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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/596

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me en oreillers, traversin, matelats, &c. les œufs & la chair en sont bons. Il faut choisir les plus grosses, & donner huit ou dix femelles à chaque mâle : on leur jette à manger le soir & le matin avec le reste de la volaille, & la même nourriture. Elles sont carnacieres, cependant elles ne font point de dégât : elles commencent ordinairement leur ponte en Mars, & la continuent jusqu’à la fin de Mai ; il faut alors les retenir sous le toît jusqu’à ce qu’elles ayent pondu : on employe souvent les poules à couver les œufs d’oie & de cane, parce qu’elles sont plus assidues ; qu’une poule peut couver une douzaine d’œufs, & que la cane n’en sauroit guere couver que six : il faut trente-un jour de couvée pour faire éclorre les canetons ; on les éleve comme les poussins ; on ne les laisse sortir qu’au bout de huit à dix jours.

On ne donne que six femelles à chaque mâle de canes d’Inde : leurs canetons s’élevent plus difficilement que les autres ; on ne leur donne dans le commencement que des miettes de pain blanc détrempées dans le lait caillé.

Les mâles d’entre les canes d’Inde se mêlent souvent avec les canes communes, & il en vient des canes bâtardes qui sont assez grosses, & qui s’elevent bien.

Canée, (la) Géog. ville forte de l’île de Candie, avec un port. Long. 41. 43. lat. 35. 28.

CANELLE, s. f. (Botanique exotique.) c’est la seconde écorce & l’intérieure d’un arbre qui ne croît plus que dans l’île de Ceylan.

Les Hollandois sont parvenus à faire seuls le commerce de la canelle. Les histoires anciennes ne nous fournissent pas d’exemples de nation, qui ait fait dans le commerce en aussi peu de tems un progrès pareil à celui des Hollandois, surtout au milieu des guerres étrangeres & des divisions domestiques. Plusieurs causes ont concouru à procurer aux Hollandois ce grand avantage ; la nécessité de se domicilier dans un terroir ingrat, d’y subsister par artifice, de défendre des prises sur mer, les formerent d’abord à de petites courses, ensuite à des armemens, enfin à la navigation, à la création de puissantes compagnies, & au commerce le plus étendu dans les quatre parties du monde. Aussi cette nation possede en ce genre des qualités très-essentielles : de ce nombre sont un génie né pour la pêche, une frugalité naturelle, un goût dominant pour l’épargne, pour le travail, & pour la propreté, qui sert à conserver leurs vaisseaux & leurs équipages. Ajoûtez-y leur industrie & leur perséverance à supporter les plus grandes pertes sans se rebuter.

Par tous ces moyens ils établirent dans l’île de Java un second siége de leur empire, conquirent sur les Portugais d’un côté les îles Molucques, produisant seules le girofle, voyez Girofle ; & de l’autre l’île de Ceylan, autrefois Taprobane, seule féconde en canelle, écorce précieuse, d’un goût admirable, thrésor de luxe & de commerce, qui de superflu est devenu nécessaire.

Entrons dans les détails ; M. Geoffroi me fournira ceux de Botanique ; les Hollandois, éclairés sur cette matiere, m’en ont confirmé l’exactitude.

Description de la canelle. La canelle commune, cinnamomum des boutiques, est une écorce mince, tantôt de l’épaisseur d’une carte à joüer, tantôt de la grosseur de deux lignes : elle est roulée en petits tuyaux ou cannules, de la longueur d’une coudée, d’une demi-coudée, plus ou moins, d’un pouce de large le plus souvent ; d’une substance ligneuse & fibreuse, cassante cependant, dont la superficie est quelquefois ridée, quelquefois unie, de couleur d’un jaune rougeâtre, ou tirant sur le fer ; d’un goût acre, piquant, mais agréable, douceâtre, aromatique, un peu astringent, d’une odeur douce & très-pénétrante.

L’arbre qui la produit est le cinnamomum, foliis latis,

ovalis, frugiferum, Burm. Ther. Zeyl. pag. 62. tab. 27. laurus foliis oblongo-ovatis, trinerviis, nitidis, planis, Linn. Hort. Cliffort, 154.

Description du canellier. La racine de cet arbre est grosse, partagée en plusieurs branches, fibreuse, dure, couverte d’une écorce d’un roux grisâtre en dehors, rougeâtre en-dedans, qui approche de l’odeur du camphre ; le bois de cette racine est solide, dur, blanchâtre, & sans odeur.

Le tronc s’éleve à trois ou quatre toises, & il est couvert aussi bien que les branches qui sont en grand nombre, d’une écorce qui est verte d’abord, & qui rougit ensuite avec le tems : elle enveloppe le bois avec une petite peau & une croute grise ; son goût est foible lorsqu’elle est verte, mais douceâtre, acre, aromatique, & très-agréable lorsqu’elle est seche ; cette écorce récente, séparée de sa croûte qui est grise & inégale, enlevée en son tems, & séchée au soleil, s’appelle canelle ; le bois est dur intérieurement, blanc, & sans odeur.

Les feuilles naissent tantôt deux à deux, tantôt seule à seule : elles sont semblables aux feuilles du laurier ou du citronier ; elles sont longues de plus d’un palme, lisses, luisantes, ovalaires, terminées en pointe : lorsqu’elles sont tendres, elles ont la couleur de foie ; selon qu’elles sont plus vieilles, plus seches, elles sont d’un verd foncé en-dessus, & d’un verd plus clair en-dessous, soûtenues d’une queue d’un demi-pouce, épaisse, cannelée, terminée par trois filets nerveux qui s’étendent tout le long de la feuille, saillans des deux côtés, d’où partent de petites nervures transversales : enfin elles ont le goût & l’odeur de la canelle, caractere qui les distingue principalement de la feuille du malabathrum.

Les fleurs sont petites, étoilées, à six pétales, blanchâtres, & comme disposées en gros bouquet à l’extrémité des rameaux, portées sur des pédicules d’un beau verd, d’une odeur agréable, & qui approche de celle du muguet. Au milieu de la fleur est renfermé un petit cœur composé de deux rangs d’étamines, avec un pistil verd, noirâtre au sommet, qui se change en une baie ovalaire, longue de quatre ou cinq lignes, lisse, verte, d’abord, ensuite d’un brun bleuâtre, tachetée de pointes blanchâtres, fort attachées à un calice un peu profond, un peu épais, verd, partagé en six pointes.

Elle contient sous une pulpe verte, onctueuse, astringente, un peu acre & aromatique, un petit noyau cassant, qui renferme une amande ovalaire, acre, presque de couleur de chair, ou de pourpre légere.

Cet arbre naît, & ne se trouve présentement que dans l’île de Ceylan, où il seroit aussi commun dans les forêts & dans les haies, que le coudrier l’est parmi nous, si on n’avoit grand soin de l’arracher. Aussi ne le cultive-t-on que dans un espace d’environ quatorze lieues le long de la mer : mais cette petite étendue de pays en produit si abondamment, que sur le pié de la consommation de canelle qui se fait aujourd’hui, Ceylan en pourroit fournir aisément à quatre mondes comme le nôtre.

Les canelliers doivent avoir un certain nombre d’années avant qu’on enleve leur écorce : suivant même le terroir, la culture, & l’espece, ils donnent la canelle plus ou moins promptement. Ceux qui croissent dans des vallées couvertes d’un sable menu, pur & blanchâtre, sont propres à être écorcés au bout de trois ans ; au lieu que ceux qui sont plantés dans des lieux humides & marécageux, profitent beaucoup moins vîte. Ceux qui sont situés à l’ombre des grands arbres qui leur derobe les rayons du soleil, parviennent aussi plus tard à la maturité ; il y a même quelque différence entre les écorces des uns & des autres. L’écorce des canelliers plantés dans des lieux humides & ombragés, a un peu plus le goût du cam-