la lymphe, dont les parties propres à l’organisation ont été séparées dans des vaisseaux sécretoires, dont la structure nous est encore inconnue, tandis que la lymphe superflue est dissipée par la transpiration.

Le livre paroît être l’organe où réside cette matiere propre à la nourriture & à l’accroissement des végétaux : nous avons vu que c’est de cet organe que partent d’un côté les nouvelles couches des fibres ligneuses, & de l’autre la nouvelle couche corticale toujours plus mince que celle du bois.

Lors donc que l’action du soleil a fait élever une quantité suffisante de seve lymphatique (dont un arbre peut perdre une certaine quantité sans aucun préjudice), les extrémités du livre qui se terminent aux boutons commencent à s’alonger par l’arrivée des nouveaux sucs, préparés apparemment dans le tissu cellulaire, qui se prolonge aussi en même tems par la formation de nouvelles cellules. Ce développement sensible des bourgeons est le premier signe du mouvement de la seve nourriciere : peu de tems après le tissu cellulaire, qui unit le livre à la derniere couche du bois, commence à s’imbiber de la seve qui lui est fournie par le livre dans toute l’étendue du tronc ; & comme il est encore fort tendre, c’est en ce moment qu’on peut le séparer du bois fort aisément. Mais comme dans cet intervalle les bourgeons se sont assez étendus pour transpirer promptement la lym-

phe qui monte par les vaisseaux du bois ; cette seve

ne paroît plus sous d’autre forme que sous celle d’une vapeur qui ne se répand plus comme les pleurs, lorsqu’on taille le bois.

Il paroît donc par ces observations que la seve nourriciere commence à se mouvoir dans le livre qui forme les boutons aux parties les plus élevées de l’arbre, qu’ensuite elle se manifeste dans les autres parties du livre en descendant peu-à-peu jusqu’a la racine : car si on juge de son mouvement par la facilité qu’a l’écorce à se séparer du tronc, il est certain que cette séparation est possible sur les jeunes branches, avant que de l’être au bas du tronc : il en est de même dans les derniers tems de la seve, à la fin d’Août l’écorce du tronc & du vieux bois est déjà fort adhérente, quand elle peut encore se séparer dans les jeunes branches, comme si cette seve n’étoit plus produite en assez grande quantité pour s’éloigner du lieu de son origine.

Ce mouvement de la seve nourriciere observé par les jardiniers, & l’observation des bourrelets qui se forment toujours plus gros au-dessus des ligatures qu’on fait autour du tronc d’un arbre qu’au-dessous, ont sans doute fait naître l’idée de la circulation de la seve, qui sans être semblable à la circulation du sang dans les animaux, a cependant quelque réalité dans le sens des observations que nous venons de rapporter.

Lorsque la seve nourriciere est plus abondante qu’il n’est nécessaire par l’alongement des bourgeons, & la production des couches ligneuses, elle se porte du côté de l’écorce vers les endroits où elle trouve le moins de résistance, & là perçant peu-à-peu l’écorce & se formant une enveloppe de la portion du livre qu’elle a dilaté, elle forme insensiblement un bouton dans lequel, par l’effet de l’organisation du livre, il doit se former un bourgeon avec toutes les parties qui en dépendent.

Il n’y a pas d’endroit dans toute l’étendue du livre où il ne puisse se former une semblable éruption ; mais l’expérience fait voir que toutes ne sont pas de même nature, & que quelques unes de ces productions sont organisées pour devenir des boutons à feuilles, d’autres des boutons à fleurs, d’autres enfin des boutons de racines, ce sera la circonstance dans laquelle se trouvera quelque jour chaque partie du livre qui déterminera s’il en doit sortir un bouton à feuilles ou une racine ; ainsi lorsque dans un tems de repos (par rapport à la seve nourriciere), on coupera une branche d’arbre ou un bâton, quelle que soit l’extrémité qu’on enfoncera en terre, toutes les éruptions du livre formeront des racines, & tendront toujours naturellement vers le bas ; & les éruptions qui se feront dans les parties de la branche qui sera à l’air, deviendront des boutons à feuilles, & tendront toujours à s’élever.

L’organe du livre fait encore une sorte de production bien plus compliquée que les précédentes ; mais si parfaite, qu’il semble que ce soit son dernier effort : j’entends celle des parties de la fructification, destinées à produire des semences capables de multiplier les especes, & de les représenter jusqu’à la fin du monde telles que Dieu les a créées au commencement.

Les botanistes distinguent sept sortes de parties qui concourent à la fructification ; savoir, le calice, la corolle, les étamines, le pistil, le fruit, la semence & le support, ou la base de toutes ces parties.

Le calice est une expansion de l’écorce qui s’évase à l’extrémité d’un bourgeon ; il est doublé d’une membrane, qui est une production du livre, & dans laquelle les liqueurs colorées font découvrir des trachées : on peut le regarder comme une enveloppe destinée à défendre les parties essentielles de la fructification, & aussi à faire transpirer la lymphe qui