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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/226

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de perdre un œil dans telle bataille, au service de la patrie.

Chaque nation a ses charlatans ; & il paroît que par-tout ces hommes mettent autant de soin à étudier le foible des autres hommes, que les véritables Medecins à connoître la nature des remedes & des maladies. Et en quelque lieu du monde qu’on soit, il n’y en a presque pas un qu’on ne puisse reconnoître au passage de Plaute que nous avons cité plus haut, & congédier avec la recette suivante. Elle est d’un seigneur Anglois ; il étoit dans son lit cruellement tourmenté de la goutte, lorsqu’on lui annonça un charlatan qui avoit un remede sûr contre ce mal. Le lord demanda si le docteur étoit venu en carrosse, ou à pié : à pié, lui répondit le domestique. « Eh bien, répliqua le malade, va dire à ce fripon de s’en retourner ; car s’il avoit le remede dont il se vante, il rouleroit en carrosse à six chevaux ; & je le serois allé chercher, moi, & lui offrir la moitié de mon bien pour être délivré de mon mal ».

Cet article est l’extrait d’un excellent mémoire de M. le Chevalier de Jaucourt, que les bornes de cet ouvrage nous forcent à regret d’abréger.

* CHARLATANNERIE, s. f. c’est le titre dont on a décoré ces gens qui élevent des treteaux sur les places publiques, & qui distribuent au petit peuple des remedes auxquels ils attribuent toutes sortes de propriétés. Voyez Charlatan. Ce titre s’est généralisé depuis, & l’on a remarqué que tout état avoit ses charlatans ; ensorte que dans cette acception générale, la charlatannerie est le vice de celui qui travaille à se faire valoir, ou lui-même, ou les choses qui lui appartiennent, par des qualités simulées. C’est proprement une hypocrisie de talens ou d’état. La différence qu’il y a entre le pédant & le charlatan, c’est que le charlatan connoît le peu de valeur de ce qu’il surfait, au lieu que le pédant surfait des bagatelles qu’il prend sincerement pour des choses admirables. D’où l’on voit que celui-ci est assez souvent un sot, & que l’autre est toûjours un fourbe. Le pédant est dupe des choses & de lui-même ; les autres sont au contraire les dupes du charlatan.

CHARLEMONT, (Géog.) ville forte d’Irlande, dans la province d’Ulster, sur la riviere de Blaekwater. Long. 10. 40. lat. 54. 20.

Charlemont, (Geog.) ville forte des Pays-bas, au comté de Namur, sur la Meuse. Long. 22. 24. lat. 50. 5.

CHARLEROI, (Géog.) ville forte des Pays-bas Autrichiens, au comté de Namur, sur la Sambre. Long. 24. 14. lat. 50. 20.

CHARLESFORT, (Géog.) ville & colonie des Anglois, dans l’Amérique septentrionale, à la baye de Hudson.

CHARLESTOWN, (Géog.) Il y a deux villes de ce nom dans l’Amérique septentrionale ; l’une dans la Caroline, & l’autre dans l’île de la Barbade. La premiere est sur la riviere d’Ashley. Long. 297. 55. lat 32. 50.

CHARLEVILLE, (Géog.) ville de France en Champagne, dans le Rhetelois, sur la Meuse. Long. 22. 10. lat. 49. 50.

CHARLIEU, (Géog.) petite ville de France dans le Mâconnois, sur les confins du Beaujolois & de la Bourgogne, près de la Loire. Long. 21. 40. lat. 46. 15.

CHARME, voyez Appas.

* Charme, Enchantement, Sort, (Synonymes Gram.) termes qui marquent tous trois l’effet d’une opération magique, que la religion condamne, & que l’ignorance des peuples suppose souvent où elle ne se trouve pas. Si cette opération est appliquée à des êtres insensibles, elle s’appellera charme : on dit qu’un fusil est charmé ; si elle est appliquée à un être intelligent, il sera enchanté : si l’enchante-

ment est long, opiniâtre, & cruel, on sera ensorcelé.

* Charme, s. m. (Divinat.) pouvoir, ou caractere magique, avec lequel on suppose que les sorciers font, par le secours du démon, des choses merveilleuses, & fort au-dessus des forces de la nature. Voyez Magie & Magique.

Ce mot vient du Latin carmen, vers, poésie ; parce que, dit-on, les conjurations & les formules des magiciens étoient conçûes en vers. C’est en ce sens qu’on a dit :

Carmina vel cælo possunt deducere lunam.

On comprend parmi les charmes, les philacteres, les ligatures, les maléfices, & tout ce que le peuple appelle sorts. Voyez Philactere, Ligature &c.

La crédulité sur cet article a été de tous les tems, ou du moins il y a eu de tout tems une persuasion universellement répandue, que des hommes pervers, en vertu d’un pacte fait avec le démon, pouvoient causer du mal, & la mort même à d’autres hommes, sans employer immédiatement la violence, le fer, ou le poison ; mais par certaines compositions accompagnées de paroles, & c’est ce qu’on appelle proprement charme.

Tel étoit, si l’on en croit Ovide, le tison fatal à la durée duquel étoit attachée celle des jours de Méléagre. Tels étoient encore les secrets de Medée, au rapport du même auteur :

Devovet absentes, simulacraque cerea fingit ;
Et miserum tenues in jecur urget acus.

Horace, dans la description des conjurations magiques de Sagane & de Canidie, fait aussi mention des deux figures ; l’une de cire, & l’autre de laine, dont celle-ci, qui représentoit la sorciere, devoit persécuter & faire périr la figure de cire.

Lanea & effigies erat, altera cerea, major
Lanea quæ pœnis compesceret inferiorem.
Cerea simpliciter stabat, servilibus, utque
Jam peritura, modis.

Tacite, en parlant de la mort de Germanicus, qu’on attribuoit aux maléfices de Pison, dit qu’on trouva sous terre, & dans les murs, divers charmes. Reperiebantur solo & parietibus eructæ humanorum corporum reliquiæ, carmina & devotiones, & nomen Germanici plumbeis tabulis insculptum, semi-usti cineres, & tabo obliti, aliaque maleficia, queis creditur animas numinibus infernis sacrari. On sait que du tems de la ligue, les furieux de ce parti, & même des prêtres, avoient poussé la superstition jusqu’à faire faire de petites images de cire qui représentoient Henri III. & le roi de Navarre ; qu’ils les mettoient sur l’autel, & les perçoient pendant la messe quarante jours consécutifs, & le quarantieme jour les perçoient au cœur, imaginant que par-là ils procureroient la mort à ces princes. Nous ne citons que ces exemples, & dans cette seule espece, entre une infinité d’autres de toutes les sortes, qu’on rencontre dans les historiens & dans les auteurs qui ont traité de la magie. On peut sur-tout consulter à cet égard Delrio disquisit. magicar. lib. III. part. j. quæst. iv. sect. 5. en observant toutefois que Delrio adopte tous les faits sur cette matiere avec aussi peu de précaution que Jean Wyer, Protestant, Medecin du duc de Cleves, qui a beaucoup écrit sur le même sujet, en apporte à les rejetter, ou à les attribuer à des causes naturelles. Ce qui n’empêche pas que Bodin, dans sa démonomanie, ne regarde Wyer comme un insigne magicien. Croire tout ou ne rien croire du tout, sont des extrèmes également dangereux sur cette matiere délicate, que nous nous contentons d’indiquer, & qui demanderoit, pour être approfondie, un tems & des recherches que la nature de cet ouvrage ne comporte pas.

Pour donner un exemple des charmes magiques, nous en rapporterons un par lequel on prétend qu’il