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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/284

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sympathie. Voyez Encre de sympathie. C’est par cette action sur le soufre, & par une plus grande affinité avec ce mixte que les substances métalliques, que la chaux agit dans la décomposition des mines cinnabarines de mercure, & dans sa révivification en petit ; qu’elle peut servir à la préparation du régule d’antimoine, & à fixer dans le grillage ou la fonte de certaines mines, une matiere principalement sulphureuse, capable d’entraîner une partie du métal, que les Métallurgistes Allemands appellent rauberisch, en Latin rapax. Voyez Mercure, Antimoine, Mine, Fonte, Fixer, Grillage. La chaux dissout toutes les substances huileuses, qu’elle décompose même en partie ; elle détruit, par exemple, la mixtion huileuse dans les rectifications des huiles tirées des trois regnes, auxquelles on l’employe quelquefois. Voy. Huile, Rectification, Intermede. Elle ne l’épargne pas même dans l’esprit-de-vin, où le principe huileux paroît être contenu cependant dans sa plus grande simplicité. C’est par cette propriété que la chaux est très-propre à manifester les sels neutres contenus dans les sucs ou les décoctions des plantes, selon l’utile méthode que M. Boulduc a proposée dans les Mémoires de l’académie des Sciences, ann. 1734. Ce n’est apparemment qu’au même titre, qu’elle est utile dans la fabrique du salpetre, quoique les plus savans Chimistes, & entr’autres feu M. Neuman, assurent expressément qu’elle concourt à la composition même de ce sel neutre, comme ingrédient essentiel. Voyez Nitre. C’est exactement par la même vertu qu’elle est propre à blanchir le fil, les toiles neuves, & le linge sale ; mais elle est trop active pour ces derniers usages, elle n’épargne pas assez le corps même du fil. On a proposé dans le journal œconomique, une préparation des marrons d’inde, qui les rend utiles à la nourriture de la volaille & des bestiaux, qui consiste à leur enlever par l’action de la chaux vive dont il est ici question, une matiere qui les rend desagréables & même dangereux.

Causticité de la chaux. La causticité proprement dite de la chaux vive, qualité très-analogue à la précédente, la rend propre à enlever les sucs animaux dans la préparation des cuirs, dont elle est en état même de consumer les parties solides ou fibreuses ; elle réduit en bouillie les poils, les cornes, &c. elle consume assez promptement les cadavres. Voyez Caustique, Tannerie, Mumie, Substances animales, Menstrue.

Variétés des chaux. Les chaux provenues de différentes matieres calcaires possedent la plûpart les qualités absolues que nous venons d’exposer, en degrés spécifiques qui les distinguent presque toutes entre elles : en cela bien différentes des sels alkalis purs qui sont exactement semblables entre eux de quelque corps qu’ils soient tirés ; c’est-à-dire que l’art n’est pas encore parvenu à faire de la chaux pure. Voy. Cendre & Terre. Ainsi, selon l’observation de M. Pott, la corne de cerf calcinée & la pierre à chaux ordinaire calcinée, sont beaucoup plus rebelles ou plus difficiles à fondre dans les mêmes circonstances, que la chaux de marbre & la marne calcinée ; les mêlanges dans lesquels entrent les deux premieres matieres, sont aussi plus difficilement portés à la transparence par le secours du feu, que ceux dans lesquels on employe les dernieres. La chaux de craie est très-inférieure pour l’emploi dans les ouvrages de maçonnerie, à la chaux faite avec les pierres calcaires dures, connue des ouvriers dans quelques provinces sous le nom très-impropre de chaux de caillou ; & plus encore à celle qu’on prépare avec le marbre, qui fournit la plus excellente pour cet usage.

Rapport & différences de la chaux & du plâtre. Tout ce qui a été rapporté jusqu’ici des principales pro-

priétés de la chaux, suffit sans doute pour la faire

distinguer des substances auxquelles elle est la plus analogue ; savoir les alkalis-salins & les terres absorbantes, parmi lesquelles nous rangeons la terre des cendres des végétaux. Voyez Cendre. Il nous reste encore à exposer celles par lesquelles elle a quelque rapport avec le plâtre, que la plûpart des Naturalistes ont trop confondu avec elle ; & les caracteres qui l’en font essentiellement différer : ces deux substances ont de commun leur origine, ou la qualité de produits de la calcination, leur consistance rare & friable, leur miscibilité réelle avec l’eau, & leur qualité dissolvante du soufre : leurs caracteres distinctifs sont, que la plûpart des pierres gypseuses sont réduites en plâtre par un feu fort leger, & très-inférieur à celui qu’exige la calcination des matieres calcaires ; que la chaux est soluble dans tous les acides, & que le plâtre ne se dissout dans aucun d’eux ; que le plâtre avec de l’eau pure se durcit, mais que la chaux ne le fait point à moins qu’on n’y mêle du sable : le plâtre se durcit plus promptement que la chaux ; & si on ajoûte au plâtre des matieres limonneuses, il devient plus dur que la chaux. La chaux ne se détruit pas par un feu violent ; & quand elle est éteinte à l’air, elle reprend sa premiere qualité, si on la fait rougir au feu : le plâtre au contraire, est tellement détruit par un feu violent, qu’il perd son gluten ; ensorte qu’il ne se lie plus avec de l’eau, il ne reprend pas non plus sa premiere qualité par une seconde calcination ; le plâtre détrempé avec de l’eau, a une odeur d’œufs pourris ; la chaux n’a pas cette odeur. La décoction du plâtre ne dissout pas si bien le soufre que la décoction de la chaux ; le platre ne se soûtient pas tant à l’air que la chaux. Pott, examen des pierres, &c. ch. ij.

Rapport & différences de la chaux vive & de la chaux métallique. La chaux vive a encore quelques rapports généraux & extérieurs avec la chaux métallique. Ces matieres sont l’ouvrage d’un feu ouvert comme la chaux & le plâtre ; elles sont dans un état de desunion de parties comme ces dernieres substances : mais elles en different par la plûpart de leurs propriétés essentielles & intérieures. Voyez Chaux métallique.

Nous avons indiqué déjà les principaux usages de la chaux, & nous les avons rapportés autant qu’il nous a été possible chacun à celle de ses propriétés dont il dépendoit, afin que l’exposition d’un certain nombre de faits ainsi rapprochés de leur principe physique, servît à constater & à lier les connoissances que nous avons sur notre sujet. Mais outre ces usages déjà exposés, la chaux en a encore plusieurs autres qu’il auroit été inutile, impossible, ou du moins trop peu exact, de ramener à quelqu’une des propriétés que nous avons observées. On les trouvera répandus dans les differens articles d’Arts méchaniques de ce Dictionnaire. (b)

Vertus médicinales de la chaux. La chaux vive fournit plusieurs bons remedes à la Medecine. Les plus anciens medecins l’ont employée extérieurement. Hippocrate lui-même la recommande contre différentes especes de lepre ; Dioscoride, Pline, Galien, Paul d’Ægine, &c. la rangent au nombre des remedes acres & caustiques, qu’on doit employer contre les ulceres putrides & malins. Celse la regarde comme un secours efficace pour faire séparer les parties sphacelées, soit en les saupoudrant de chaux vive très-fine, ou en employant une lessive préparée par le deliquium avec une partie de chaux vive, & trois parties de cendres gravelées.

Fuller donne pour un remede éprouvé contre les douleurs scorbutiques & rhûmatismales, un liniment fait avec la chaux vive & le miel.

On trouve dans différens auteurs un grand nom-