Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des malles & autres semblables ouvrages à deux chefs de ficelle neuve & poissée, cela signifie à deux bouts ou à deux brins de ficelle, &c. Ainsi le chef n’est ni la ficelle simple, ni la double ficelle ; c’est un brin ou un bout de la ficelle double.

* Chef, (Manufact. en soie, en laine, & en toile.) c’est la premere partie ourdie, celle qui s’enveloppe immédiatement sur l’ensuple de devant, & qui servira de manteau à la piece entiere quand elle sera finie. Le chef des pieces en toile est plus gros que le reste ; celui des ouvrages en laine & en soie ne doit être ni plus mauvais ni meilleur, à moins que l’espece d’étoffe qu’on travaille ne demande qu’on trame plus gros, afin d’avoir en commençant plus de corps, & de résister mieux à la premiere fatigue de l’ourdissage. Les pieces de toile, de laine & de soie, s’entament par la queue, & le chef est toûjours le dernier morceau que l’on vend : la raison en est simple ; c’est que c’est au chef que sont placées les marques, qui indiquant le fabriquant, la qualité de la marchandise, celle de la teinture, la visite des gardes & inspecteurs, l’aunage, &c. ne doivent jamais disparoître.

* Chef, (Œconom. rustiq.) terme synonyme à piece ; ainsi on dit cent chefs de volaille, pour dire cent pieces de volaille. Il s’applique aussi aux bêtes à cornes & à laine, quand on fait le dénombrement de ce qu’on en a ou de ce qu’on en vend ; cent chefs de bêtes à cornes, cent chefs de bêtes à laine. Le mot chef ne s’employe cependant guere que quand la collection est un peu considérable, & l’on ne dira jamais deux chefs de bêtes à cornes.

Chef, terme de riviere ; c’est ainsi qu’on appelle la partie du devant d’un bateau foncet.

* Chef-d’œuvre, (Arts & Mét.) c’est un des ouvrages les plus difficiles de la profession, qu’on propose à exécuter à celui qui se présente à un corps de communauté pour en être reçû membre, après avoir subi les tems prescrits de compagnonage & d’apprentissage par les reglemens de la communauté. Chaque corps de communauté a son chef-d’œuvre ; il se fait en présence des doyens, syndics, anciens, & autres officiers & dignitaires de la communauté ; il se présente à la communauté, qui l’examine ; il est déposé. Il y a des communautés ou l’on donne le choix entre plusieurs chefs-d’œuvre à l’aspirant à la maitrise ; il y en a d’autres où l’on exige plusieurs chefs-d’œuvre. Voyez dans les reglemens de ces communautés, ce qui se pratique à la réception des maîtres. Le chef-d’œuvre de l’Architecture est une piece de trait, telle qu’une descente biaise par tête & en talud qui rachete un berceau : celui des Charpentiers, est la courbe rampante d’un escalier : celui des ouvriers en soie, soit pour être reçûs compagnons, soit pour être reçûs maîtres, est la restitution du métier dans l’état qui convient au travail, après que les maîtres & syndics y ont apporté tel dérangement qu’il leur a plû, comme de détacher des cordages, casser des fils de chaîne par courses interrompues. On ne voit guere quelle peut être l’utilité des chefs-d’œuvre : si celui qui se présente à la maîtrise sait très-bien son métier, il est inutile de l’examiner ; s’il ne le sait pas, cela ne doit pas l’empêcher d’être reçû, il ne fera tort qu’à lui-même ; bien-tôt il sera connu pour mauvais ouvrier, & forcé de cesser un travail ou ne réussissant pas, il est nécessaire qu’il se ruine. Pour être convaincu de la vérité de ces observations, il n’y a qu’a savoir un peu comment les choses se passent aux réceptions. Un homme ne se présente point à la maîtrise qu’il n’ait passé par les préliminaires ; il est impossible qu’il n’ait appris quelque chose de son métier pendant les quatre à cinq ans que durent ces préliminaires. S’il est fils de maître, assez ordinairement il est dispensé de chef-d’œuvre ;

s’il ne l’est pas, fût-il le plus habile ouvrier d’une ville, il a bien de la peine à faire un chef-d’œuvre qui soit agréé de la communauté, quand il est odieux à cette communauté : s’il est agréable au contraire, ou qu’il ait de l’argent, fût-il le plus ignorant de tous les ouvriers, il corrompra ceux qui doivent veiller sur lui tandis qu’il fait son chef-d’œuvre ; ou il exécutera un mauvais ouvrage qu’on recevra comme un chef-d’œuvre ; ou il en présentera un excellent qu’il n’aura pas fait. On voit que toutes ces manœuvres anéantissent absolument les avantages qu’on prétend retirer des chefs-d’œuvre & des communautés, & que les corps de communauté & de manufacture n’en subsistent pas moins.

CHEFCIER, s. m. (Hist. eccl.) en Latin capicerius, est la même chose que primicerius ; ce qui vient de ce que le chefcier étoit le premier marqué dans la table ou catalogue des noms des ecclésiastiques, comme le premier en dignité : ainsi c’est comme si l’on eût dit ''primus in cerâ, parce qu’on écrivoit anciennement sur des tables de cire. On nomme encore aujourd’hui le chef de quelques églises collégiales chefcier : par exemple on dit, le chefcier de saint Etienne des Grés. Le nom de primicerius désignoit au tems de S. Grégoire le grand, une dignité ecclésiastique, à laquelle ce pape attribua plusieurs droits sur les clercs inférieurs & la direction du chœur, afin que le service s’y fit selon la bienséance. Il avoit aussi droit de châtier les clercs qu’il trouvoit en faute, & il dénonçoit à l’évêque ceux qui étoient incorrigibles. Celui qui étoit marqué le second dans la table s’appelloit secondicerius, comme qui diroit secundus in cerâ. M. Simon. (G)

CHEGE, (Géog.) ville & comté de la haute Hongrie, sur la Theisse.

CHEGO ou KECIO, (Géog.) grande ville d’Asie, capitale du royaume de Tunquin, & la résidence du roi. Long. 123. 30. lat. 22.

CHEGOS, s. m. (Commerce.) poids pour les perles à l’usage des Portugais aux Indes. C’est le quart d’un carat. Voyez Carat ; voyez les diction. du Commerce, de Trév. & de Dish.

* CHEGROS, s. m. Cordonn. Bourrel. Selliers, & autres ouvriers qui employent du cuir ; c’est un bout de filet plus ou moins long, composé d’un nombre plus ou moins grand de fils particuliers cordelés ensemble, & unis avec de la poix ou de la cire. Pour cet effet, on prend un morceau de cire blanche ou jaune, ou de poix ; & lorsque les fils ont été cordelés & commis à la main, on saisit le filet qui en résulte, & on le presse fortement contre le morceau de cire ou de poix, qu’on fait glisser plusieurs fois sur toute sa longueur, afin qu’il en soit bien enduit. Quand le chegros, ou chigros, ou ligneul (car les Cordonniers appellent ligneul, ce que la plûpart des autres appellent chegros ou chigros) est bien préparé, on en arme les extrémités avec de la soie de sanglier, dont les pointes très-menues passent facilement dans les trous pratiqués avec l’alene, lorsqu’il s’agit d’employer le chegros à la couture des ouvrages. Voy. Selle, Soulier, &c.

* CHEIROBALISTE ou CHIROBALISTE, s. f. (Hist. anc. & Art milit.) ou baliste à main : elle est composée d’une planche ronde par un bout, échancrée circulairement par l’autre bout. Le bois de l’arc est fixé vers l’extrémité ronde ; sur une ligne correspondante au milieu du bois de l’arc & au milieu de l’échancrure, on a fixé sur la planche une tringle de bois, précisément de la hauteur du bois de l’arc : cette tringle est cannelée semi-circulairement sur toute sa longueur. Aux côtés de l’échancrure d’un des bouts, on a ménagé en saillie dans la planche, deux éminences de bois qui servent de poignée à la baliste. Il paroît qu’on élevoit ou qu’on baissoit la