Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la mer, où toutes les eaux des puits sont salées & ameres, à cause que le terrein n’est qu’un sable leger au-travers duquel l’eau de la mer ne se purifie pas, que l’on fait des citernes dans chaque maison pour son usage particulier. Ces citernes ont sans doute de grands avantages, & elles sont enterrées. Ce sont des especes de caveaux où l’eau se conserve mieux qu’à l’air ; car il est vrai que l’eau, & sur-tout celle de pluie, ne se conserve pas à l’air, à cause du limon dont elle est remplie, qu’elle ne dépose pas entierement en passant par le sable ; qu’elle se corrompt, & qu’il s’y engendre une espece de mousse verte qui la couvre entierement.

C’est pourquoi M. de la Hire voudroit qu’on pratiquât dans chaque maison un petit lieu dont le plancher seroit élevé au-dessus du rez-de-chaussée de 6 piés environ ; que ce lieu n’eût tout au plus que la quarantieme ou cinquantieme partie de la superficie de la maison, ce qui seroit dans notre exemple d’une toise à-peu-près. Ce lieu pourroit être élevé de huit à dix piés, & bien voûté, avec des murs fort épais. Ce seroit dans ce lieu que l’on placeroit un réservoir de plomb, qui recevroit toute l’eau de pluie après qu’elle auroit passé au-travers du sable. Il ne faudroit à ce lieu qu’une très-petite porte bien épaisse, & bien garnie de natte de paille, pour empêcher que la gelée ne pût pénétrer jusqu’à l’eau. Par ce moyen, on pourroit distribuer facilement de très bonne eau dans les cuisines & les lavoirs. Cette eau étant bien renfermée ne se corromproit pas plus que si elle étoit sous terre, & ne geleroit jamais. Son peu d’élevation au-dessus du rez-de-chaussée serviroit assez à la commodité de sa distribution dans tous les lieux du logis. Ce réservoir pourroit être placé dans un endroit où il n’incommoderoit pas par son humidité, autant que ceux d’eau de fontaine qui sont dans plusieurs maisons.

Enfin il y a plusieurs autres endroits où de semblables réservoirs artistement construits suppléeroient aux besoins de la vie, par la position où l’on est de manquer d’eau, & par l’éloignement où l’on se trouve des sources & des rivieres. Souvent nous laissons perdre les bienfaits de la nature, faute de connoissances pour en savoir tirer parti. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

* CITHARE, s. f. (Hist. anc. & Luth.) instrument ancien, que quelques auteurs croyent avoir été le même que la lyre à sept ou neuf cordes, & que d’autres regardent comme un instrument différent, mais sans en assigner la différence.

Selon les anciens monumens & les témoignages des Grecs & des Latins, elle étoit formée de deux côtés recourbés, & imitant les cornes du bœuf. Le bout des cornes ou le haut étoit tourné en-dehors, & le bas ou l’origine des cornes, en-dedans ; le milieu ou la partie comprise entre les extrémités recourbées, s’appelloit le bras ; les côtés ou montans étoient fixés sur une base creuse, destinée à fortifier le son des cordes. Ils étoient assemblés par deux traverses ; les cordes étoient attachées à la traverse d’en-bas, d’où elles alloient se rendre sur des chevilles placées à la traverse d’en-haut. La cithare avoit une base plate, & pouvoit se tenir droite sur cette base : c’étoit l’instrument de ceux qui se disputoient les prix dans les jeux Pithiens ; ils s’en accompagnoient en chantant le sujet de leur chant, donné par les Amphictions au renouvellement des fêtes célébrées en l’honneur d’Apollon, & en mémoire de la défaite du serpent Pithon. Il étoit divisé en cinq parties. La premiere étoit un prélude de guerre ; la seconde, un commencement de combat ; la troisieme, un combat ; la quatrieme, un chant de victoire ; & la cinquieme, la mort de Pithon & les sifflemens du monstre expirant. Il paroît que la cithare & les airs destinés pour cet in-

strument, sont plus anciens que la flûte & les airs de flûte. Les airs étoient en vers hexametres. Terpandre plus ancien qu’Archiloque, joüa de la cithare par excellence : il fut vainqueur quatre fois de suite dans les jeux Pithiques. Il y en a qui prétendent que notre mot guitarre vient du mot cithare, quoiqu’il n’y ait aucune ressemblance entre ces instrumens. Voy. Guitarre, Lyre, & les mémoires des Inscript.

* CITOYEN, s. m. (Hist. anc. mod. Droit publ.) c’est celui qui est membre d’une société libre de plusieurs familles, qui partage les droits de cette société, & qui joüit de ses franchises. Voy. Société, Cité, Ville franche, Franchises. Celui qui réside dans une pareille société pour quelqu’affaire, & qui doit s’en éloigner, son affaire terminée, n’est point citoyen de cette société ; c’en est seulement un sujet momentané. Celui qui y fait son séjour habituel, mais qui n’a aucune part à ses droits & franchises, n’en est pas non plus un citoyen. Celui qui en a été dépouillé, a cessé de l’être. On n’accorde ce titre aux femmes, aux jeunes enfans, aux serviteurs, que comme à des membres de la famille d’un citoyen proprement dit ; mais ils ne sont pas vraiment citoyens.

On peut distinguer deux sortes de citoyens, les originaires & les naturalisés. Les originaires sont ceux qui sont nés citoyens. Les naturalisés, ce sont ceux à qui la société a accordé la participation à ses droits & à ses franchises, quoiqu’ils ne soient pas nés dans son sein.

Les Athéniens ont été très-reservés à accorder la qualité de citoyens de leur ville à des étrangers ; ils ont mis en cela beaucoup plus de dignité que les Romains : le titre de citoyen ne s’est jamais avili parmi eux ; mais ils n’ont point retiré de la haute opinion qu’on en avoit conçûe, l’avantage le plus grand peut-être, celui de s’accroître de tous ceux qui l’ambitionnoient. Il n’y avoit guere à Athenes de citoyens, que ceux qui étoient nés de parens citoyens. Quand un jeune homme étoit parvenu à l’âge de vingt ans, on l’enregistroit sur le ληξιαρχικὸν γραμματεῖον ; l’état le comptoit au nombre de ses membres. On lui faisoit prononcer dans cette cérémonie d’adoption, le serment suivant, à la face du ciel. Arma non dehonestabo ; nec adstantem, quisquis ille fuerit, socium relinquam ; pugnabo quoque pro focis & aris, solus & cum multis ; patriam nec turbabo, nec prodam ; navigabo contrà quamcumque destinatus fuero regionem ; solemnitates perpetuas observabo ; receptis consuetudinibus parebo, & quascumque adhuc populus prudenter statuerit, amplectar ; & si quis leges susceptas sustulerit, nisi comprobaverit, non permittam ; tuebor denique, solus & cum reliquis omnibus, atque patria sacra colam. Dii Cognitores, Agrauli, Enyalius, Mars, Jupiter, Floreo, Augesco duci. Plut. in peric. Voilà un prudenter, qui abandonnant à chaque particulier le jugement des lois nouvelles, étoit capable de causer bien des troubles. Du reste, ce serment est très-beau & très sage.

On devenoit cependant citoyen d’Athenes par l’adoption d’un citoyen, & par le consentement du peuple : mais cette faveur n’étoit pas commune. Si l’on n’étoit pas censé citoyen avant vingt ans, on étoit censé ne l’être plus lorsque le grand âge empêchoit de vaquer aux fonctions publiques. Il en étoit de même des exilés & des bannis, à moins que ce ne fût par l’ostracisme. Ceux qui avoient subi ce jugement, n’étoient qu’éloignés.

Pour constituer un véritable citoyen Romain, il falloit trois choses ; avoir son domicile dans Rome, être membre d’une des trente-cinq tribus, & pouvoir parvenir aux dignités de la république. Ceux qui n’avoient que par concession & non par naissance quelques-uns des droits du citoyen, n’étoient, à proprement parler, que des honoraires. V. Cité, Jurisprudence.