Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/557

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lasticité & la cohésion des parties de la matiere dont on les fond, deux élémens sur lesquels on ne peut guere que former des conjectures vagues ; ce que l’on peut avancer, c’est que les sons des deux cloches de même matiere & de figures semblables, seront entr’eux réciproquement comme les racines cubiques de leurs poids ; c’est-à-dire que si l’une pese huit fois moins que l’autre, elle formera dans le même tems un nombre double de vibrations ; un nombre triple, si elle pese 27 fois moins, & ainsi de suite : car en leur appliquant la formule des cordes, & faisant dans cette formule le poids tendant G, comme  : la formule se réduira à ; mais lorsque des corps homogenes sont de figures semblables, leurs poids sont entr’eux comme les cubes de leurs dimensions homologues ; ou leurs dimensions homologues, comme les racines cubiques des poids ; or les nombres des vibrations produites dans un tems donné étant comme elles seront donc aussi comme .

Le P. Mersenne a démontré que la pratique des Fondeurs étoit fautive à cet égard, & qu’ils ne pouvoient guere espérer, même en supposant l’homogénéité de matiere & la similitude de figure, le rapport qu’ils prétendoient établir entre les sons de deux cloches, parce qu’ils n’observoient pas dans la division de leur brochette ou regle, les rapports harmoniques connus entre les tons de l’octave.

On pourroit toutefois aisément construire une table à trois colonnes, dont l’une contiendroit les intervalles de l’octave, l’autre les diametres des cloches, & la troisieme les touches du clavecin ou du prestant de l’orgue, comprises depuis la clé de c-sol-ut qui est le ton des musiciens, jusqu’à l’octave au-dessus, avec lesquelles ces cloches semblables seroient à l’unisson ; il ne s’agiroit que de trouver actuellement quelque cloche fondue qui rendît le son d’un tuyau d’orgue connu, dont on sçût le poids, & dont la figure fût bien exactement donnée. Le problème ne seroit pas bien difficile à resoudre : on diroit une cloche pesant tant, & de telle figure, donne tel son ; de combien faut-il diminuer ou augmenter son poids, pour avoir une cloche semblable qui rende ou la seconde, ou la tierce majeure ou mineure, ou la quarte au-dessus ou au-dessous, &c.

Lorsque la table seroit formée pour une octave, elle le seroit pour toutes les autres, tant en-dessus qu’en-dessous ; il ne s’agiroit que de doubler ou que de diminuer de moitié les diametres, & conserver toûjours les similitudes de figures. Ainsi pour trouver le diametre d’une cloche qui sonneroit l’octave au-dessus de l’octave de la table, on doubleroit le diametre de la cloche de la table répondante au sol, & l’on auroit le diametre de celle qui sonneroit l’octave au-dessous de ce sol, ou de la clé de g-ré-sol du clavecin, ou l’unisson du sol de quatre piés de l’orgue : si on doubloit encore ce diametre, on auroit le sol de huit piés : si on doubloit pour la troisieme fois ce diametre, on auroit l’unisson du seize piés, ou du ravalement, octuple de celui de la table, ou le son de la plus grosse cloche de Notre-Dame de Paris pris de bord en bord. En octuplant pareillement le diametre du la des tailles contenu dans la table, on auroit le diametre de la seconde cloche de Notre-Dame, ou de la premiere de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, qui sonne le la du ravalement.

On pourroit prendre celle de ces cloches qu’on voudroit pour fondement de la table, il ne s’agiroit que d’en bien connoître toutes les dimensions & le poids. Pour prendre le diametre d’une cloche, les Fondeurs ont un compas ; c’est une regle de bois

divisée en piés & pouces, & terminée par un talon ou crochet, que l’on applique à un des bords : il est inutile de s’étendre sur l’usage de cette regle ; il est évident que l’intervalle compris entre le crochet & le point de la regle où correspond l’autre bord de la cloche, en est le plus grand diametre.

Après avoir expliqué la maniere de tracer le profil d’une cloche, & les proportions qu’elle doit avoir, soit qu’on la considere solitairement, soit qu’on la considere relativement à une autre cloche qu’il faut mettre avec elle, ou avec laquelle il faut la mettre ou à l’unisson, ou à tel intervalle diatonique qu’on desirera ; il ne nous reste plus qu’à parler de la maniere d’en former le moule, de la fondre, & de la suspendre.

Pour former le moule, il faut d’abord construire le compas qu’on voit fig. 3. Pl. de Fond. des cloches : c’est un arbre de fer GF, dont le pivot tourne sur la crapaudine E fixée sur un piquet de fer scellé fermement au milieu de la fosse PQRS, creusée devant le fourneau T : cette fosse doit avoir un pié ou environ plus de profondeur que la cloche n’a de hauteur au-dessous de l’atre du fourneau, d’où le métal doit y descendre facilement. A une hauteur convenable de l’axe FG, on place deux bras de fer LM, assemblés à l’axe du compas : ces bras sont refendus, & peuvent recevoir la planche lmd qui fait la fonction de seconde branche du compas. Il faut avoir tracé sur cette planche les trois lignes A B C D, N K i D, o o o d, & la ligne Dd : la premiere est la courbe de l’intérieur de la cloche ; la seconde est la courbe de l’extérieur de la cloche ou du modele ; & la troisieme est la courbe de la chape : il faudra que ces lignes tracées sur la planche fassent avec l’axe FG du compas les mêmes angles que les mêmes lignes font avec l’axe F f, fig. 1.

On bâtit ensuite un massif de briques DH qui soit parfaitement rond, & dont le plan soit bien perpendiculaire à l’axe du compas, ou bien horisontal ; ce massif s’appelle la meule : les briques de la meule sont mises en liaison les unes avec les autres, ensorte que les briques de la seconde assise couvrent les joints des briques de la premiere assise, & ainsi de suite. Il faut laisser une ligne ou environ de distance entre le plan supérieur de ce massif, & la ligne Dd du compas.

Cela fait, on pose une assise de briques dont on rompt les angles ; on joint ces briques avec du mortier de terre ; elles sont disposées de maniere qu’il s’en manque une ligne & demie qu’elles ne touchent à la planche ; ce dont on s’assûre en la faisant tourner à chaque brique que l’on pose. On pose des assises de brique ainsi les unes sur les autres, jusqu’à ce que cette maçonnerie soit élevée à la hauteur du piquet : alors on scelle les bras de ce piquet, s’il en a, dans le corps même du noyau, & on continue d’élever la même maçonnerie jusqu’au cerveau A de la courbe. On couvre alors toute cette maçonnerie creuse avec un ciment composé de terre & de fiente de cheval ; on égalise bien par-tout cet enduit par le moyen de la planche qui est taillée en biseau ; ce biseau emporte tout l’excédent du ciment, & donne au noyau la forme convenable.

Lorsque le noyau est dans cet état, on le fait recuire en l’emplissant de charbons à demi allumés ; & pour que la chaleur se porte vers les parois du moule, & en fasse sortir toute l’humidité, on couvre le dessus avec un carreau de terre cuite. Quand le noyau est sec, on lui applique une seconde couche de ciment qu’on unit bien par-tout avec la planche ; cette seconde couche appliquée, on fait sécher une seconde fois : on recommence & l’application des couches de ciment, & la dessiccation, jusqu’à ce que le noyau soit parfaitement achevé : on le finit