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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/404

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Brasse au vent tout court, se dit pour faire manœuvrer, ensorte que le vent ne soit pas au plus près. Brasse au plus près du vent, pour qu’il soit au plus près. Brasse sous le vent, c’est pour faire manœuvrer les vergues du côté opposé à celui du vent. Brasse à l’autre bord, pour faire brasser les vergues à l’autre bord. Brasse à porter, brasse à servir ; c’est pour faire brasser les vergues, ensorte que le vent donne dans les voiles. Brasser à contre, c’est-à-dire, brasser les bras du vent, & faire que le vent donne sur les voiles ; cela se pratique ordinairement lorsqu’on veut le mettre sur la voile de misene. C’est dans ce sens qu’on dit, brasse la misene à contre. (Z)

Brasser, (à la Monnoie.) verbe qui marque l’action de remuer le métal lorsqu’il a acquis l’état de fluidité. L’or ne se brasse point de même que l’argent & le billon. Voyez Brassoir.

* Brasser, terme de Pêcheur, c’est agiter & troubler l’eau avec la bouloire, pour faire sortir le poisson & le conduire dans les filets.

* Brasser, en terme de Tannerie, c’est remuer les cuirs, les agiter, & retourner pendant un certain tems dans une cuve remplie de tan & d’eau chaude, pour les rougir. Voyez Tanner.

* BRASSERIE, subst. f. attelier qui contient les cuves, chaudieres, moulins, & tous les autres instrumens, agrès & commodités nécessaires pour faire la bierre. La bierre est une boisson fort ancienne. V. Bierre. On peut dire en général, qu’elle se tire du grain : mais elle ne se tire pas du même grain, partout où l’on en fait. À Paris, & plus généralement on France, on n’y employe que l’orge. Quelques brasseurs seulement y mêlent, les uns un peu de blé, d’autres un peu d’avoine. Dans les provinces du nord de la France, telles que la Picardie, l’Artois, le Boulonois, la Flandre Françoise, elle ne se fait qu’avec le soucrillon, ou l’orge d’hyver, ou même avec l’espiotte, que nous appellons aussi l’escourgeon. Ce que nous nommons orge, s’appelle dans ces provinces pamele.

En Hollande, on brasse non-seulement avec l’orge soucrillon, mais encore avec le blé & l’avoine. Les brasseurs Hollandois, qui tirent de la bierre de chacun de ces trois grains, ont trois sortes différentes de bierre.

En Allemagne, où la bierre ne laisse pas que d’être fort commune, elle se fait aussi avec l’orge. On y employe quelquefois l’espiotte. L’espiotte est un grain, dont le noyau ressemble assez à celui du seigle, excepté qu’il est plus court & plus plat. La coque qui le renferme ne differe guere de celle du blé ; on a seulement beaucoup plus de peine à en faire sortir le grain, même en le battant à la maniere des autres grains ; aussi on se contente d’en briser les épis : on le fait germer & on le mout dans sa coque.

En Angleterre, où la bierre est très-commune, on la fait ainsi qu’ailleurs, avec l’orge, le blé & l’avoine.

Une brasserie est un bâtiment très-considérable ; le nombre des agrès ne l’est pas moins : les principaux sont le germoir, la touraille, le moulin, les cuves, les chaudieres, &c.

Pour brasser, suivant notre façon de Paris, il faut avoir de bon orge, que l’on met tremper dans de l’eau naturelle pendant l’espace de trente à quarante heures, plus ou moins, selon que les eaux sont plus ou moins dures & l’orge plus ou moins sec. Au reste en quelque tems que ce soit, & de quelque nature que soit l’orge, on jugera qu’il aura assez d’eau, quand en le serrant entre les doigts, il cédera facilement à la pression & s’écrasera sans peine sous l’ongle ; alors on le retirera de la cuve où on l’aura fait mouiller, & on le transportera dans le germoir.

Du germoir. Le germoir, ainsi que le nom l’indique assez, est un lieu où l’on met germer le grain

mouillé qu’on destine à faire de la bierre. Il y en a de deux especes : les uns sont de grandes caves voutées, on les regarde comme les meilleurs ; les autres de grandes salles au rez-de-chaussée. Le grain reste au germoir, en tas ou en mottes, communément vingt-quatre heures. Au bout de ce tems, qu’on lui accorde pour reboire son eau, comme on dit dans les brasseries, on le met en couches, c’est-à-dire qu’on étend les mottes ou tas, & qu’on les réduit à la hauteur de 8 à 9 pouces d’épaisseur, plus ou moins, selon que le germoir est plus ou moins échauffé. On laisse le grain dans cet état jusqu’à ce que par la chaleur naturelle qu’il trouvera dans lui-même, le germe commence à en sortir. Quand on verra le germe pointer hors du corps du grain, pour lors il faudra rompre.

On appelle rompre une couche de grain, la remuer avec une pelle, jetter le grain d’une place dans une autre, le retourner, & le remettre en couche comme auparavant, observant seulement de donner à la couche moins de hauteur. A moins que le grain n’eut été rompu trop jeune, c’est-à-dire, avant que le germe en fût assez avancé, on laissera la nouvelle couche de grain dans cet état pendant douze ou quinze heures, plus même, sur-tout si l’air qui regne dans le germoir est froid ; car alors la germination se fera beaucoup plus lentement.

Au bout des douze ou quinze heures, le germe s’étant accru considérablement, & la chaleur s’étant beaucoup augmentée, on redonnera encore un coup de pelle au grain, observant de l’éventer plus que la premiere fois : cette manœuvre s’appelle donner le second coup de pelle. On finira le second coup de pelle, par remettre le grain en couche ; il y restera encore douze à quinze heures, ce tems lui suffira pour achever de pousser son germe au point qui convient pour être en état de passer sur la touraille.

De la touraille. La touraille est une des portions principales d’une brasserie. Sa partie supérieure ABCD, figure premiere, Brasserie, Planche premiere, a la forme d’une pyramide équilatérale, creuse, dont le sommet seroît tronqué, & la base en-haut. Le corps ou les faces en sont composées de pieces de bois assemblées & revêtues en-dedans d’une maçonnerie de brique, faite sur un lattis tel que celui des platfonds ; & pour préserver les bois d’un incendie presqu’inévitable, la maçonnerie de brique est enduite de bonnes couches de plâtre : x, y, z, sont trois faces intérieures de la pyramide ou tremie de la touraille. On a pratiqué à l’une de ces faces une porte pour pouvoir entrer dans le corps de la touraille, en cas de besoin.

La base de cette pyramide ou la superficie supérieure de cette tremie ABEF, est un plancher fait de tringles de bois de 3 pouces d’équarrissage. Chaques tringles laissent entr’elles le même intervalle, ensorte que la surface entiere ABEF, est tant pleine que vuide. Sur ces tringles de bois, qui sont communément de sapin, on étend une grande toile de crin, que l’on nomme la haire. La haire couvre tout le plancher ABEF de la touraille ; cet espace est environné & surmonté de madriers, au défaut de muraille. Sur ces madriers sont attachées des bandes de chêne, que l’on nomme costieres. Les costieres débordent, ou comme on dit, recouvrent sur l’aire du plancher, & empêchent le grain de s’échapper par les rebords, & de tomber dans le corps de la touraille.

Sous la tremie ABCD ou sous le corps de la touraille, en est une autre de maçonnerie CDGH, de la forme d’un parallelepipede. C’est dans l’intérieur de ce solide qu’est construit le fourneau de la touraille, dont on voit l’intérieur par la bouche I. Ce fourneau a communément vingt pouces de large, quatre piés & demi de long dans œuvre, non compris son embouchure, qui se trouvera plus ou moins