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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/407

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mission, la mort du Messie, &c. l’origine de l’empire des Chinois ; les dynasties d’Egypte ; l’époque du regne de Sesostris ; le commencement & la fin de l’empire d’Assyrie ; la chronologie des rois de Babylone, des rois Medes, des successeurs d’Alexandre, &c. sans parler des tems fabuleux & héroïques, où les difficultés sont encore plus nombreuses. Mém. de litt. & d’hist. par M. l’abbé d’Artigni.

L’auteur que nous venons de citer, conclut de-là fort judicieusement qu’il seroit inutile de se fatiguer à concilier les différens systèmes, ou à en imaginer de nouveaux. Il suffit, dit-il, d’en choisir un & de le suivre : ce sentiment nous paroît être aussi celui des savans les plus illustres, que nous avons consultés sur cette matiere. Prenez, par exemple, le système d’Usserius, assez suivi aujourd’hui, ou celui du P. Petau, dans son rationarium temporum. La seule attention qu’on doit avoir, en écrivant l’histoire ancienne, c’est de marquer le guide que l’on suit sur la chronologie, afin de ne causer à ses lecteurs aucun embarras ; car selon certains auteurs, il y a depuis le commencement du monde jusqu’à J. C. 3740 ans, & 6934 selon d’autres, ce qui fait une différence de 3194 ans. Cette différence doit se répandre sur tout l’intervalle, principalement sur les parties de cet intervalle les plus proches de la création du monde.

Je crois donc qu’il est inutile d’exposer ici fort au long les sentimens des chronologistes, & les preuves plus ou moins fortes sur lesquelles ils les ont appuyées. Nous renvoyons sur ce point à leurs ouvrages. D’ailleurs nous allons traiter plus bas avec quelque étendue de la chronologie sacrée, comme étant la partie de la chronologie la plus importante ; & l’on trouvera aux art. Egyptiens & Chaldéens, des remarques sur la chronologie des Egyptiens, des Assyriens, & des Chaldéens. Voici seulement les principales opinions sur la durée du monde, depuis la création jusqu’à J. C.

Selon la Vulgate.
Usserius, 4004 ans.
Scaliger, 3950
Petau, 3984
Riccioli, 4184
Selon les Septante.
Eusebe, 5200 ans.
Les tables Alphonsines, 6934
Riccioli, 5634

L’année de la naissance de J. C. est aussi fort disputée ; il y a sept à huit ans de différence sur ce point entre les auteurs. Mais depuis ce tems la chronologie commence à devenir beaucoup plus certaine par la quantité de monumens ; & les différences qui peuvent se rencontrer entre les auteurs, sont beaucoup moins considérables.

Parmi tous les auteurs qui ont écrit sur la chronologie, il en est un dont nous parlerons un peu plus au long ; non que son système soit le meilleur & le plus suivi, mais à cause du nom de l’auteur, de la singularité des preuves sur lesquelles ce système est appuyé, & enfin de la nature de ces preuves, qui étant astronomiques & mathématiques, rentrent dans la partie dont nous sommes chargés.

Selon M. Newton, le monde est moins vieux de 500 ans que ne le croyent les Chronologistes. Les preuves de ce grand homme sont de deux especes.

Les premieres roulent sur l’évaluation des générations. Les Egyptiens en comptoient 341 depuis Menés jusqu’à Sethon, & évaluoient trois générations à cent ans. Les anciens Grecs évaluoient une génération à 40 ans. Or en cela, selon M. Newton, les uns & les autres se tromperent. Il est bien vrai que trois générations ordinaires valent environ 120 ans. Mais les générations sont plus longues que les regnes,

parce qu’il est évident qu’en général les hommes vivent plus long-tems que les rois ne regnent. Selon M. Newton, chaque regne est d’environ 20 ans, l’un portant l’autre ; ce qui se prouve par la durée du regne des rois d’Angleterre, depuis Guillaume le Conquérant jusqu’à George I. des vingt-quatre premiers rois de France, des vingt-quatre suivans, des quinze suivans, & enfin des soixante-trois réunis. Donc les anciens ont fait un calcul trop fort, en évaluant les générations à quarante ans.

La seconde espece de preuves, plus singuliere encore, est tirée de l’Astronomie. On sait que les points équinoxiaux ont un mouvement rétrograde & à très peu-près uniforme d’un degré en 72 ans. Voyez Précession des equinoxes.

Selon Clément Alexandrin, Chiron, qui étoit du voyage des Argonautes, fixa l’équinoxe du printems au quinzieme degré du bélier, & par conséquent le solstice d’été au quinzieme degré du cancer. Un an avant la guerre du Péloponnese, Meton fixa le solstice d’été au huitieme degré du cancer. Donc puisqu’un degré répond à soixante-douze ans, il y a sept fois soixante & douze ans de l’expédition des Argonautes au commencement de la guerre du Péloponnese, c’est-à-dire cinq cens quatre ans, & non pas sept cens, comme disoient les Grecs.

En combinant ces deux différentes preuves, M. Newton conclut que l’expédition des Argonautes doit être placée 909 ans avant Jesus-Christ, & non pas 400 ans, comme on le croyoit, ce qui rend le monde moins vieux de 500 ans.

Ce système, il faut l’avouer, n’a pas fait grande fortune. Il a été attaqué avec force par M. Freret & par le P. Souciet ; il a cependant trouvé en Angleterre & en France même des défenseurs.

M. Freret, en combinant & parcourant l’histoire des tems connus, croit que M. Newton s’est trompé, en évaluant chaque génération des rois à vingt ans. Il trouve, au contraire, par différens calculs, qu’elles doivent être évaluées à trente ans au moins, ou plûtôt entre trente & quarante ans. Il le prouve par les vingt-quatre générations, depuis Hugues Capet jusqu’à Louis XV. par Robert de Bourbon, qui donnent en 770 ans 32 ans de durée pour chaque génération ; par les douze générations de Hugues Capet jusqu’à Charles le Bel ; par les vingt de Hugues Capet à Henri III. par les vingt-sept de Hugues Capet à Louis XII. par les dix-huit de Hugues Capet à Charles VIII. Il est assez singulier que les calculs de M. Freret, & ceux de M. Newton, soient justes l’un & l’autre, & donnent des résultats si différens. La différence vient de ce que M. Newton compte par regnes, & M. Freret par générations. Par exemple, de Hugues Capet à Louis XV. il n’y a que vingt-quatre générations, mais il y a trente-deux regnes ; ce qui ne donne qu’environ vingt ans pour chaque regne, & plus de trente pour chaque génération. Ainsi ne seroit-il pas permis de penser que si le calcul de M. Newton est trop foible en moins, celui de M. Freret est trop fort en plus ? En général, non-seulement les regnes doivent être plus courts que les générations, mais les générations des rois doivent être plus courtes que celles des particuliers, parce que les fils de rois sont mariés de meilleure heure.

A l’égard des preuves astronomiques, M. Freret observe que la position des étoiles & des points équinoxiaux n’est nullement exacte dans les écrits des anciens ; que les auteurs du même tems varient beaucoup sur ce point. Il est très-vraissemblable, selon ce savant chronologiste, que Meton en plaçant le solstice d’été au huitieme degré du cancer, s’étoit conformé, non à la vérité, mais à l’usage reçû de son tems, à-peu-près comme c’est l’usage vulgaire parmi nous, de placer l’équinoxe au premier degré du