Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ver ; ce qui est contraire à l’expérience : car les plus grands chauds & les plus grands froids arrivent d’ordinaire un mois environ après le solstice.

Pour repondre à cette objection, il faut se rappeller ce qui a été déjà remarqué plus haut, que l’action du soleil sur les corps terrestres qu’il échauffé, n’est pas passagere comme celle de la lumiere ; mais qu’elle a un effet permanent, & qui dure encore même lorsque le soleil s’est retiré. Un corps qui est une fois échauffé par le soleil, demeure encore échauffé fort long-tems, quoiqu’il n’y soit plus exposé. La raison en est fort simple. Les rayons ou particules échauffées qui viennent du soleil ou que le soleil met en mouvement, pénetrent ou sont absorbées du moins en partie par les corps qui leur sont exposés : ils s’y introduisent peu-à-peu : ils y restent même assez pour exciter une grande chaleur ; & les corps ne commencent à se refroidir que lorsque cette chaleur s’évapore, ou se communique à l’air qui l’environne : mais si un corps est toûjours plus échauffé qu’il ne perd de sa chaleur ; si les intervalles de tems sont inégaux, ensorte qu’il perde bien moins de chaleur qu’il n’en a acquis, il est certain qu’il doit recevoir continuellement de nouveaux degrés d’augmentation de chaleur : or c’est précisément le cas qui arrive à la terre. Car lorsque le soleil paroît au tropique du cancer, c’est-à-dire vers le solstice d’été, les degrés de chaleur qui se répandent chaque jour, tant dans notre air que sur la terre, augmentent presque continuellement. Il n’est donc pas surprenant que la terre s’échauffe de plus en plus, & même fort au-delà du tems du solstice. Supposons, par exemple, qu’en été dans l’espace du jour, c’est-à-dire pendant tout l’intervalle de tems que le soleil paroît sur notre horison, la terre & l’air qui nous environnent reçoivent cent degrés de chaleur ; mais que pendant la nuit, qui est alors beaucoup plus courte que le jour, il s’en évapore cinquante ; il restera encore cinquante degrés de chaleur : le jour suivant le soleil agissant presque avec la même force, en communiquera à-peu-près cent autres, dont il se perdra encore environ cinquante pendant la nuit. Ainsi au commencement du troisieme jour, la terre aura 100 ou presque 100 degrés de chaleur ; d’où il suit, que puisqu’elle acquiert alors beaucoup plus de chaleur pendant le jour, qu’elle n’en perd pendant la nuit, il se doit faire en ce cas une augmentation très-considérable. Mais après l’équinoxe les jours venant à diminuer, & les nuits devenant beaucoup plus longues, il se doit faire une compensation : de sorte que lorsqu’on est en hyver, il s’évapore une plus grande quantité de chaleur de dessus la terre pendant la nuit, qu’elle n’en reçoit pendant le jour ; ainsi le froid doit à son tour se faire sentir. Voyez Keill, Introd. ad veram Astr. ch. viij. Voy. aussi dans les Mém. de l’Acad. 1719. les recherches de M. de Mairan, sur les causes de la chaleur de l’été, & du froid de l’hyver. M. de Mairan après avoir calculé, autant que la difficulté de la matiere le permet, les différentes causes qui produisent la chaleur de l’été, trouve que la chaleur de l’été est à celle de l’hyver dans le rapport de 66 à 1 : voici comment il concilie ce calcul avec les expériences de M. Amontons, qui ne donne pour ces deux chaleurs que le rapport de 60 à 51 . Il conçoit qu’il y a dans la masse de la terre & dans l’air qui l’environne, un fond de chaleur permanent d’un nombre constant de degrés, auxquels le soleil ajoûte 66 degrés en été, & 1 seulement en hyver ; pour trouver ce nombre de degrés, il fait la proportion suivante, x + 66 est à x + 1, comme 60 à 51 .

Ce nombre trouvé par M. de Mairan, est 393 à peu près ; de sorte qu’il, selon lui, une chaleur

permanente de 393 degrés, auxquels le soleil en ajoûte 66 en été, & un en hyver. M. de Mairan laisse aux Physiciens la liberté de juger quelle peut être la source de cette chaleur, soit une fermentation des acides & des sucs terrestres intérieurs, soit les matieres enflammées ou inflammables que le sein de la terre renferme, soit une chaleur acquise depuis plusieurs siecles, & qui tire son origine du soleil, &c.

A l’égard de la méthode par laquelle M. de Mairan parvient à trouver le rapport de 66 à 1, il faut en voir le détail curieux dans son mémoire même. Nous nous contenterons de dire 1°. que les sinus des hauteurs méridiennes du soleil aux solstices d’été & d’hyver, étant à peu près comme 3 à 1, on trouve qu’en vertu de cette cause le rapport des chaleurs doit être comme 9 à 1. 2°. Que les rayons ayant moins d’espace à traverser dans l’atmosphere en été qu’en hyver, parce que le soleil est plus haut, ils en sont moins affoiblis ; & M. de Mairan juge d’après plusieurs circonstances qu’il sait déméler, que la chaleur de l’été doit être augmentée du double sous ce rapport ; ce qui multiplie par le rapport de 9 à 1, donne le rapport de 18 à 1. 3°. M. de Mairan, en mettant tout sur le plus bas pié, estime que la longueur des jours beaucoup plus grande en été qu’en hyver, doit quadrupler le rapport précédent ; ce qui donne le rapport de 72 à 1 ; rapport qu’il réduit encore à celui de 66 à 1, ayant égard à quelques circonstances qu’il indique, & observant de caver en tout au plus foible. Voyez son mémoire.

Parmi ces dernieres circonstances est celle de la plus grande proximité du soleil en été qu’en hyver, du moins par rapport à nous. On sait que cet astre est en effet moins éloigné de nous en hyver qu’en été : ce qu’on observe parce que son diametre apparemment est plus grand en hyver qu’en été. Il suit de-là que les peuples qui habitent l’hémisphere opposé au nôtre, ou plûtôt l’hémisphere austral, doivent avoir, toutes choses d’ailleurs égales, une plus grande chaleur pendant leur été que nous, & plus de froid pendant leur hyver : car le soleil dans leur été est plus près d’eux, & darde ses rayons plus à-plomb ; & dans leur hyver il est plus éloigné, & les rayons sont plus obliques : au lieu que dans notre été, qui est le tems de leur hyver, le soleil darde à la vérité ses rayons plus à-plomb sur nous, mais est plus éloigné ; ce qui doit diminuer un peu de la chaleur, & réciproquement. Voyez Qualité. Il est vrai qu’il y a encore ici une compensation ; car si le soleil est plus loin de nous dans notre été, en récompense il y a plusieurs jours de plus de l’équinoxe du printems à celui d’automne, que de l’équinoxe d’automne à celui du printems ; ce qui fait en un autre sens une compensation. Cependant il paroît, malgré cette circonstance, qu’en général le froid est plus grand dans l’autre hémisphere que dans le nôtre, puisqu’on trouve dans l’hémisphere austral des glaces à une distance beaucoup moindre de l’équateur, que dans celui-ci. (O)

Chaleur, en Philosophie scholastique, se distingue ordinairement en actuelle & potentielle.

La chaleur actuelle est celle dont nous avons parlé jusqu’à présent, & qui est un effet du feu réel & actuel, quelle qu’en soit la matiere.

La chaleur potentielle est celle qui se trouve dans le poivre, dans le vin, & dans certaines préparations chimiques, comme l’huile de térébenthine, l’eau-de-vie, la chaux vive, &c.

Les Péripatéticiens expliquent la chaleur de la chaux vive par antipéristase. Voy. Antipéristase.

Les Epicuriens & autres corpusculaires attribuent la chaleur potentielle aux atomes ou particu-