Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le fret ou le loüage à un prix fixé, soit par tonneau, soit pour une somme, soit à tant par mois. Voyez Fret.

Les commissionnaires du chargeur le représentent dans son absence, & leur fait est le sien : ils sont dénommés, ou bien le porteur de la charte-partie est reconnu pour le commissionnaire.

Cet acte peut être passé sous signature privée ou devant notaire ; il a la même force sous l’une & l’autre forme.

Il est clair par ce que l’on vient de dire, que cette convention n’est point une police de chargement, comme l’avance le dictionnaire du commerce, mais une convention préparatoire à la police du chargement, appellée en style de commerce, connoissement.

Toutes les clauses d’une charte-partie doivent être expliquées avec la derniere précision, pour éviter les discussions.

L’ordonnance de la Marine, & les us & coûtumes de la mer, ont pourvû à presque tous les cas ; nous en rapporterons quelques-uns pour faire connoître l’esprit de cette loi.

Une charte-partie, quoique sous signature privée, a, comme tous les autres contrats du commerce, la même force que les actes publics les plus autentiques : l’on ne peut donc les altérer sans blesser la foi publique : cette foi publique est l’ame du commerce ; ce seroit le détruire dans ses fondemens les plus respectables. Il est d’ailleurs évident que si des circonstances particulieres rendent les clauses de ce contrat onéreuses à l’une des parties, ces clauses dans leur principe ont été réciproques ; car si elles ne l’avoient pas été, le contrat n’eût pas été parfait. C’est donc altérer cette égalité de condition entre les contractans, que d’en soulager un par préférence, & dès-lors c’est une extrème injustice : l’effet qui en résulteroit nécessairement, seroit d’arrêter les entreprises du commerce, ou d’introduire dans ses conventions des formalités nouvelles, qui font un art de la bonne-foi. Le commerce est fait pour les simples ; il n’est pas sûr s’il faut être subtil pour y réussir.

L’art. 7. tit. j. liv. III. de l’ordonnance, déclare qu’une charte-partie sera résiliée si la guerre, ou autre interdiction de commerce avec le pays auquel elle est destinée, survient avant le départ du vaisseau, & que le chargeur sera tenu de payer les frais du chargement & du déchargement de ses marchandises. Ces frais sont peu de chose en comparaison de ceux de l’armement ; mais enfin toutes choses sont compensées dans ce malheur commun ; il y a impossibilité d’exécuter la convention.

Le même article ordonne que la charte-partie subsistera malgré la déclaration de guerre, si c’est avec un autre pays que celui pour lequel le vaisseau est destiné : c’est qu’il n’y a point d’impossibilité à exécuter la convention, que les opérations du commerce ne doivent jamais être suspendues, & que le bien général assujettit les motifs particuliers.

Il y a cependant une grande différence entre la position de l’armateur & celle du chargeur : celui-ci augmentera le prix de ses marchandises du risque qu’elles auront couru ; au lieu que l’armateur ne peut augmenter le prix de son fret avec les risques de son vaisseau ; l’assûrance qu’il peut faire de son bâtiment, en peut même absorber le capital.

Si la loi n’a rien statué en faveur de l’armateur, elle lui laisse l’espoir d’un dédommagement, lorsqu’une paix inopinée survient. Les chartes-parties faites pendant la guerre subsisteront lorsque ses risques seront passés.

Ce seroit donc une injustice de les résilier dans ce dernier cas, si on ne l’a pas fait dans le premier. Il peut arriver que la marchandise chargée ne suffise

pas pour payer le fret ; mais c’est la position où s’est trouvé l’armateur, lorsque son fret n’a pû payer la moitié de ses risques.

La raison d’état égale à celle de la nécessité, mais si souvent mal interpretée, n’a point lieu ici ; & si elle pouvoit être appliquée, ce seroit en faveur de la navigation.

Enfin l’on n’a jamais résilié un contrat de constitution, parce que le prêt qui y a donné lieu a été employé à l’achat d’une maison que le feu a consumée dès le lendemain. Si une loi actuelle a des inconvéniens particuliers, il est aussi sage que facile de la changer ; mais elle doit conserver son caractere de loi, & maintenir l’égalité entre les contractans.

Une charte-partie ne laisse pas de subsister, quoique le vaisseau soit arrêté dans un port par force majeure, parce que le voyage n’a été entrepris qu’à cause du chargement : la perte est réciproque ; & la circonstance étant imprévûe, doit retomber sur tous les deux.

Si l’affrettement est au mois, il ne sera point dû de fret pendant la détention ; mais les gages & la nourriture de l’équipage pendant ce tems seront réputés avaries, grosses ou communes. Si le navire est loüé au voyage, il ne sera dû par le chargeur, ni avaries, ni augmentation de fret, parce que l’affrettement pour un voyage entier est une entreprise à forfait de la part de l’armateur, qui comprend tous les risques. Le chargeur même a droit de décharger sa marchandise à ses frais, ou de la vendre, mais en indemnisant l’armateur.

Si l’affrettement d’un navire a été fait pour un voyage entier, & qu’il périsse au retour, il n’est dû aucune partie du fret, parce que le contrat n’est pas rempli : tout est compensé ; l’un perd sa marchandise, l’autre son bâtiment.

La loi ordonne encore qu’en cas de pillage d’une partie du chargement par les ennemis ou par des pirates, la charte-partie sera résiliée respectivement à la portion enlevée, parce que le contrat n’est pas rempli quant à cette portion.

Ces deux pertes sont cependant involontaires, & il semble par les lois civiles que l’acte de Dieu, non plus que celui d’un ennemi, ne peuvent être reprochés dans une action particuliere : mais les lois de la mer ont été obligées de punir ces fautes involontaires, pour prévenir celles qui ne le seroient pas, & à cause de la difficulté qu’il y auroit à les distinguer. Ce n’est pas une injustice pour cela, puisque la perte est partagée entre le vaisseau & la marchandise ; c’en seroit une au contraire, si un risque qui doit être commun, puisqu’il est forcé, retomboit sur une seule partie.

En cas de rachat, la charte-partie a son plein effet ; mais le prix du rachat se supporte par la marchandise & par le vaisseau au prorata, comme avarie commune pour le salut de tous. Voyez Rachat.

C’est dans le même esprit d’égalité que la loi ordonne, que si un vaisseau déjà en route apprend l’interdiction de commerce avec le pays où il va, & qu’il soit obligé de revenir dans le port d’où il est parti, il ne lui sera dû que la moitié du voyage, quand même l’affrettement seroit fait pour le voyage entier.

Si les propriétaires, après s’être obligés par une charte-partie de faire route en droiture à l’endroit désigné, donnent ordre au maître de faire une relâche, ou si le maître de lui-même en fait une sans nécessité ; les propriétaires du vaisseau, outre les dédommagemens du retard qu’ils doivent aux chargeurs, leur seront garants de tous les événemens de la mer. Les accidens du commerce sont si variables, qu’un espace de tems, même très-court, en