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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/24

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les bains des hommes & ceux des femmes furent encore une fois séparés, & la modestie y fut rétablie.

Les ustenciles ou instrumens des bains, outre les vases propres à faire chauffer & à verser l’eau, étoient les baignoires, les étrilles. Voyez Baignoire, Etrille.

Les bains particuliers, quoique moins vastes que les bains publics, étoient de la même forme, mais souvent plus magnifiques & plus commodes, ornés de meubles précieux, de glaces, de marbres, d’or & d’argent. On pouvoit s’y baigner à toute heure ; & l’on rapporte des empereurs Commode & Galien, qu’ils prenoient le bain cinq ou six fois le jour. Mém. de l’Acad. des Belles Lettres, tome I. & III. (G)

* Parmi nous, les bains publics sur la riviere, ne sont autre chose que de grands bateaux, appellés toue, faits de sapin, & couverts d’une grosse toile, autour desquels il y a de petites échelles attachées par des cordes, pour descendre dans un endroit de la riviere où l’on trouve des pieux enfoncés d’espace en espace, qui soûtiennent ceux qui prennent le bain.

Nous appellons bains domestiques ceux que l’on pratique dans la maison des grands ou des particuliers : ils se prennent dans des baignoires de métal, dans lesquelles l’eau est amenée par des conduits de plomb qui descendent d’un réservoir un peu élevé, rempli de l’eau du ciel, ou par le secours d’une pompe. Ces tuyaux garnis de robinets, viennent, avant d’entrer dans la baignoire, se distribuer dans une cuve placée sur un fourneau, qui la tient dans un degré de chaleur convenable.

Ces bains sont composés d’un appartement distribué en plusieurs pieces : savoir, d’une anti-chambre pour tenir les domestiques pendant que le maître est au bain, d’une chambre à lit pour s’y coucher au sortir du bain, d’une salle où est placée la baignoire. d’un cabinet à soûpape ou d’une garderobe, d’un cabinet de toilette, d’une étuve pour sécher les linges & chauffer l’eau, de dégagement, &c. Il est assez d’usage de placer deux baignoires & deux lits dans ces appartemens, ces bains se prenant ordinairement de compagnie, lorsqu’on est en santé.

Ces bains doivent avoir un petit jardin particulier pour faire prendre de l’exercice, sans être vû, aux personnes qui prennent ces bains plûtôt par indisposition que par propreté.

Ces appartemens sont ordinairement décorés de lambris, de peintures, de dorure, & de glaces. C’est dans cette occasion qu’un Architecte qui a du génie, peut donner carriere à son imagination, ces sortes de pieces n’étant pas susceptibles de la sévérité des regles de l’art. Au contraire j’estime que c’est dans ces sortes de pieces seulement qu’il convient de répandre de l’élegance & de l’enjouement : dans l’ordonnance de la décoration de ces petits appartemens, les Vateaux, les Lancrets, peuvent y donner le ton, aussi-bien que les ornemens arabesques, les plans de Chinois, les magots, &c. Tout est de leur ressort, pourvû qu’il y soit ajusté avec goût & discernement. (P)

Bain de santé ou de propreté (en Medecine.) Les Medecins toûjours attentifs à chercher des secours contre les maladies, remarquerent les bons effets qu’il produisoit, & le mirent au nombre de leurs remedes.

On ordonna le bain de différentes façons, c’est-à-dire, qu’il y en eut de chauds & de froids, de généraux & de particuliers.

Dans les bains généraux, soit chauds ou froids, le corps est plongé jusqu’au-dessus des épaules ; dans les particuliers, on ne trempe que la moitié du corps, ce qui s’appelle demi-bain. Celui où on ne trempe que les piés & une partie des jambes, s’appelle pédiluve. On peut aussi rapporter aux bains particuliers les di-

verses especes de fomentations, & les douches. Voyez

Fomentation & Douche.

Les différentes qualités de l’eau, que l’on employe pour le bain, en changent la propriété. Dans les cas où on a intention de ramollir les fibres, & de procurer quelque rélâchement dans toute l’habitude du corps, le bain chaud d’eau douce simple, ou mêlée avec des médicamens émolliens, satisfera à cette indication.

Quand il est question de resserrer la texture des fibres, de leur rendre le ressort qu’elles auront perdu, rien de plus convenable que le bain d’eau froide ; je déduirai par la suite les raisons de cette diversité.

On a encore divisé les bains en domestiques, qui sont ceux que l’on prend chez soi ou chez les Baigneurs, & que l’on compose de plusieurs façons ; il y en a de lait, de décoctions de plantes émollientes, d’eau de son, &c. en bains d’eaux minérales, qui sont ou thermales ou acidules, dont les effets sont différens, selon les principes que ces eaux contiennent : en bains d’eau de riviere, de fleuve ou de mer ; & en bains secs, tels que ceux d’esprit de vin ; ceux de vapeurs du cinabre, que l’on nomme fumigation. Voyez Fumigation : ceux de marc de raisin, de cendres, de sels, de sable, &c. auxquels on peut encore joindre l’application des boues ou bourbes sur tout le corps, qui se pratique en quelques endroits.

Pour expliquer l’action des bains, il faut d’abord poser pour principe que l’eau qui en fait la base, penetre par sa fluidité presque tous les corps, & surtout ceux dont la texture est assez lâche, pour que l’eau puisse trouver entre les fibres dont ils sont composés, des interstices que l’on appelle pores. Voyez Pore.

Le corps humain est un de ceux dans lesquels on en remarque en plus grand nombre ; la déperdition de substance à laquelle il est sujet par la transpiration, prouve assez ce que j’avance. Lorsque le corps se trouve exposé à un certain volume d’eau capable de le presser de tous les côtés, & dont chaque goutte a une pesanteur naturelle, elle s’insinue dans chacun de ses interstices, dont elle augmente la capacité par le relâchement que procure son humidité : parvenue après un certain tems jusqu’à l’intérieur du corps, elle se mêle avec le sang ; aidée d’ailleurs par les contractions réitérées du cœur, qui augmentent à proportion de la pression, elle détruit la cohésion trop forte des molécules du sang, le fait circuler avec plus de facilité, & le rend plus propre aux secrétions ; augmente celle des esprits animaux, si nécessaire pour l’entretien des forces & l’exécution de toutes les fonctions, en même tems qu’elle met le sang en état de se dépouiller des parties nuisibles que son trop grand épaississement, ou sa trop grande lenteur à circuler, y avoient amassées.

Ces principes posés, il ne sera pas difficile de déduire les raisons des phénomenes qu’on observe, selon le degré de chaleur ou de froid des eaux qu’on employe, & la différence des matieres dont elles sont imprégnées. En augmentant la chaleur de l’eau simple, on lui donne un degré d’élasticité dont elle est redevable aux parties ignées qu’elle contient, & qui la rendent plus pénétrante. Lorsqu’elle se trouve chargée de parties ferrugineuses, & chaudes en même tems, son ressort & son poids sont augmentées en raison réciproque de sa chaleur, & de la quantité de fer dont elle est chargée, & qui la rend propre à guérir plusieurs maladies qui ont pour cause l’embarras du sang dans ses couloirs. Si, au contraire, on employe l’eau froide, les effets en seront différens ; car quoique la fluidité & l’humidité soient la même, le froid loin de dilater les pores de la peau, les resserre en quelque sorte, empêche une trop grande évacuation par la transpiration, porte le calme dans la circula-