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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/6

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obtinuit, les oreilles n’entendent qu’un p dans la prononciation, optinuit : c’est ainsi que de scribo on fait scripsi.

Dans les anciennes inscriptions on trouve apsens pour absens, pleps pour plebs, poplicus pour publicus, &c.

Cujas fait venir aubaine ou aubene d’advena, étranger, par le changement de v en b : d’autres disent aubains quasi alibi nati. On trouve berna au lieu de verna.

Le changement de ces deux lettres labiales v, b, a donné lieu à quelques jeux de mots, entr’autres à ce mot d’Aurélien, au sujet de Bonose qui passoit sa vie à boire : Natus est non ut vivat, sed ut bibat. Ce Bonose étoit un capitaine originaire d’Espagne ; il se fit proclamer empereur dans les Gaules sur la fin du IIIe. siecle. L’empereur Probus le fit pendre, & l’on disoit, c’est une bouteille de vin qui est pendue.

Outre le changement du b en p ou en v, on trouve aussi le b changé en f ou en φ, parce que ce sont des lettres labiales ; ainsi de βρέμω est venu fremo, & au lieu de sibilare on a dit sisilare, d’où est venu notre mot siffler. C’est par ce changement réciproque que du grec ἄμφω les Latins ont fait ambo.

Plutarque remarque que les Lacédémoniens changeoient le φ en b ; qu’ainsi ils prononçoient Bilippe au lieu de Philippe.

On pourroit rapporter un grand nombre d’exemples pareils de ces permutations de lettres ; ce que nous venons d’en dire nous paroît suffisant pour faire voir que les réflexions que l’on fait sur l’étymologie, ont pour la plûpart un fondement plus solide qu’on ne le croit communément.

Parmi nous les villes où l’on bat monnoie, sont distinguées les unes des autres par une lettre qui est marquée au bas de l’écu de France. Le B fait connoître que la piece de monnoie a été frappée à Roüen.

On dit d’un ignorant, d’un homme sans lettres, qu’il ne sait ni a ni b. Nous pouvons rapporter ici à cette occasion, l’épitaphe que M. Menage fit d’un certain abbé :

Ci-dessous git monsieur l’abbé
Qui ne savoit ni a ni b ;
Dieu nous en doint bientôt un autre
Qui sache au moins sa patenôtre.(F)

B, chez les Grecs & chez les Romains, étoit une lettre numérale qui signifioit le nombre deux quand elle étoit figurée simplement ; & avec un accent dessous b, elle marquoit deux mille chez les Grecs.

B, dans les inscriptions, signifie quelquefois binus. On y trouve bixit pour vixit, berna pour verna ; parce que les anciens, comme on l’a dit plus haut, employoient souvent le b pour l’v consonne.

Les Egyptiens dans leurs hiéroglyphes, exprimoient le b par la figure d’une brebis, à cause de la ressemblance qu’il y a entre le bêlement de cet animal & le son de la lettre b. (G)

B, FA, SI, ou B FA, B MI, ou simplement B, est le nom d’un des sept sons de la gamme de l’Aretin, dans lequel les Italiens & les autres peuples de l’Europe repetent le b ; parce qu’ils n’ont point d’autre nom pour exprimer la note que les François appellent si. Voyez Gamme.

B MOL ou BEMOL, caractere de Musique qui a à peu-près la figure d’un b, & fait abbaisser d’un semi-ton mineur la note à laquelle il est joint.

Guy d’Arezzo ayant autrefois donné des noms à six des notes de l’octave, laissa la septieme sans autre nom que celui de la lettre b, qui lui est propre, comme le c à l’ut, le d au , &c. Or ce b se chantoit de deux manieres ; savoir, à un ton au-dessus du la selon l’ordre naturel de la gamme, ou seulement à un semi-ton du même la, lorsqu’on vouloit conjoindre les deux tétracordes. Dans le premier cas le si son-

nant

assez durement à cause des trois tons consécutifs, on jugea qu’il faisoit à l’oreille un effet semblable à celui que les corps durs & anguleux font à la main ; c’est pourquoi on l’appella b dur, ou b quarre, b quadro : dans le second cas, au contraire, on trouva que le si étoit extrèmement doux à l’oreille ; c’est pourquoi on l’appella b mol, & par la même analogie on l’auroit encore pû appeller b rond.

Il y a deux manieres d’employer le b mol : l’une accidentelle, quand dans le cours du chant on le place à la gauche d’une note ; cette note est presque toûjours la note sensible dans les tons majeurs, & quelquefois la sixieme note dans les tons mineurs, quand il n’y a pas à la clé le nombre de bémols qui doit y être. Le b mol accidentel n’altere que la note qu’il touche, ou tout au plus, celles qui dans la même mesure se trouvent sur le même degré, sans aucun signe contraire.

L’autre maniere est d’employer le b mol à la clé, & alors il agit dans toute la suite de l’air, & sur toutes les notes qui sont placées parallelement à lui sur la même ligne ou dans le même espace, à moins qu’il ne soit contrarié accidentellement par quelque dièse ou b quarre, ou que la clé ne change.

La position des b mols à la clé n’est pas arbitraire : en voici la raison. Ils sont destinés à changer le lieu des semi-tons de l’échelle : or ces deux semi-tons doivent toûjours garder entr’eux un intervalle prescrit, c’est-à-dire il faut que leurs notes homologues soient entr’elles à la distance d’une quarte d’un côté, & d’une quinte de l’autre ; ainsi la note mi inférieure de son semi-ton, fait au grave la quinte du si, qui est son homologue dans l’autre semi-ton, & à l’aigu la quarte du même si ; & la note si fait au grave la quarte du mi, & à l’aigu la quinte du même mi.

Si, par exemple, on donnoit un b mol au mi, le semi-ton changeroit de lieu, & se trouveroit descendu d’un degré entre le & le mi b mol. Or dans cette position il est évident que les deux semi-tons ne garderoient plus entr’eux la distance prescrite ; car le qui seroit la note inférieure de l’un, seroit au grave la sixte du si, son homologue dans l’autre, & à l’aigu la tierce du même si ; & ce si feroit au grave la tierce du , & à l’aigu la sixte du même ré : ainsi les deux semi-tons seroient trop près d’un côté, & trop éloignés de l’autre.

L’ordre des b mols ne doit donc pas commencer par mi, ni par aucune autre note de l’octave que par si, la seule qui n’a pas le même inconvénient ; car bien que le semi-ton y change de place, & cessant d’être entre le si & l’ut, descende entre le si b mol & le la, toutefois l’ordre prescrit n’est point détruit ; car le la dans ce nouvel arrangement se trouve d’un côté à la quarte, & de l’autre à la quinte de mi son homologue, & réciproquement.

La même raison qui fait placer le premier b mol sur le si, fait mettre le second sur le mi, & ainsi de suite, en montant de quarte, ou en descendant de quinte jusqu’au sol, auquel on s’arrête ; parce que le b mol de l’ut qu’on trouveroit ensuite, ne differe point du si dans la pratique. Cela fait donc une suite de cinq b mols dans cet ordre :

1 2 3 4 5
si, mi, la, re, sol.

Toûjours par la même raison, on ne sauroit employer les derniers b mols à la clé, sans employer aussi ceux qui les précedent ; ainsi le b mol du mi ne se pose qu’avec celui du si, celui du la qu’avec les deux précédens, &c.

Nous donnerons au mot Clé une formule pour trouver tout d’un coup si un ton ou un mode donné doit porter des b mols à la clé, & combien.

B QUARRE ou BÉQUARRE, signe de Musique