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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/713

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ment un avantage pour l’exportation, sur ceux qui le sont moins. Enfin plus les denrées seront nécessaires & parfaites, plus la dépendance des étrangers sera grande.

Une grande population est un des avantages qui met un peuple en état de fournir le plus qu’il est possible aux besoins des autres peuples ; & réciproquement, son commerce extérieur occupe tous les hommes que le commerce intérieur n’auroit pû nourrir.

La population dépend de la facilité que trouvent les citoyens à se procurer une subsistance aisée par le travail, & de leur sûreté. Si ce travail ne suffit pas à leur subsistance, il est d’expérience qu’ils vont se la procurer dans d’autres états. Aussi lorsque des circonstances extraordinaires ont causé ces non-valeurs, le législateur a soin d’en prévenir les effets : il nourrit ses ouvriers, ou leur fournit du travail. De ce que la population est si nécessaire, il s’ensuit que l’oisiveté doit être reprimée : les maisons de travail sont le principal remede que les peuples policés y employent.

Un peuple ne fournira rien aux autres, s’il ne donne ses denrées à aussi bon marché que les autres peuples qui possedent les mêmes denrées : s’il les vend moins cher, il aura la préférence dans leur propre pays.

Quatre moyens y conduisent sûrement : la concurrence, l’œconomie du travail des hommes, la modicité des frais d’exportation, & le bas prix de l’intérêt de l’argent.

La concurrence produit l’abondance, & celle-ci le bon marché des vivres, des matieres premieres, des artistes, & de l’argent. La concurrence est un des plus importans principes du Commerce, & une partie considérable de sa liberté. Tout ce qui la gêne ou l’altere dans ces quatre points, est ruineux pour l’état, diamétralement opposé à son objet, qui est le bonheur & la subsistance aisée du plus grand nombre d’hommes possible.

L’œconomie du travail des hommes consiste à le suppléer par celui des machines & des animaux lorsqu’on le peut à moins de frais, on que cela les conserve : c’est multiplier la population, bien loin de la détruire. Ce dernier préjugé s’est soûtenu plus long-tems dans les pays qui ne s’occupoient que du commerce intérieur : en effet, si le commerce extérieur est médiocre, l’objet général ne seroit pas rempli si l’intérieur n’occupoit le plus d’hommes qu’il est possible. Mais si le commerce extérieur, c’est-à-dire, la navigation, les colonies, & les besoins des autres peuples peuvent occuper encore plus de citoyens qu’il ne s’en trouve, il est nécessaire d’œconomiser leur travail pour remplir de son mieux tous ces objets. L’expérience démontre, comme nous l’avons déjà remarqué, que l’on perd son commerce lorsque l’on ne cultive pas tout celui que l’on pourroit entreprendre. Enfin il est évident que la force d’un corps politique dépend du meilleur & du plus grand emploi des hommes, qui lui attirent ses richesses politiques : combinaison qu’il ne faut jamais perdre de vûe. L’œconomie du travail des hommes ne détruira donc point la population, lorsque le législateur ne fera que détourner avec précaution leur travail d’un objet à un autre : ce qui est la matiere d’une police particuliere.

La modicité des frais d’exportation est la troisieme source du bon marché, & par conséquent de la vente des productions d’un pays.

Ces frais sont ceux du transport, & les droits de sortie. Le transport se fait ou par terre, ou par eau. Il est reconnu que la voiture par terre est infiniment plus coûteuse. Ainsi dans les états commerçans, les canaux pour suppléer au défaut des rivieres navigables, l’entretien & la commodité de celles-ci, la franchise absolue de cette navigation intérieure,

sont une partie essentielle de l’administration.

Les droits des doüanes (voyez Douane), soit à la sortie, soit dans l’intérieur, sur les productions d’une nation, sont les frais auxquels les étrangers se soûmettent avec le plus de peine. Le négociant les regarde comme un excédent de la valeur réelle, & la politique les envisage comme une augmentation de richesse relative.

Les peuples intelligens, ou suppriment ces droits à la sortie de leurs productions, ou les proportionnent au besoin que les autres peuples en ont ; surtout ils comparent le prix de leurs productions rendues dans le lieu de la consommation, avec le prix des mêmes productions fournies en concurrence par les nations rivales. Cette comparaison est très-importante : quoiqu’entre deux peuples manufacturiers la qualité & le prix d’achat des étoffes soient semblables, les droits de sortie ne doivent pas être les mêmes, si le prix du transport n’est pas égal : la plus petite différence décide le consommateur.

Quelquefois le législateur au lieu de prendre des droits sur l’exportation, l’encourage par des récompenses. L’objet de ces récompenses est d’augmenter le profit de l’ouvrier, lorsqu’il n’est pas assez considérable pour soûtenir un genre de travail utile en concurrence : si la gratification va jusqu’à diminuer le prix, la préférence de l’étranger pendant quelques années, suffit pour établir cette nouvelle branche de commerce, qui n’aura bientôt plus besoin de soûtien. L’effet est certain ; & la pratique n’en peut être que salutaire au corps politique, comme l’est dans le corps humain la communication qu’un membre fait à l’autre de sa chaleur, lorsqu’il en a besoin.

Un peuple ne fourniroit point aux autres le plus qu’il est possible, s’il ne faisoit que le commerce de ses propres denrées. Chacun sait par sa propre expérience, qu’il est naturel de se pourvoir de ses besoins dans le magasin qui a les plus grands assortimens, & que la variété des marchandises provoque les besoins. Ce qui se passe chez un marchand, arrive dans la communication générale.

Les peuples commerçans vont chercher chez d’autres peuples les denrées qui leur manquent, pour les distribuer à ceux qui les consomment. Cette espece de commerce est proprement le commerce d’œconomie. Une nation habile ne renonce à aucun ; & quoiqu’elle ait un grand commerce de luxe, si elle a beaucoup d’hommes & beaucoup d’argent à bon marché, il est évident qu’elle les fera tous avec succès. J’avancerai plus : le moment où ses négocians y trouveront de l’avantage, sera l’époque la plus sure de sa richesse.

Parmi ces denrées étrangeres, il en est dont le législateur a défendu l’usage dans le commerce intérieur ; mais, comme nous l’avons remarqué, il est dans un état forcé dans la partie du commerce extérieur.

Pour ne pas priver la nation du profit qu’elle peut faire sur les marchandises étrangeres, & accroître conséquemment sa richesse relative, dans quelques états on a établi des ports où l’on permet l’importation franche de tout ce qu’il est avantageux de réexporter : on les appelle ports-francs. Voyez Port franc.

Dans d’autres états, on entrepose ces marchandises ; & pour faciliter la réexportation générale des denrées étrangeres, même permises, lorsqu’elle se fait on rend la totalité ou partie des droits d’entrée.

Le commerce extérieur d’un peuple ne sera point à son plus haut degré de perfection, si son superflu n’est exporté, & si ses besoins ne lui sont importés de la maniere la plus avantageuse pour lui.

Cette exportation & cette importation se font ou par ses propres vaisseaux, ou par ceux d’une autre nation ; voyez Navigation : par des commission-