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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/649

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ture assez grande pour donner lieu au mouvement de la pagaie ou rame. On proportionne les rangs des rameurs à la grandeur du bâtiment. Chaque rang est ordinairement de 10 ou 12 hommes. Les pagaies sont composées de palettes plates, avec des manches courts ; elles sont toutes égales & fort légeres. Il y a quelquefois un rang de rameurs en-dedans du bordage. C’est en chantant & en battant la caisse, ou en joüant de quelque instrument de musique, qu’on commande aux rameurs ce qu’ils ont à faire. Le bâtiment flotte sur l’eau, & vogue par le moyen du pont de roseaux, dont la saillie se trouve sur la surface de l’eau, & sans laquelle le caracore, étroit comme il est, ne manqueroit pas de se renverser ; l’avant ne s’éleve point au-dessus du bordage de planches.

Quelquefois les saillies ou galeries de pont descendent depuis le haut du bâtiment en talus sur l’eau, & alors on ne peut ramer du dedans du vaisseau. (Z)

CARACOSA, (Géog.) petite ville d’Espagne dans la nouvelle Castille.

CARACTERE, (Ordre encyclopédique. Entendement. Raison. Philosophie ou Science. Science de l’homme. Logique. Art de communiquer la pensée. Grammaire. Science de l’instrument du discours. Signes. Caractere.) Ce mot pris dans un sens général, signifie une marque ou une figure tracée sur du papier, sur du métal, sur de la pierre, ou sur toute autre matiere, avec la plume, le burin, le ciseau, ou autre instrument, afin de faire connoître ou de désigner quelque chose. Voy. Marque, Note, &c.

Ce mot vient du Grec χαρακτὴρ, qui est formé du verbe χαράσσειν, insculpere, graver, imprimer, &c.

A peine les hommes furent-ils en société, qu’ils sentirent le besoin qu’ils avoient d’inventer une langue pour se communiquer leurs pensées. Cette langue ne consista sans doute d’abord qu’à désigner par certains sons & par certains signes les êtres sensibles & palpables qu’ils pouvoient se montrer, & par conséquent elle étoit encore fort imparfaite : mais les hommes ne furent pas long-tems sans s’appercevoir que non-seulement il leur étoit nécessaire de représenter, pour ainsi dire, ces êtres à l’oreille par des sons, mais de les représenter aussi en quelque maniere aux yeux, en convenant de certaines marques qui les désignassent. Par là le commerce de la société devoit s’étendre, puisqu’il devenoit également facile de désigner ces êtres présens ou absens, & que la communication des idées étoit rendue également possible entre les hommes absens, & entre les hommes présens. Il y a bien de l’apparence que les figures même de ces êtres, tracées grossierement sur quelques corps, furent les premiers caracteres par lesquels on les désigna, & la premiere espece d’écriture, qui a naître à-peu-près dans le même tems que les langues. Voyez Ecriture. Mais on dût bientôt sentir l’insuffisance de ces caracteres ; & peut-être cette insuffisance contribua-t-elle à faire mieux sentir l’imperfection des premieres langues. Voyez Langue. Les hommes qui avoient la facilité de se parler en désignant les êtres palpables par des sons, pouvoient suppléer par d’autres signes, comme par des gestes, à ce qui pouvoit manquer d’ailleurs à cette langue ; c’est ainsi qu’un muet fait entendre sa pensée en montrant les objets dont il parle, & suppléant par des gestes aux choses qu’il ne peut montrer : mais une telle conversation devenoit impossible entre des hommes éloignés, & qui ne pouvoient se voir. Les hommes comprirent donc bientôt qu’il falloit nécessairement 1°. inventer des sons pour désigner, soit les êtres non-palpables, soit les termes abstraits & généraux, soit les notions intellectuelles, soit enfin les termes qui servent à lier des idées ; & ces sons furent inventés peu à peu : 2°. trouver la maniere de peindre ces sons une fois inventés ; & c’est à quoi les hom-

mes purent parvenir, en convenant de certaines marques

arbitraires pour désigner ces sons. Peu à peu on s’apperçut que dans la multitude infinie en apparence des sons que forme la voix, il y en a un certain nombre de simples auxquels tous les autres peuvent se réduire, & dont ils ne sont que des combinaisons. On chercha donc à représenter ces sons simples par des caracteres, & les sons combinés par la combinaison des caracteres, & l’on forma l’alphabet. Voyez l’article Alphabet.

On n’en resta pas là. Les différens besoins des hommes les ayant portés à inventer différentes sciences, ces sciences furent obligées de se former des mots particuliers, de se réduire à certaines regles, & d’inventer quelquefois des caracteres, ou du moins de faire un usage particulier des caracteres déjà inventés pour désigner d’une maniere plus courte certains objets particuliers. L’Arithmétique ou science des nombres a dû être une de ces premieres sciences ; parce que le calcul a dû être un des premiers besoins des hommes réunis en société : les autres sciences à son exemple se firent bientôt des caracteres plus ou moins nombreux, des formules d’abréviation, formant comme une espece de langue à l’usage de ceux qui étoient initiés dans la science.

On peut donc réduire les différentes especes de caracteres à trois principales ; savoir les caracteres littéraux, les caracteres numéraux, & les caracteres d’abréviation.

On entend par caractere littéral, une lettre de l’alphabet, propre à indiquer quelque son articulé : c’est en ce sens qu’on dit que les Chinois ont 80000 caracteres. Voyez Alphabet.

Les caracteres littéraux peuvent se diviser, eu égard à leur nature & à leur usage, en nominaux, & en emblématiques.

Les caracteres nominaux sont ce que l’on appelle proprement des lettres qui servent à écrire les noms des choses. Voyez Lettre.

Les caracteres emblématiques ou symboliques expriment les choses mêmes, & les personifient en quelque sorte, & représentent leur forme : tels sont les hiéroglyphes des anciens Egyptiens. (O)

Suivant Hérodote, les Egyptiens avoient deux sortes de caracteres, les uns sacrés, les autres populaires : les sacrés étoient des hiéroglyphes ou symboles ; ils s’en servoient dans leur morale, leur politique, & sur tout dans les choses qui avoient rapport à leur fanatisme & à leur superstition. Les monumens où l’on voit le plus d’hiéroglyphes, sont les obélisques. Diodore de Sicile, liv. III. pag. 144. dit que de ces deux sortes de caracteres, les populaires & les sacrés, ou hiéroglyphiques, ceux-ci n’étoient entendus que des prêtres. Voyez Hiéroglyphe, Symbole, &c. (F)

Les hommes qui ne formoient d’abord qu’une société unique, & qui n’avoient par conséquent qu’une langue & qu’un alphabet, s’étant extrémement multipliés, furent forcés de se distribuer, pour ainsi dire, en plusieurs grandes sociétés ou familles, qui séparées par des mers vastes ou par des continens arides, ou par des intérêts différens, n’avoient presque plus rien de commun entr’elles. Ces circonstances occasionnerent les différentes langues & les différens alphabets qui se sont si fort multipliés.

Cette diversité de caracteres dont se servent les différentes nations pour exprimer la même idée, est regardée comme un des plus grands obstacles qu’il y ait au progrès des Sciences : aussi quelques auteurs pensant à affranchir le genre humain de cette servitude, ont proposé des plans de caracteres qui pussent être universels, & que chaque nation pût lire dans sa langue. On voit bien qu’en ce cas, ces sortes de caracteres devroient être réels & non nominaux,