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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/189

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rés est très-juste ; car en Chapelerie, comme en Dorure, elle marque l’art de couvrir une matiere commune d’une matiere précieuse.

Les castors dorés qui viennent après les superfins, se travaillent comme les superfins, à l’exclusion de ce qui concerne le plumet.

Les castors non dorés se travaillent comme les précédens, à l’exclusion de ce qui concerne les dorures.

Les demi-castors dorés se fabriquent comme les castors dorés ; la différence n’est ici que dans la matiere & le succès du travail. Voyez plus haut ce qui concerne la matiere. Quant au succès, outre qu’il fatigue quelquefois davantage, parce qu’il est plus ingrat à la rentrée, ce qui multiplie les croisées & la foule, on s’en tire encore avec moins de satisfaction, parce que quand on le bastit trop court, il est sujet à la grigne, défaut qu’on reconnoît à l’étoffe, quand en passant le doigt dessus, & regardant, on y sent & voit comme un grain qui l’empêche d’être lisse ; & que, quand il est basti trop grand, & qu’il ne rentre pas assez, il peut être fatigué de croisées & de foule, & s’écailler. Les écailles sont des plaques larges qu’on apperçoit comme séparées les unes des autres ; dans la grigne, l’étoffe n’est pas assez fondue, elle est brute ; dans l’écaille, elle l’est trop, & commence à dégénérer.

Les demi-castors sans dorure, ou fins, n’ont rien de particulier dans leur travail.

Les croix se travaillent avec moins de précautions que les fins ; cependant ils demandent quelquefois plus de tems, donnent plus de fatigue, & sont moins payés. La différence des matieres occasionne seule ces inconvéniens. Les communs se fabriquent comme les precédens.

Les laines se font à deux capades, & un travers qu’on met sur le défaut des capades ; quant à l’étoupage, il se fait en-dedans & en-dehors : au reste, quelqu’épaisseur qu’on donne à la laine arçonnée & bastie, on voit néanmoins le jour au-travers, le chapeau fût-il de douze à quatorze onces. Ce sont ces jours plus ou moins grands qui dirigent en étoupant ; il faut qu’ils soient les mêmes sur toute une circonférence, & qu’ils augmentent par des degrés insensibles depuis le lien jusqu’à l’arrête. On donne le nom de lien à l’endroit où le travers est uni à la tête, & on étoupe par-tout où les jours ne paroissent pas suivre l’augmentation réglée par la distance au lien, mais aller trop en croissant. Pour étouper, on a deux fourches, ou brins de ballets, qui tiennent les bords relevés pendant cette manœuvre. Au lieu de tamis, on se sert de morceaux de toile ; le lambeau est aussi de toile ; le bastissage s’en fait à feu. Une autre précaution qui a même lieu pour tout autre chapeau, c’est de ne pas trop mouiller la feutriere ; cela pourroit faire bourser l’ouvrage. Bourser, se dit des capades, lorsqu’étant placées les unes sur les autres, elles ne prennent pas par-tout. En effet, les endroits non pris forment des especes de bourses. Les plumets sont particulierement sujets à ce défaut, surtout quand le travail des premieres pieces est vicieux. Les laines ne se bastissent pas à la foule, mais au bassin ; & avant que de fouler on fait des paquets de bastis qu’on met bouillir dans de l’urine ou de l’eau chaude, cela les dispose à rentrer. Au sortir de ce bouillon, on les foule à la manique très-rudement & sans précaution. Au lieu du roulet de bois qu’on prend sur la fin de la foule, on se sert d’un roulet de fer à quatre ou six pans ; on les dresse comme les autres, mais on ne les ponce point ; le reste du travail est à l’ordinaire.

Les superfins à plumet se payent 5 liv. de façon ; les superfins dorés de dix onces, mais sans carder, 2 liv. 15. s. les superfins dorés & cardés de dix on-

ces, 2 liv. 10 s. au-dessous de dix onces, 2 liv. 5

s. les superfins sans dorure 2 liv. les castors ordinaires dorés 1 liv. 15 s. les mêmes non dorés 1 liv. 10 s. les demi-castors dorés 1 liv. 5 s. les demi-castors sans dorure 1 liv. les autres 1 liv.

Il ne nous reste plus qu’un mot à dire des chapeaux blancs ; ils demandent à être épincetés plus exactement ; jusqu’à la teinture exclusivement on les travaille comme les autres. Il est à propos d’avoir pour eux une foule de dégorgeage à part ; la raison en est évidente ; au défaut de cette foule on se sert de celle des compagnons. On les dégorge bien à l’eau claire ; quand ils sont dégorgés, on les porte dans une étuve particuliere qu’on appelle l’étuve au blanc ; on les apprête avec la gomme la plus legere & la plus blanche ; c’est un mêlange de gomme arabique & de colle foible. Cet apprêt se fait à part ; après quoi on les abbat au fer ; quelques maîtres les passent auparavant à l’eau de savon, avec une brosse à lustrer ; cette eau doit être chaude. On les fait égoutter & secher ; on les passe au fer en premier ; puis au son sec, dont on les frotte par-tout ; le reste s’acheve à l’ordinaire.

On repasse les vieux chapeaux ; ce repassage consiste à les remettre à la teinture & à l’apprêt, & à leur donner les mêmes façons qu’on donne aux chapeaux neufs après l’apprêt.

On ne teint jamais sur le vieux que des laines, de vieux chapeaux, ou des chapeaux de troupes. Le bois d’Inde se brûle au sortir de la chaudiere, & le noir se vend aux teinturiers en bas.

Les chapeaux dont nous venons de donner la fabrique ne sont pas les seuls d’usage ; on en fait de crin, de paille, de canne, de jonc, &c. Les aîles en sont très-grandes, & ils ne se portent guere qu’à la campagne dans les tems chauds. Ceux de paille & de canne se nattent. Voyez Nattes. Ceux de crin s’ourdissent. Ils sont rares. Voyez Crin.

Voici maintenant les principaux réglemens sur la fabrique des chapeaux, tels qu’on les trouve p. 339. du recueil des réglemens gen. & part. pour les manuf. & fabriq. du royaume. vol. I.

Le roi avoit ordonné d’abord qu’il ne fût fait que de deux sortes de chapeaux, ou castor pur, ou laine pure ; mais cette ordonnance ayant eu des suites préjudiciables, elle fut modifiée, & il fut permis de fabriquer des chapeaux de différentes qualités. Il fut enjoint 1° que les castors seroient effectivement purs castors : 2° que les demi-castors seroient de laine de vigogne seulement & de castor : 3° qu’on pourroit employer les poils de lapin, de chameau, & autres, mêlés avec le vigogne ; mais non le poil de lievre, que les réglemens proscrivirent dans la fabrique de quelque chapeau que ce fût : 4° qu’on pourroit mêler le vigogne & les poils susdits avec le castor, en telle quantité qu’on voudroit : 5° qu’à cet effet le castor & les autres matieres seroient mêlées & cardées ensemble, ensorte qu’il n’y eût aucune dorure de castor : 6° que la qualité du chapeau seroit marquée sur le cordon, d’un C pour le castor, d’un CD pour le demi-castor, d’une M pour les mélangés, & d’une L pour les laines : 7° que les ouvriers ayant fabriqué, & les maîtres ayant fait fabriquer des chapeaux dorés, seroient punis, ainsi que les cardeurs, coupeurs, & arracheurs, chez qui on trouveroit peau ou poil de lievre ; 8° que pour l’exécution de ces nouveaux réglemens, il seroit fait dans les boutiques & ouvroirs de Chapelerie, des visites par ceux à qui le lieutenant de police en commettroit le soin.

On voit, par ce que nous avons dit ci-dessus de la fabrique des chapeaux, & par l’extrait que nous venons de donner des réglemens, qu’il s’en manque beaucoup que ces réglemens soient en vigueur.