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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/667

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des effets plus pernicieux dans une colonie, qu’en aucun autre endroit : le commerce y est si resserré, que l’impression y en est plus fréquente ; le découragement y est suivi d’un abandon total : quand même ces effets ne seroient pas instantanés, il est certain que le mal n’en seroit que plus dangereux.

Ce qui contribue à diminuer la quantité de la denrée ou à la renchérir, diminue nécessairement le bénéfice de la métropole, & fournit aux autres peuples une occasion favorable de gagner la supériorité, ou d’entrer en concurrence.

Nous n’entrerons point ici dans le détail des diverses colonies européennes à l’Amérique, en Afrique, & dans les Indes orientales, afin de ne pas rendre cet article trop long : d’ailleurs la place naturelle de ces matieres est au commerce de chaque état. Voy. les mots France, Londres, Hollande, Espagne, Portugal, Danemarck.

On peut consulter sur les colonies anciennes la Genese, chap. x. Hérodote, Thucydide, Diodore de Sicile, Strabon, Justin, la géographie sacrée de Sam. Bochart, l’histoire du commerce & de la navigation des anciens, la dissertation de M. de Bougainville sur les devoirs réciproques des métropoles & des colonies Greques : à l’égard des nouvelles colonies, M. Melon dans son essai politique sur le commerce, & l’esprit des lois, ont fort bien traité la partie politique : sur le détail, on peut consulter les voyages du P. Labat, celui de don Antonio de Ulloa, de M. Fraizier, & le livre intitulé commerce de la Hollande. Cet article est de M. V. D. F.

* COLONNAIRE, s. m. (Hist. anc.) columnarium, impôt mis sur les colonnes dont on ornoit les maisons : on dit que ce fut Jules César qui l’imagina, afin d’arrêter le luxe de l’architecture, qui se remarquoit d’une maniere exorbitante dans les bâtimens des citoyens.

COLONNE, s. f. terme d’Architecture, du Latin columna, qui a été fait, selon Vitruve, de columen, soûtien ; l’on entend sous ce nom une espece de cylindre, qui differe du pilier en ce que la colonne diminue à son extrémité supérieure en forme de cone tronqué, & que le pilier est élevé parallelement.

Sous le nom de colonne l’on comprend les trois parties qui la composent ; savoir sa base, son fust, & son chapiteau. Nous nous appliquerons ici particulierement à son fust, après avoir dit en général qu’il est cinq especes de colonnes, savoir la toscane, la dorique, l’ionique, la corinthienne, & la composite, sans en compter une infinité d’autres qui tirent leurs noms de la diversité de leur matiere, de leur construction, de leur forme, de leur disposition, de leur usage, &c. Voyez Chapiteau, voyez aussi Base, renvoyé dans l’errata à la tête du III. volume.

Le fust des colonnes differe par leur diametre ; la colonne toscane en ayant sept de hauteur, la dorique huit, l’ionique neuf, la corinthienne & la composite dix. Voyez Ordre. Les anciens & les modernes s’y sont pris différemment pour la diminution du fust des colonnes : les premiers les ont fait diminuer depuis la base jusqu’au sommet ; ensuite ils les ont seulement conservées paralleles dans leur tiers inférieur, ne les diminuant que dans les deux tiers supérieurs : la plus grande partie des modernes, tels que Philibert, Delorme, Mansart, & Perraut, les ont diminuées haut & bas, c’est-à-dire ont porté leur véritable diametre à l’extrémité supérieure du tiers inférieur, & les ont diminuées vers les deux extrémités. Cette derniere maniere, quoique assez généralement approuvée par nos Architectes François, n’est cependant pas toûjours bonne à imiter ; car il résulte de cette maniere que le foible porte le fort, ce qui est contre toute regle de vraissemblance & de solidité ; ce qui devroit faire préférer les colonnes pa-

ralleles dans leur tiers inférieur, & les diminuer seulement

depuis ce tiers jusqu’à leur sommet. Les Architectes ont aussi différé sur la quantité de diminution qu’ils devoient donner au diametre supérieur des colonnes ; Vitruve a prétendu que plus les colonnes avoient d’élévation, & moins elles devoient avoir de diminution ; parce qu’étant plus éloignées de l’œil du spectateur, alors par l’effet de l’optique, elles diminuoient d’elles-mêmes. Ce précepte sans doute est judicieux ; mais il n’en faut pas moins prévoir si ces colonnes sont ou colossales, ou isolées, ou flanquées, ou adossées, ou accouplées ; car, selon ces différentes situations, il convient d’augmenter ou de diminuer le fust supérieur des colonnes ; ce qui exige une expérience fort au-dessus, à cet égard, de la théorie : pour cette raison nous dirons en général, que les Architectes qui ont écrit depuis Vitruve sont assez d’accord, que les colonnes au sommet de leur diametre supérieur, ayent un sixieme de moins qu’à leur diametre inférieur, & cela indistinctement pour les cinq ordres de colonnes dont nous venons de parler ; quoique Vignole, par une contradiction qui n’est pas concevable, ait établi une moindre diminution à la colonne toscane qu’aux autres, qui ont néanmoins un caractere plus leger & plus élégant.

Il faut observer que la diminution des colonnes ne se détermine pas par deux lignes droites, mais par des courbes nommées conchoïdes (voyez Conchoïdes) qui donnent beaucoup de graces à leur fust en empêchant de former des jarrets qui deviendroient inévitables, si leur diminution étoit déterminée par des lignes droites : on use de ce même moyen pour les colonnes renflées, c’est-à-dire pour celles qui sont diminuées haut & bas, & dont nous avons déjà parlé.

Les fusts des colonnes sont susceptibles de diverses richesses, selon qu’ils appartiennent aux différens ordres. Nous allons en parler en particulier.

Le fust toscan est le plus ordinairement tenu lice, comme ceux du Palais-Royal, de l’orangerie de Versailles, &c. cependant on revêt quelquefois son fust de bossages continus, comme ceux du Luxembourg, ou alternatifs, comme ceux du château neuf de Saint-Germain-en-Laye : ces bossages sont quelquefois vermiculés ou ornés de congellation, tels qu’il s’en remarque de cette derniere espece à la grotte du jardin du Luxembourg. L’on voit à Paris au guichet du Louvre du côté de la riviere, un ordre toscan revêtu de bossages enrichis de fort beaux ornemens ; mais dont le travail délicat & recherché n’a aucune analogie avec la rusticité de l’ordre.

Le fust dorique se tient encore assez ordinairement lice : quelquefois l’on le revêt de bossages alternatifs, comme au Luxembourg ; mais plus communément on l’orne de cannelures (voy. Cannelures) séparées par des listeaux, comme il s’en voit au portail S. Gervais, dont le tiers inférieur est tenu lice pour plus de simplicité. Vignole a proposé des cannelures à l’ordre dorique sans listeau ; mais ces cannelures sont non-seulement trop fragiles, mais aussi elles sont peu propres à exprimer la virilité, qui est le véritable caractere de l’ordre dorique, ainsi que nous l’avons observé ailleurs.

Le fust ionique est presque toûjours orné de cannelures ; mais comme son diametre est plus élégant que le dorique, au lieu de vingt on en distribue vingt-quatre autour de sa circonférence, & l’on ajoûte aux listeaux qui les séparent, des filets ou d’autres moulures pour les enrichir, ainsi qu’on l’a observé aux colonnes ioniques des galeries du château des Tuileries, du côté des jardins, à celle des colonnes du vestibule du château de Maisons, &c. Ces cannelures regnent ordinairement dans toute la hauteur